Voltaire... Pour quoi faire ?
Le numéro 32 du Bulletin Officiel du ministère de l’Éducation nationale (6 septembre 2012) nous permet de prendre connaissance d’une note de service émise le 1er août précédent et destinée aux "inspectrices et inspecteurs d'académie - directrices et directeurs académiques des services de l’éducation nationale ; aux inspectrices et inspecteurs d’académie - inspectrices et inspecteurs pédagogiques régionaux d’allemand ; aux déléguées et délégués académiques aux relations européennes et internationales et à la coopération ; aux chefs d'établissement."
Nous y apprenons que "le programme Voltaire permet à des jeunes français et allemands d'effectuer en tandem un séjour de six mois dans le pays partenaire".
À titre personnel, et après un long travail de lecture et d’analyse de la Correspondance (13 volumes à la Pléiade) de l’auteur (anonyme, en son temps) de Candide, je ne peux qu’être très surpris d’avoir à constater que l’Éducation nationale n’en a pas encore fini de se retrancher derrière l’un des plus grands criminels avoués de l’Histoire moderne et contemporaine.
Que compte-t-elle en faire dans le cadre plus particulier des relations franco-allemandes au sein de l’Europe d’aujourd’hui ? Que peut bien vouloir dire la phrase que voici :
"Le programme Voltaire repose sur la confiance de chacun des deux partenaires, de leurs familles et de leurs établissements scolaires envers le système d'enseignement du pays voisin." ?
Se souvient-on ici de ce que Voltaire a tenté d’obtenir de Frédéric II : cette guerre européenne qui aurait fait du roi de Prusse un souverain sans égal ? Ainsi, même traité comme un chien battu, le prétendu philosophe n’en démordra toujours pas. Voici la lettre qu’il adresse à Amelot de Chaillou, ministre des Affaires étrangères du royaume de France, le 3 octobre 1743 :
"Je pris la liberté de dire au margrave [de Bayreuth, époux de la sœur de Frédéric, Wilhelmina] en substance, que s’il pouvait disposer de quelques troupes en Franconie, les joindre aux débris de l’armée impériale, obtenir du roi son beau-frère seulement dix mille hommes, je prévoyais en ce cas que la France pouvait lui donner en subsides de quoi en lever encore dix mille cet hiver en Franconie, et que toute cette armée sous le nom d’armée des cercles pouvait arborer l’étendard de la liberté germanique auquel d’autres princes auraient le courage de se rallier, et que le roi de Prusse engagé pouvait encore aller plus loin."
Le roi de Prusse "engagé"... par qui ?... Et pour la liberté germanique à la pointe de l'épée !... Si Bismarck n'a pas été tout à fait aussi ignorant de la réalité du personnage de Voltaire que les Françaises et Français de bonne souche d'aujourd'hui et d'avant-hier (mais comment aurait-il pu ignorer la réalité de l'attitude de Frédéric II de Prusse devant le petit poète assoiffé d'un or bien dégoulinant de sang ?), il a dû beaucoup s'amuser de ce qui se manifeste ici des ruses de l'Histoire…
Ruses qu’illustre, à l’instant même, la mienne surprise de découvrir, au bas de la note de service qui a motivé la rédaction de cet article, la signature du nouveau secrétaire général de l’Éducation Nationale, Jean Marimbert, ci-devant directeur général de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) que j’ai précédemment eu à épingler dans un ouvrage traitant de l’affaire du Médiator pour lequel un rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) m’a été du plus grand secours…
Mais c’est bien sûr une tout autre histoire !... Et tout aussi accablante.
Michel J. Cuny
32 réactions à cet article
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C’est sûr qu’il y a de quoi se demander pourquoi encore aujourd’hui Voltaire reste une référence. Philosophe médiocre, polémiste fourbe, criminel hypocrite, censeur, menteur, l’évocation de son nom est pourtant toujours reçue par l’auditoire avec un palpable respect et donne un gage de tolérance et d’intelligence à celui qui la fait. Il serait temps de décrocher certaines idoles.
