L’Europe ?
Non, non, elle est bien présente car elle a été le moteur ou la caution de beaucoup de coups tordus.
Comme le Conseil de l’Europe regroupe une bonne quarantaine de pays avec plus de huit-cents millions d’habitants, on y développe les modes de « gestion des populations » les plus sommaires. La Cour Européenne des Droits de l’Homme rejette la grande majorité des recours par une simple lettre type, voir le site de Justiciable :
http://www.geocities.com/justiciable_fr
ou l’article d’Isabelle Debergue du 28 juillet :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=11856
Europe, justice et « macro-gestion » de populations
Un an après le référendum, les « pré-candidats » aux présidentielles de 2007 parlent peu de l’Europe. Personne n’évoque, par exemple, une justice européenne qui ne ressemble guère à la justice qu’a connue la France après la Libération. Les évolutions des deux types d’institutions ont été très différentes, jusqu’au moment où l’Europe a été en mesure d’influencer le fonctionnement de la justice française. Cette interaction a fait apparaître des problèmes de notre justice, mais en a créé bien d’autres. La Cour Européenne des Droits de l’Homme, dont l’autorité s’étend sur 45 pays et 800 millions de citoyens, applique un « droit minimal » avec des procédures expéditives et sommaires. L’ensemble, « importé » par les tribunaux français, se solde par des pertes de droits pour le citoyen justiciable. La question se pose même de savoir ce que devient la notion d’un droit égal pour tous.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) émane du Conseil de l’Europe. Elle ne dépend pas de l’Union Européenne, mais d’une entité plus vaste : la « grande Europe » de l’Atlantique au Pacifique, Russie comprise. Le statut et le rôle de la CEDH, instance de rang supérieur aux hautes juridictions françaises (Conseil d’Etat et Cour de Cassation), montrent que la véritable force motrice de la « construction européenne » est le Conseil de l’Europe. Conséquence naturelle du potentiel économique et stratégique global des quarante-six pays qui le forment. Mais que deviennent les droits des citoyens à l’intérieur d’un tel conglomérat politique et institutionnel ? Ne risque-t-on de voir s’instaurer une sorte de traitement « à la louche » des affaires individuelles du plus grand nombre ?
La lettre type
Le « petit français » pour qui les institutions avaient été des entités relativement proches, et qui saisit la CEDH croyant que c’est pareil, déchante lorsqu’il reçoit une lettre type lui signifiant sans autre explication :
« Je porte à votre connaissance que la Cour européenne des Droits de l’Homme, siégeant le (...) en un comité de trois juges [noms des juges formant un »comité"] en application de l’article 27 de la Convention, a décidé en vertu de l’article 28 de la Convention de déclarer irrecevable la requête précitée, les conditions posées par les articles 34 ou 35 de la Convention n’ayant pas été remplies.
Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
Cette décision est définitive et ne peut faire l’objet d’aucun recours devant la Cour, y compris la Grande Chambre, ou un autre organe. Vous comprendrez donc que le greffe ne sera pas en mesure de vous fournir d’autres précisions sur les délibérations du comité ni de répondre aux lettres que vous lui adresseriez à propos de la décision rendue dans la présente affaire. Vous ne recevrez pas d’autres documents de la Cour ayant trait à celle-ci et, conformément aux directives de la Cour, votre dossier sera détruit dans le délai d’un an à compter de la date d’envoi de la présente lettre. La présente communication vous est faite en application de l’article 53 § 2 du règlement de la Cour."
Aucun exposé du contenu du recours, aucune réponse circonstanciée aux demandes et arguments de son auteur. Non, l’Europe n’est pas « la France, mais en plus gros »...
Pour 800 millions d’habitants, la CEDH compte 45 juges. Un par Etat signataire de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales. Dans l’esprit de l’institution, sa saisine est une démarche exceptionnelle. En aucun cas, une voie « normale ». Certes, aux termes de l’article 45 de la Convention, « les arrêts, ainsi que les décisions déclarant les requêtes recevables ou irrecevables, sont motivés ». Mais la lettre type correspond à une « déclaration d’irrecevabilité » (article 28) émanant d’un comité de trois juges (article 27), pas à une « décision » d’une chambre décrite dans l’article 29. Est-ce cette subtilité qui permet d’écarter la plupart des recours sans expliquer vraiment pourquoi ? Le justiciable peut estimer que les procédures éliminatoires posent un réel problème. Un arrêt décrivant la requête et répondant à ses moyens avec un minimum de précision permettrait à l’intéressé de savoir comment le droit lui est appliqué et de vérifier que son application est la même pour tous. Pourquoi l’équité de la Cour au quotidien doit-elle être un article de foi, au lieu d’émerger clairement dans une pratique transparente ?
(...)