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Commentaire de Céline Ertalif

sur Journalisme citoyen et cinquième pouvoir


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Céline Ertalif Céline Ertalif 2 février 2007 00:39

Bonjour,

Je suis aussi très intéressée par cette réflexion autour de ce qu’il est maintenant convenu ici de désigner par journalisme citoyen. Je dois cependant confesser que je n’aime guère la vision monacale qu’en propose Richard Patrosso. Un journalisme du devoir, beuh...

Je ne crois pas vraiment que le rôle du journalisme citoyen soit de se battre contre la corruption. Il y a tout un passage sur le professionalisme journalistique qui ne me convainct pas du tout. Le problème n’est pas d’avoir des reporters de faits qui produisent de l’information professionnelle alors que les citoyens amateurs ne sauraient pas en produire. Le problème, c’est que les professionnels sont rarement en situation de rapporter les faits pertinents et de les mettre en perspective.

L’opposition entre les faits objectifs et les commentaires subjectifs est un marronnier, comme on dit dans les rédactions. Mais si on faisait l’effort de distinguer strictement dans la presse ce qui relève de l’intérêt public et ce qui relève du néo-publicitaire, nous verrions tous les jours le kiosque comme un Sahel d’informations. Et, il me semble que c’est cela qui nourrit la raison d’être des blogs et du journalisme citoyen, bien plus qu’un engagement moral et politique. Je suis sans doute plus optimiste que Richard, parce qu’en général ceux qui prêchent la morale n’y croient guère. Sinon, ils prêcheraient moins !

Vraiment les journalistes produisent trop, et finissent par ne déranger aucune idée reçue. Quelles informations ne sortent pas d’un « dossier de presse » ? Même dans la presse locale, quels sont les articles sur l’assemblée de votre chorale qui ne sont pas sollicités plus ou moins directement par le président de la chorale ? et par son cousin germain, présent sur la photo et candidat aux prochaines municipales ? L’information, ce serait par exemple de savoir pourquoi les effectifs de la chorale augmente : à cause du chant, à cause des voyages, parce que c’est un moyen de lâcher un peu son bonhomme... Voilà au moins une clé : l’intention publicitaire arrange toujours quelqu’un, l’information dérange toujours.

Le journaliste a un gros effort d’investigation à faire pour sortir des informations qui sont parfaitement disponibles ou ouvertes par séquence à de nombreux citoyens. Quand je vois ce qu’écrit la presse locale sur la vie municipale, de ma fenêtre je vois les faiblesses (et depuis que je suis passée au sud de la Loire, c’est catastrophique !). Le professionalisme ne se distingue pas toujours par l’accès à l’information, car même s’il dispose d’un temps rémunéré pour recueillir l’information il dispose rarement du temps qui permet la mise en perspective. En revanche, il y a un savoir-faire. Tous les journalistes savent que leur métier commence par le secrétariat de rédaction, et ceux qui l’auraient oublié ont bien tort, qu’on commence par un chapeau où on dit l’essentiel, des intertitres réguliers, jamais trop long et qu’on a fini l’article quand on a trouvé le titre. C’est très résumé, mais c’est suffisant pour faire différence avec les citoyens amateurs. Tout cela pour dire que la maîtrise rhétorique est le principal avantage des professionnels. Les citoyens sont naturellement mieux informés que les médiateurs professionnels, mais c’est une information séquentielle. L’agrégation de l’information est un problème d’intérêt public.


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