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Parce que Voltaire, grand propagateur du Libéralisme anglais en France, est toujours le parfait représentant de ce qui fait encore aujourd’hui et plus que jamais la valeur médiatique d’un « intellectuel » : un fond plutôt pauvre et en réalité bien peu humaniste, mais une forme très séduisante, de l’esprit, de la répartie, des « bons mots », l’art de la formule, et toujours, au gré des circonstances, cette propension à se mettre au service des riches et des puissants pour mieux se servir soi-même. Voltaire mourut dans l’opulence, Rousseau dans l’indigence...
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Cette explication me semble bonne. Effectivement, le jour où BHL sera honni publiquement et reconnu pour ce qu’il est, peut-être aura-t-on la chance de voir également les cendres de Voltaire quitter le Panthéon...
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Faire sortir Voltaire du Panthéon ? Il suffira de propager ses très nombreux écrits antisémites et que le pantin Hollande, ou un autre qui lui succédera, vienne nous annoncer dans un futur discours plein de la « Dignité requise » sur la rafle du Vel’ d’Hiv’ par exemple, que cet ignoble pamphlétaire fut un des grands instigateurs de l’antisémitisme français qui mena à la collaboration de la France au processus « shoatique ». Ce n’est pas bien compliqué...
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Au moment des anniversaires, la mode est à Rousseau plus qu’à Voltaire.
Je vous suis bien dans votre commentaire.
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« C’est sûr qu’il y a de quoi se demander pourquoi encore aujourd’hui Voltaire reste une référence »... parce que lui et d’autres font en effet partie de toute une période de notre histoire qu’il n’est pas possible d’occulter. Prendre de la distance, remettre dans le contexte propre à une époque, devient de plus en plus difficile d’après les commentaires.Voltaire n’était pas un ange, pas plus que Rousseau qui a abandonné ses mioches mais la censure vient nous dicter les références acceptables et celles qui ne le sont pas... façon « Voici-Voilà vous dévoile les turpitudes de vos stars ».Quant à l’accusation d’antisémitisme proférée à l’encontre de Voltaire, elle est carrément malhonnête car c’est oublier opportunément toutes ses critiques générales contre la religion. Les musulmans on fait les frais de son esprit grinçant et les cathos en ont notamment pris pour leur grade, plus régulièrement encore que les juifs : « La nôtre est sans contredit la plus ridicule, la plus absurde, et la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde ».Oui, il était bourré de défauts : cupidité, frivolité, mépris etc. mais on peut lui rendre grâce pour sa vivacité d’esprit, ses bons mots, son amère lucidité, son ardeur, son pessimisme caché sous une ironie mordante et sa prose bien plus agréable à lire que celle (infamie) de BHL auquel il a été comparé dans un commentaire ici, bien que ce dernier, créature inconsistante fabriquée par le show-biz, ne possède aucun des traits reconnus chez Voltaire.Malgré toutes les ambiguïtés de Voltaire (n’est pas le seul à en avoir), force est d’admettre son étonnante modernité (voir son traitement de l’affaire Calas). On peut rendre au moins hommage à sa liberté de pensée qu’il a toujours affichée envers et contre tout. Aucune hypocrisie dans sa « noirceur » qu’il a défendu haut et fort ! Le personnage ne s’est jamais paré de fausses vertus mais maintenant, on vient lui reprocher ce qu’il n’a pas caché... Un peu bizarre, tout cela !On peut trier et ne retenir que ce qui nous arrange mais difficile d’oublier la position de majeure de Voltaire sur la liberté de pensée. Entre celle que l’on impose aux autres, façon Rousseau (ou BHL aujourd’hui puisque c’est la « référence » dont on parle plus bas) et la sienne, la différence est essentielle.Relire à ce propos « Liberté de Penser » Dictionnaire Philosophique (1765)extrait de la note :»L’affirmation finale, qui peut apparaître tout à fait dure, est en réalité un coup génial d’acceptation illuminée de toutes les opinions et comportements, même ceux qui sont considérés comme plutôt méprisables, pourvu qu’ils ne soient pas fait apparaître comme nobles pour être ainsi imposés à tout le monde. Cela en opposition totale avec Jean-Jacques Rousseau qui voulait imposer la liberté à tous (Le contrat social, 1762) parce que la liberté était une idée noble et la forcer sur tous (un paradoxe dénué de sens) était pour lui la chose la plus juste au monde. Et il prépara aussi le terrain culturel pour remplacer l’obscurantisme et l’intolérance de l’Église avec un obscurantisme et une intolérance encore plus pestifère et obscène, celle de l’État« -
« musulmans ont fait les frais » bien sûr et non ...
