Je ne me réfère aucunement à Sparte, bien qu’elle soit un magnifique exemple de la supériorité d’un peuple austère par habitude sur un peuple - Athènes - épris soudainement de grandeur et d’impérialisme, de monétisation et de commerce international.
Que chaque peuple soit mû par un intérêt quelconque, qui lui est propre, en lequel il reconnaît ses valeurs fondamentales, je ne le nie aucunement.
En revanche, il me semble que vous ne faites pas de distinction entre le principe d’intérêt et l’acception que le mot revêt de nos jours.
Autrefois, l’intérêt était le moyen par lequel on atteignait une certaine fin. Aujourd’hui, l’intérêt est la fin à soi seul. Il y avait donc un intérêt commun, motivé par une fin commune. À présent, toute fin commune est abhorrée comme un retour à l’ordre ancien, au carcan prescripteur des sociétés dites « closes ». À chacun de se confectionner sa fin dans son coin, et à autant de fins, autant de moyens, donc autant d’intérêts à ménager, susciter, entretenir, jusqu’à péremption et passage au nouvel intérêt du moment.
Aristote faisait de l’homme un animal politique, c’est-à-dire un être assujetti entre un déterminisme, des causes efficientes, et un finalisme, des causes finales. Il était condamné en quelque sorte à vivre avec ses semblables, et se joindre à eux en vue du bien commun. Rien de tel dans un monde atomisé. Plus rien de commun, si ce n’est le produit du moment, apte à se faire une place au soleil s’il parvient à fédérer suffisamment.
Je fais donc un distinguo entre l’intérêt en tant que cheminement vers une fin commune, nécessaire à tout homme - et même Kant, dans son formalisme moral, botte en touche et renvoie l’intérêt d’un devoir sans concession dans une vie future - et l’intérêt individuel, momentané, conflictuel, capricieux et matérialiste. Il y a un intérêt à se nourrir comme il y a un intérêt à changer de voiture tous les six mois, mais ils ne sont pas du même ordre.
En outre, j’ai envoyé un nouvel article sur Agoravox qui, s’il est accepté, pourra vous intéresser et prolongera éventuellement notre débat actuel.
Bien à vous.
EG.