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Commentaire de Corinne Colas

sur Voltaire... Pour quoi faire ?


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Corinne Colas Corinne Colas 13 septembre 2012 18:30

« Jean-Robert Tronchin a reçu le poste de fermier général... bien que réformé. » Oui et alors ? Cela vous chagrine et Max Gallo l’a évoqué aussi en historien catho « du bon bord »...

Franchement, que vient faire cette histoire de Tronchin, « recevant » le poste de fermier général ? Cela n’a pas fait avancer plus vite la cause des Calas (et consorts), Voltaire s’en désespérait. Et cela n’a pas empêché la mise à mort du père intervenue en 1762, même année de la nomination de Tronchin. Cela sans compter les autres Tronchin copains de Voltaire dont les activités permettaient aussi bien des relations....

Si le but de votre travail est de pointer les protestants déclarés ou non, gravitant là où ils n’auraient jamais dû se tenir, sous-entendant un grand complot... vous avez raté votre vocation d’inquisiteur. Procurez-vous la base de données qui démontre l’hypocrisie ambiante quant à la liste autorisée et la réalité des faits. Les petits ou gros chantages en échange de la liberté d’exercer ont entraîné aussi bien des drames malgré les baptêmes. Quant aux « protestants » se moquant pas mal des interdictions officielles, certains avec des positions assez importantes, même les « bons » catholiques savaient s’en accommoder au prétexte que nécessité fait loi lorsqu’il en était de leurs intérêts propres ou de la communauté. D’autres « convertis » moins chanceux étaient soumis à la vindicte populaire, histoire de faire des exemples, genre piqûre de rappel. Certaines régions étant plus chaudes que d’autres. 

A force de chercher ce qui « se cacherait » derrière les relations des uns et des autres, l’essentiel est perdu de vue. 

Accablant pour qui ? Après Voltaire, maintenant les protestants  ? Alors, ce ne sont plus les méchants juifs qui nous ont ruinés mais les méchants réformés de la finance plutôt helvète ? C’est vrai que les relations entre persécution des huguenots et notre économie ont fait l’objet de maints ouvrages et l’on nous a déjà expliqué en long et en large que la diffusion du capitalisme aux quatre coins de la terre s’est faite grâce à eux ou à cause d’eux. Les protestants répondront que tout cela, c’est la faute (non pas à Voltaire) mais à la révocation de l’Edit de Nantes et ils auront tout autant raison.

On dit que l’argent n’a pas d’odeur ni de frontières mais il n’a pas de religion, non plus...contrairement aux insinuations à la façon des parpaillots qui semblent provenir d’un autre espace-temps. Mon banquier peut être athée, catho, juif ou musulman, il a le même plaisir à se remplir les poches en 2012 !

Désolée de ne pas suivre quand vous envisagez les évènements de telle façon qu’ils doivent tous concourir absolument à une thèse aux ramifications excessives et quelques peu réchauffées… souvent, la réalité est plus prosaïque lorsque l’on regarde en arrière mais ce n’est que mon point de vue forcément biaisé au regard de votre goût pour la généalogie. Bien sûr, vous avez tout à fait le droit de diffuser votre réflexion et de la développer selon votre angle. Des éléments intéressants peuvent toujours apparaître. 

Je me permets de revenir au moins sur ce qui apparaît comme une affirmation catégorique : "les documents d’époque, il apparaît aussitôt que Calas a effectivement tué son fils ». Laquelle pour le coup, peut faire bondir !

Dans toute réflexion à propos d’une affaire de justice, n’est-il pas utile de mettre ses convictions de côté et de s’en tenir aux faits sur le plan strict du droit ?

Il est bon de rappeler que contrairement à votre assertion, aucune preuve n’a pu être produite. Si l’esprit de la loi avait été suivi à la lettre, il n’y aurait jamais eu de condamnation. D’où la célèbre phrase de Voltaire : « mieux vaut un coupable en liberté qu’un innocent condamné » (ou à peu près). 

Les documents témoignent plutôt de l’incompétence du capitoul Beaudrigue, des vices de forme et du fanatisme qui ont prévalu dans cette affaire. Et nul besoin de se référer « à ce que l’université raconte », il est facile de consulter (même en ligne) les documents authentiques conservés aux archives de Haute-Garonne : procès-verbal, interrogatoires, délibérations etc.

 C’est en effet édifiant et accablant mais pas dans le sens où vous l’entendez. 

 De plus, vous mélangez tout en écrivant « Lorsque le jugement a été (fictivement) cassé (on n’a effectivement cassé que la décision de première instance, sans toucher à la décision en appel, qui était pourtant la seule opérante)" 

La réalité de la première période :

Sentence des capitouls en novembre 1761 mais appel

jugement cassé pour irrégularité en décembre 1761 par la Cour du Parlement

nouvelle procédure en 1762

On sait que le Parlement n’a pas suivi le réquisitoire, d’abord condamnant à mort le père (par supplice) puis quelques jours plus tard, les autres à différentes peines.