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A Corinne,
Vous vous donnez beaucoup de peine pour faire le tri entre ce qui serait bien ou moins bien chez Voltaire.
Le problème, tel que je le vois, ne se pose pas tout à fait de cette façon. Il me semble incontournable de lire la Correspondance dans sa totalité en prenant des notes. Comme elle couvre plus d’une cinquantaine d’années du XVIIIème siècle, elle permet de voir de près les différents événements, et de définir le contexte dans lequel Voltaire intervenait. Le résultat est très impressionnant... et accablant.
Comme vous allez le voir, à travers les quelques paragraphes que voici, tant que l’on n’a pas vécu cette expérience, il est très difficile de savoir de quoi il est effectivement question.
Prenons l’affaire Calas. A travers les propos que tient Voltaire et les documents d’époque, il apparaît aussitôt que Calas a effectivement tué son fils. La chose paraît beaucoup moins choquante quand on comprend la violence des affrontements qui secouaient cette famille bien avant ce drame, une violence qui était connue des pouvoirs publics et qui avait donné lieu à des décisions administratives précises touchant l’un des frères de la future victime.
Ensuite viennent les conditions matérielles du crime... Tous les derniers doutes s’évanouissent. Mais laissons cela. Le reste est beaucoup plus instructif !...
En effet, l’intervention de Voltaire ne ressemble en rien à ce que l’on (l’Education nationale, mais aussi l’ensemble de l’Université) raconte. Elle se situe dans un montage qui n’a rien à voir avec les Calas, mais qui concerne la finance helvète (réformée). Elle va tracer la future route de Necker, dont vous savez sans doute que sa qualité de réformé aurait dû lui interdire l’accès à de hautes fonctions dans les finances du royaume de France (en application de la révocation de l’Edit de Nantes).
Voici le noeud politique et financier de l’affaire Calas...
L’un des hommes d’affaires de Voltaire était le banquier helvète et réformé Jean-Robert Tronchin. Avec d’autres financiers réformés, ce dernier va obtenir de Voltaire qu’il façonne le scandale dont ils avaient besoin (le réformé Calas prenant l’apparence d’un martyr victime des catholiques) pour plier le royaume de France à leurs exigences de financiers réformés, en un temps où ce royaume courait à la ruine qui devait effectivement déboucher sur la Révolution de 1789.
Lorsque le jugement a été (fictivement) cassé (on n’a effectivement cassé que la décision de première instance, sans toucher à la décision en appel, qui était pourtant la seule opérante), Jean-Robert Tronchin a reçu le poste de fermier général... bien que réformé.
Quant à la ruine du royaume, elle tient à la défaite de la France dans la guerre de Sept-Ans dont une citation de Voltaire présente dans l’un des commentaires que je fais ici vous permet de voir quelle source d’enrichissement elle aura été pour Voltaire (l’un des financeurs les plus importants de la... dette publique) et pour l’ensemble de la finance helvète (réformée).
Mais lisez donc la Correspondance !...
Vous n’en comprendrez que mieux les événements actuels.Avec toute ma sympathie,
Michel J. Cuny
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« Jean-Robert Tronchin a reçu le poste de fermier général... bien que réformé. » Oui et alors ? Cela vous chagrine et Max Gallo l’a évoqué aussi en historien catho « du bon bord »...
