Libre réflexion à propos de notre devise nationale
Les républiques se succèdent, les constitutions se révisent, pourquoi une devise, fut-elle nationale, ne se remettrait-elle pas en cause, ne serait-ce que pour tenir compte des effets du progrès survenu entre temps ? Sans porter atteinte aux valeurs qu’elle veut proclamer, il n’y aurait rien de choquant, pour qui n’est pas aveuglé par le dogme, à y réfléchir calmement et avec un recul de plus de deux siècles par rapport à l’époque à laquelle fut proclamée celle de la République française. Sans compter une autre révolution – industrielle celle-là – et des bouleversements de la société, imprévisibles à la fin du XVIIIe s. La nation qui se glorifie d’avoir ainsi proclamé au bénéfice de tous les valeurs qu’elle faisait siennes pourrait de la sorte juger de ce qu’est devenu son présent et être la première à en tirer les conséquences.
Étant donné le climat euphorique dans lequel la devise française a été adoptée, sous l’influence des penseurs de l’époque, plus utopistes encore que les « intellectuels » d’aujourd’hui, force est de reconnaître qu’elle a changé bien peu de choses à nos rapports sociaux. Les privilèges, qui symbolisent en les concentrant tous les principes au nom desquels les trois valeurs de Liberté, Égalité et Fraternité ont été choisies, non seulement ont perduré mais se sont multipliés, proclamés comme autant de conquêtes par ceux qui en profitent et les défendent maintenant avec obstination.
Notons que les replâtrages ou substituts opérés ou proposés par les uns et les autres, dont le plus fameux a été celui tenté par Vichy avec Travail, Famille, Patrie, n’ont pas été couronnés de davantage de succès que d’estime pour qu’ils puissent être sérieusement pris en considération. il ne s’agit d’ailleurs pas ici de changer une devise mais de réfléchir à ce qu’est devenue sa signification objective.
De la Liberté
« Une expérience journalière fait reconnaître que les français vont instinctivement au pouvoir ; ils n’aiment point la liberté ; l’égalité seule est leur idole » Chateaubriand
« La liberté commence toujours par être accompagnée de maux qui suivent l’usage inconsidéré qu’on en fait. » Frédéric Bastiat - La Loi
Pour autant qu’elle ne relève pas du rêve, la Liberté se définit par les limites que la loi lui octroie ou que chacun voit assignées à la sienne par celle des autres. Loin d’être cet idéal d’indépendance que chacun vit à sa guise, la Liberté a un caractère faisant hautement référence à la vie collective et réclame de ce fait une attention toute particulière, eu égard aux revendications de plus en plus inopportunément formulées par les uns et les autres à son sujet.
La liberté consiste à faire à son propre gré ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque individu ou groupe d’individus est subordonné à ce qui assure aux autres la jouissance de ces mêmes droits. En cela, il n’est pas de liberté sans devoirs. La loi pouvant aider à fixer et codifier ces droits et ces devoirs, c’est elle qui arbitrera autant que de besoin.
« La liberté de chacun finissant où commence celle des autres », elle peut être considérée comme une richesse, un espace dévolu à quiconque dans l’égalité républicaine, laquelle est tout autre chose que cet égalitarisme anarchisant avec lequel elle est trop souvent confondue. Il est dès lors évident que plus le nombre de ceux qui partagent cette richesse ou cet espace est grand, moins la part de chacun le sera. Sauf à concevoir bien entendu que cet espace soit extensible à l’infini. Or, de ce point de vue et en attendant la conquête viable de notre environnement planétaire – ce qui ne ferait d’ailleurs qu’en repousser les limites tout en multipliant nos devoirs, l’humanité est confrontée à ses frontières matérielles ; celles de la Terre sur laquelle elle vit, ou plus exactement aux limites que son imprévoyance lui octroie et dans lesquelles il lui est possible d’y vivre. Cet espace vital est en effet inexorablement grignoté, chaque jour davantage, par une inconscience aggravée par le nombre.