La réalité de la deuxième période :

 La réhabilitation de tout le monde (y compris le père Calas) a bel et bien eu lieu, cela à la suite d’un nouveau jugement trois ans plus tard. Celui-ci rendu possible parce qu’au préalable, c’est le conseil du Roi qui cette fois, a cassé le jugement du Parlement de Toulouse. La révision du procès est entièrement disponible à qui veut en prendre la peine ! Idem pour l’autopsie du fils cette fois professionnelle et en bonne et due forme (objet d’un mémoire) qui a apporté la preuve tangible qu’il n’y avait pas eu assassinat. 

Nous savons que les erreurs judiciaires sont l’occasion d’un monceau de livres sans nuances. Partisans du pour ou contre y trouvent leur bonheur sans que la source ne se tarisse. L’affaire Calas n’y déroge pas. Pire ! En l’espèce, il est facile de départager les auteurs selon qu’ils sont de bons ou de « mauvais » catholiques. Lorsque j’ai évoqué Calas dans mon premier commentaire, j’ai pris soin de me référer uniquement à la façon très moderne de Voltaire lorsqu’il a remué ciel et terre pour obtenir la révision du procès. On ne peut contester son côté précurseur. 

Après, vous pouvez spéculer sur ses motivations profondes par rapport sa correspondance, le nom de ses amis ou appuis, libre à vous... A l’inverse, on peut tout aussi bien prendre l’histoire par l’autre bout. 

Après tout, « qui a utilisé qui » dans son réseau au départ pour mettre en branle, une étude dépassionnée de celle-ci afin de mettre en évidence les dysfonctionnements ?

L’important, c’est d’avoir frappé à la bonne porte et à la bonne période car la situation à l’égard des nouveaux « convertis déformés » devait bien évoluer un jour. Voltaire quant à lui trouvait sotte la mère Calas et l’on savait ce qu’il pensait de la religion en général (tout se déclarant opportunément bon catholique, quitte à se faire construire une église chez les Suisses et se faire mal voir là-bas aussi), et n’appréciant pas plus le fanatisme chez les pasteurs genevois que chez les cathos estampillés. Il a d’ailleurs d’abord été indifférent à cette affaire. 

Cependant son esprit libre de toute contrainte et très analytique ne pouvait que l’amener aux conclusions connues depuis, et seule sa richesse, seule sa position pouvaient lui permettre de dénoncer ici : le fanatisme et la bêtise conduisant à tous les excès y compris dans le domaine judiciaire.

D’autres que lui, sans appuis et sans argent, ont aussi crié au scandale. Ils ne l’ont pas dit longtemps... 

Chercher des buts inavoués, précurseurs des évènements actuels (sic) c’est un bonne démarche, en inventer ou en trouver, ne change rien à l’affaire Calas ! 

On peut gloser à l’infini sur la richesse et la frivolité de Voltaire, sa brillante intelligence ou son manque de scrupules, parfois même sa lâcheté avérée et certes, cela n’a jamais été un « bon » philosophe, lui-même en convenait. Il aurait pu aussi comme tant d’autres, se contenter de faire fructifier le pécule qui fait délirer certains aujourd’hui mais il avait un esprit et en usait ma foi, très correctement... cela l’a mis souvent en mauvaise posture y compris dans l’affaire Calas, ce qui est tout à son honneur aux yeux d’un protestant. Celui-ci appréciant à sa juste valeur votre phrase :

"le réformé Calas prenant l’apparence d’un martyr victime des catholiques"

 Apparence concrète malheureusement puisque papa Calas, après avoir eu les membres brisés sur la place publique, a été étranglé et enfin brûlé. Et c’est bien sous la pression des cathos, que cela a été possible. N’oublions pas les monitoires placardés sur chaque église, les prêtres menaçant d’excommunier tous ceux qui n’iraient pas témoigner à charge (témoignage à décharge toujours écartés), les folles rumeurs etc. 

Cependant s’il fallait retenir une chose de son époque à propos de Voltaire et de son irrespect salvateur, ce sont les passions déchaînées à cause de son dictionnaire philosophique qui fait toujours autant rire. 

N’oublions jamais qu’il a été cloué sur le torse du chevalier de La Barre lorsqu’il a été brûlé. Cela en dit long sur les vrais combats toujours d’actualité aujourd’hui...dans une société qui se croit libre parce que laxiste mais qui redevient en réalité trop bien-pensante !

Voltaire, Desproges, revenez au secours... 


 Cordialement

 


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