Franchement, que vient faire cette histoire de Tronchin, « recevant » le poste de fermier général ? Cela n’a pas fait avancer plus vite la cause des Calas (et consorts), Voltaire s’en désespérait. Et cela n’a pas empêché la mise à mort du père intervenue en 1762, même année de la nomination de Tronchin. Cela sans compter les autres Tronchin copains de Voltaire dont les activités permettaient aussi bien des relations....
Si le but de votre travail est de pointer les protestants déclarés ou non, gravitant là où ils n’auraient jamais dû se tenir, sous-entendant un grand complot... vous avez raté votre vocation d’inquisiteur. Procurez-vous la base de données qui démontre l’hypocrisie ambiante quant à la liste autorisée et la réalité des faits. Les petits ou gros chantages en échange de la liberté d’exercer ont entraîné aussi bien des drames malgré les baptêmes. Quant aux « protestants » se moquant pas mal des interdictions officielles, certains avec des positions assez importantes, même les « bons » catholiques savaient s’en accommoder au prétexte que nécessité fait loi lorsqu’il en était de leurs intérêts propres ou de la communauté. D’autres « convertis » moins chanceux étaient soumis à la vindicte populaire, histoire de faire des exemples, genre piqûre de rappel. Certaines régions étant plus chaudes que d’autres.
A force de chercher ce qui « se cacherait » derrière les relations des uns et des autres, l’essentiel est perdu de vue.
Accablant pour qui ? Après Voltaire, maintenant les protestants ? Alors, ce ne sont plus les méchants juifs qui nous ont ruinés mais les méchants réformés de la finance plutôt helvète ? C’est vrai que les relations entre persécution des huguenots et notre économie ont fait l’objet de maints ouvrages et l’on nous a déjà expliqué en long et en large que la diffusion du capitalisme aux quatre coins de la terre s’est faite grâce à eux ou à cause d’eux. Les protestants répondront que tout cela, c’est la faute (non pas à Voltaire) mais à la révocation de l’Edit de Nantes et ils auront tout autant raison.
On dit que l’argent n’a pas d’odeur ni de frontières mais il n’a pas de religion, non plus...contrairement aux insinuations à la façon des parpaillots qui semblent provenir d’un autre espace-temps. Mon banquier peut être athée, catho, juif ou musulman, il a le même plaisir à se remplir les poches en 2012 !
Désolée de ne pas suivre quand vous envisagez les évènements de telle façon qu’ils doivent tous concourir absolument à une thèse aux ramifications excessives et quelques peu réchauffées… souvent, la réalité est plus prosaïque lorsque l’on regarde en arrière mais ce n’est que mon point de vue forcément biaisé au regard de votre goût pour la généalogie. Bien sûr, vous avez tout à fait le droit de diffuser votre réflexion et de la développer selon votre angle. Des éléments intéressants peuvent toujours apparaître.
Je me permets de revenir au moins sur ce qui apparaît comme une affirmation catégorique : "les documents d’époque, il apparaît aussitôt que Calas a effectivement tué son fils ». Laquelle pour le coup, peut faire bondir !
Dans toute réflexion à propos d’une affaire de justice, n’est-il pas utile de mettre ses convictions de côté et de s’en tenir aux faits sur le plan strict du droit ?
Il est bon de rappeler que contrairement à votre assertion, aucune preuve n’a pu être produite. Si l’esprit de la loi avait été suivi à la lettre, il n’y aurait jamais eu de condamnation. D’où la célèbre phrase de Voltaire : « mieux vaut un coupable en liberté qu’un innocent condamné » (ou à peu près).
Les documents témoignent plutôt de l’incompétence du capitoul Beaudrigue, des vices de forme et du fanatisme qui ont prévalu dans cette affaire. Et nul besoin de se référer « à ce que l’université raconte », il est facile de consulter (même en ligne) les documents authentiques conservés aux archives de Haute-Garonne : procès-verbal, interrogatoires, délibérations etc.
C’est en effet édifiant et accablant mais pas dans le sens où vous l’entendez.