Plutôt que de revendiquer toujours plus de ce qui se raréfie à chaque instant, c’est la révision de ses exigences en matière de Liberté qui s’impose à l’homme. Si par exemple la réduction des libertés des uns est due à une croissance démographique imputable à d’autres, comment faire pour empêcher ces autres d’empiéter sur l’espace de liberté des premiers ? Que ce soit possible par la contrainte ou par la raison, il s’agit bien de limiter les libertés individuelles de tous.
Le temps est révolu d’affirmer des droits dont l’abus ne peut conduire qu’à l’anarchie. Si la Liberté peut être vue comme un espace ou comme une richesse, comme tout espace ou toute richesse un partage nécessite davantage de pragmatisme que de bonnes intentions. Ne pas s’en soucier, c’est tout simplement méconnaître l’aboutissement incontournable de toute idée utile, appelée à être traduite tôt ou tard dans les faits.
Ne peut-il pas être vu dans une telle analyse une explication supplémentaire du fait que la codification d’un système de valeurs, qu’il s’agisse banalement de politesse, de bienséance, de cordialité ou plus généralement de tout ce qui touche à la considération due à autrui, en même temps qu’à l’égalité de tous devant la loi, ne se fonde pas impunément sur des considérations abstraites, idéalistes, voire idéologiques et dogmatiques, a fortiori lorsqu’elles naissent dans l’anarchie, l’euphorie et l’utopie ? À croire que la raison, comme la vérité, finit toujours par sortir du puits.
Peut-être sommes-nous tout simplement confrontés aux conséquences de « l’emploi de l’esprit aux dépens de l’ordre public [...] une des plus grandes scélératesses [...] de toutes la plus dangereuse, parce que le mal qu’elle produit s’étend et se promulgue par la peine [...] infligée [...] des siècles après lui ». (Duchesse de Choiseul au sujet de J.J. Rousseau). À noter qu’il s’agit ici de la liberté de penser qui, pour le meilleur et pour le pire, ne connaît pas d’autres limites que celles de la raison et que c’est lorsque cette raison est bafouée que l’autre liberté, la liberté d’être, est en danger. Et ceci d’autant plus que se répand la confusion entre liberté de penser, de s’exprimer et d’agir, entre pensée et action. Nombreux sont ceux qui s’exprimant, prennent leurs gesticulations pour de l’action et plus nombreux encore ceux qui, laissant les autres penser pour eux, s’expriment et se comportent en irresponsables.
Entre dès lors en jeu la responsabilité, sans laquelle la liberté n’est plus qu’une vue des esprit les plus fumeux ou les plus malhonnêtes, elle n’est alors même plus une richesse à partager ; elle est un mythe qu’entretient la démagogie et son compagnon le mensonge.
La notion de liberté entendue comme espace ou richesse que les hommes ont en commun a pour corollaire que la part de chacun ne peut que se réduire lorsque le nombre de ceux qui les partagent croît. Elle mérite, de ce fait, une attention plus grande que celle qui lui est portée, notamment de la part de ceux qui bafouent si souvent la Liberté, au nom des libertés (identitaires, communautaristes, corporatistes, individuelles, etc. ) qu’ils prétendent promouvoir ou défendre.
Pierre d’achoppement de la vie en société, combien celle-ci serait pourtant changée, dans le sens du progrès social, si toutes les combats qui se mènent de par le monde au nom de la Liberté en tenaient compte. Utopie ? Bien au contraire : marque de raison ! Mais la raison n’est-elle pas elle-même une utopie ?
28/05 22:26 - Éric Guéguen
Merci à vous. Ça c’est pour l’héraldique, mais dans les faits, la conciliation des (...)
28/05 09:19 - SALOMON2345
« FRATERNITÉ » Rousseau évoque une dévolution d’une partie la Liberté personnelle (sa (...)
04/10 16:34 - Éric Guéguen
04/10 16:23 - JL
Restons calme ! :-(( Il vous faut des lunettes ? J’ai écrit : « Les compétitions (...)
04/10 16:07 - Éric Guéguen
Eh bien, que sont les catégories sportives si ce n’est de l’équité (...)
04/10 15:51 - JL
Et moi, soudard, j’aime bien ! :-)) Chance dans le sens, hasard. Il faut tout vous dire (...)
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