à l’auteur
Je ne suis pas trop d’accord avec cette idée que l’écriture soit une thérapie. Ecrire, peindre, composer de la musique, c’est essayer de communiquer quelque chose, et c’est nécessairement l’autre qui est visé, plutôt que soi. L’art véritable est en quête de l’universel, plus que d’un nombril aspirant à devenir centre du monde.
C’est une des conséquences fâcheuses du romantisme, des psychologies modernes et surtout des ridicules théories psychanalytiques, cette promotion d’un besoin de « S »’exprimer qui deviendrait essentiel et qui reste pourtant, il faut bien le dire, tout à fait illusoire. Depuis la découverte de l’art brut, on n’a cessé d’encourager les malades mentaux à « s’exprimer », et tout aussi bien les enfants des écoles, dont on affiche quelquefois les hideuses productions dans les halls d’entrée, comme si le geste brouillon, ignorant de toute technique (peindre n’est pas barbouiller) pouvait avoir un quelconque rapport avec l’art. Autrement dit, s’il s’agit de « s’exprimer », et par là d’améliorer son confort intime, mieux vaudrait peut-être éviter le ridicule d’une pareille entreprise et recourir à des pilules.
Il reste que, par un étrange dévoiement de la logique, dans l’idéologie dominante, désormais, la gloire maximale s’articule nécessairement à la pathologie. Ce n’est pas tant à cause de sa peinture que les braves gens apprécient Van Gogh, mais parce qu’il connaissent, grâce aux media, la propension qu’il avait à se trancher de temps à autre une oreille avec son rasoir. Ca, c’est beaucoup plus excitant que la peinture elle-même, dont il serait si difficile de parler avec justesse ! Si Antonin Artaud n’avait pas dû subir tant d’électro-chocs, je me demande quelquefois si on le lirait encore, et la folie de Nietzsche après une existence de valétudinaire, n’est pas pour rien non plus dans la fascination qu’il continue d’exercer sur ceux qui lui ressemblent et ne parviennent pas à se débarrasser d’un ego surdimensionné.
Cela dit, et à cette réserve près, il me semble qu’on ne peut que souscrire à ce que vous écrivez.
PS- J’y vois de plus en plus mal, je lis ce que je crois avoir écrit, et je tremble à l’idée d’avoir laissé passer de ces fautes idiotes qu’on vous reproche si férocement et qu’on voit toujours trop tard.