De plus, vous mélangez tout en écrivant « Lorsque le jugement a été (fictivement) cassé (on n’a effectivement cassé que la décision de première instance, sans toucher à la décision en appel, qui était pourtant la seule opérante)"
La réalité de la première période :
Sentence des capitouls en novembre 1761 mais appel
jugement cassé pour irrégularité en décembre 1761 par la Cour du Parlement
nouvelle procédure en 1762
On sait que le Parlement n’a pas suivi le réquisitoire, d’abord condamnant à mort le père (par supplice) puis quelques jours plus tard, les autres à différentes peines.
La réalité de la deuxième période :
La réhabilitation de tout le monde (y compris le père Calas) a bel et bien eu lieu, cela à la suite d’un nouveau jugement trois ans plus tard. Celui-ci rendu possible parce qu’au préalable, c’est le conseil du Roi qui cette fois, a cassé le jugement du Parlement de Toulouse. La révision du procès est entièrement disponible à qui veut en prendre la peine ! Idem pour l’autopsie du fils cette fois professionnelle et en bonne et due forme (objet d’un mémoire) qui a apporté la preuve tangible qu’il n’y avait pas eu assassinat.
Nous savons que les erreurs judiciaires sont l’occasion d’un monceau de livres sans nuances. Partisans du pour ou contre y trouvent leur bonheur sans que la source ne se tarisse. L’affaire Calas n’y déroge pas. Pire ! En l’espèce, il est facile de départager les auteurs selon qu’ils sont de bons ou de « mauvais » catholiques. Lorsque j’ai évoqué Calas dans mon premier commentaire, j’ai pris soin de me référer uniquement à la façon très moderne de Voltaire lorsqu’il a remué ciel et terre pour obtenir la révision du procès. On ne peut contester son côté précurseur.
Après, vous pouvez spéculer sur ses motivations profondes par rapport sa correspondance, le nom de ses amis ou appuis, libre à vous... A l’inverse, on peut tout aussi bien prendre l’histoire par l’autre bout.
Après tout, « qui a utilisé qui » dans son réseau au départ pour mettre en branle, une étude dépassionnée de celle-ci afin de mettre en évidence les dysfonctionnements ?
L’important, c’est d’avoir frappé à la bonne porte et à la bonne période car la situation à l’égard des nouveaux « convertis déformés » devait bien évoluer un jour. Voltaire quant à lui trouvait sotte la mère Calas et l’on savait ce qu’il pensait de la religion en général (tout se déclarant opportunément bon catholique, quitte à se faire construire une église chez les Suisses et se faire mal voir là-bas aussi), et n’appréciant pas plus le fanatisme chez les pasteurs genevois que chez les cathos estampillés. Il a d’ailleurs d’abord été indifférent à cette affaire.
Cependant son esprit libre de toute contrainte et très analytique ne pouvait que l’amener aux conclusions connues depuis, et seule sa richesse, seule sa position pouvaient lui permettre de dénoncer ici : le fanatisme et la bêtise conduisant à tous les excès y compris dans le domaine judiciaire.
D’autres que lui, sans appuis et sans argent, ont aussi crié au scandale. Ils ne l’ont pas dit longtemps...
Chercher des buts inavoués, précurseurs des évènements actuels (sic) c’est un bonne démarche, en inventer ou en trouver, ne change rien à l’affaire Calas !
On peut gloser à l’infini sur la richesse et la frivolité de Voltaire, sa brillante intelligence ou son manque de scrupules, parfois même sa lâcheté avérée et certes, cela n’a jamais été un « bon » philosophe, lui-même en convenait. Il aurait pu aussi comme tant d’autres, se contenter de faire fructifier le pécule qui fait délirer certains aujourd’hui mais il avait un esprit et en usait ma foi, très correctement... cela l’a mis souvent en mauvaise posture y compris dans l’affaire Calas, ce qui est tout à son honneur aux yeux d’un protestant. Celui-ci appréciant à sa juste valeur votre phrase :
"le réformé Calas prenant l’apparence d’un martyr victime des catholiques"
Apparence concrète malheureusement puisque papa Calas, après avoir eu les membres brisés sur la place publique, a été étranglé et enfin brûlé. Et c’est bien sous la pression des cathos, que cela a été possible. N’oublions pas les monitoires placardés sur chaque église, les prêtres menaçant d’excommunier tous ceux qui n’iraient pas témoigner à charge (témoignage à décharge toujours écartés), les folles rumeurs etc.
Cependant s’il fallait retenir une chose de son époque à propos de Voltaire et de son irrespect salvateur, ce sont les passions déchaînées à cause de son dictionnaire philosophique qui fait toujours autant rire.
N’oublions jamais qu’il a été cloué sur le torse du chevalier de La Barre lorsqu’il a été brûlé. Cela en dit long sur les vrais combats toujours d’actualité aujourd’hui...dans une société qui se croit libre parce que laxiste mais qui redevient en réalité trop bien-pensante !
Voltaire, Desproges, revenez au secours...
Cordialement
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je ne connaissais pas cet aspect du comportement de Voltaire
et rajouterai cet extrait tiré de « essai sur les mœurs » de 1756 :
“ un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne ”quel antisocial !
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Et n’oublions jamais que ce sont ces « Lumières » là qui ont remporté la victoire finale de la période révolutionnaire avec l’avènement de la République Bourgeoise des financiers et des industriels avec leur Gouvernement Représentatif avant tout... d’eux-mêmes !
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Pour Anaxandre,
Je suis très content de vos deux interventions qui fournissent le cadre général du problème que posent la personne, les écrits et la réputation de Voltaire.
Cela rejoint très exactement le travail que j’ai réalisé depuis plusieurs années sur l’histoire de la propriété à l’époque moderne : John Locke, Cantillon, Adam Smith, David Ricardo, Charles Ganillh, Malthus, etc., pour, ensuite atteindre Edmund Phelps, prix Nobel d’économie en 2006.
Mon prochain livre : « Quand le capital se joue du travail - Chronique d’un désastre permanent » est à l’impression. Il reprend toutes ces questions par le détail, et surtout, en fournissant, lui aussi, un maximum de citations des différents protagonistes.
Cette façon de travailler permet de comprendre pourquoi Françoise Petitdemange et moi-même avons décidé, il y aura bientôt quarante ans, de nous tenir à l’écart des éditeurs, et de tenter le tour de force de vivre de l’écriture de nos livres sans rien devoir céder sur les contenus : ce qui aura été fait.
Mais voici qu’avec Agoravox en particulier, le circuit change pour nous comme pour bien d’autres... en offrant à tout un chacun l’occasion de donner le meilleur de soi.
Très cordialement à vous,
Michel J. Cuny
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De rien, je ne fait qu’exprimer mon avis forgé par une étude approfondie des fameuses « Lumières » et de la période révolutionnaire, et tant mieux s’il rejoint le vôtre. Quant à Agoravox qui donnerait « à tout un chacun l’occasion de donner le meilleur de soi », j’y constate trop souvent davantage de régurgitation des poncifs contemporains que de profondes pensées.
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Anaxandre, il faut du temps pour se faire, c’est comme le vin...
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“ un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne ”Cela s’appelle de l’humour corrosif... Merci Voltaire si lucide ! -
A Alex,
Merci pour ce commentaire « musclé ».
Ma petite citation est extraite de l’ouvrage « Voltaire - L’or au prix du sang » que j’ai publié en 2009 aux Editions Paroles Vives. Il totalise un peu moins de 500 pages qui m’ont permis de ne pas donner qu’une petite citation... mais rien qu’un peu plus d’un millier.
Il me semble que vous n’avez jamais ouvert un seul des 13 tomes de la Correspondance. Au surplus, il est très clair que vous ne connaissez rien ni à la marquise de Pompadour, ni au cardinal de Bernis, ni aux frères Pâris. Ainsi ne connaissez-vous rien de l’« utilité » d’un personnage comme Voltaire, dont je vous ferai remarquer que l’un des nombreux financiers avec lesquels il lui est arrivé de travailler n’était autre que Jean-Joseph de Laborde, l’ancêtre à la sixième génération, en ligne directe, d’Ernest-Antoine Seillière de Laborde (l’ex-patron du MEDEF).
Pour vous, je pense que je peux m’en tenir là.
Michel J. Cuny
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Voltaire eut tout—fait raison de prôner l’équivalent d’un traité de Westphalie pour établir une paix civile et religieuse durables en Europe. Car c’était le but recherché, selon ses déclarations dans ses lettres à Frédéric II. Rappelons que la Franconie est une région géographique et historique du centre-sud de l’Allemagne et qui sera rattachée à la Bavière.
à l’auteur, vous remarquerez que je m’abstiens - mais difficilement - de vous traiter de paltoquet pour avoir de façon éhontée détourné les pensées de notre philosophe dont vous mériteriez le mépris.
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A Taverne,
Merci d’être pareillement magnanime avec moi. Mais citez-nous donc les textes sur lesquels vous vous appuyez.
En attendant, j’attirerai votre attention sur ce fait que « Candide » a été publié en janvier 1759, c’est-à-dire tout juste après que Voltaire ait fait le compte des sommes colossales que lui a déjà rapportées la guerre en cours, c’est-à-dire celle que l’on dénommera plus tard : Guerre de Sept-Ans (1756-1763).
Voici, en effet, l’essentiel de ce qu’il avait écrit le 14 octobre 1758 - c’est-à-dire quelques semaines plus tôt - à son homme d’affaires, Jean-Robert Tronchin :
« Comptons, mon cher correspondant, afin que je ne fasse pas de sottises. »
« Voilà donc 456 000 livres [c’est-à-dire l’équivalent de 2280 années de travail pour un manouvrier de l’époque (200 livres par an), le fantassin ne touchant lui en moyenne que 150 livres !!!...] et plus pour payer 240 000 livres [1200 années de travail !...] ou environ ; restera entre vos mains 216 000 livres [1080 années de travail !!!...].
Que la guerre continue, que la paix se fasse, que les hommes s’égorgent ou se trompent, vivons et buvons. »
C’est bien cette lettre-là qui mériterait d’être commentée par les futur(e)s bachelières et bacheliers ! Et je ne vous ferai pas l’injure de vous demander d’où venait tout cet argent.
Michel J. Cuny
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Et je ne vous ferai pas l’injure de vous demander d’où venait tout cet argent.
Une anecdote amusante à propos de Voltaire : s’étant aperçu que le gros lot d’une loterie était supérieure au prix de la totalité des tickets, il les a tous achetés, et a donc gagné.
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Bien joué le coup de la loterie ! Il était très malin. Et vous, vous êtes très jaloux.
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Pour le coup de la loterie, je ne disais pas ça à charge, contrairement à mes autres commentaires, que je maintiens. Je trouve en effet cela amusant et malin.
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Pour Roungalashinga
Cette affaire de loterie paraît s’être redoublée d’une falsification de documents en liaison avec des notaires du Châtelet ...
Mais, en ce qui concerne les guerres, voici ce qu’il est intéressant de relever. Voltaire en était l’un des entrepreneurs, ainsi que le révèle, entre autres documents, la lettre que le poète-guerrier-fournisseur adresse le 8 juin 1743 au comte d’Argenson, ministre de la Guerre :
« Je me flatte, monseigneur, que je partirai vendredi pour les affaires que vous savez. C’est le secret du sanctuaire, ainsi n’en sachez rien. Mais si vous avez quelques ordres à me donner, et que vous vouliez que je vienne à Versailles, j’aurai l’honneur de me rendre secrètement chez vous à l’heure que vous me prescrirez. Nous perdons sans doute considérablement à nourrir vos chevaux. Voyez si vous voulez avoir la bonté de nous indemniser en nous faisant vêtir vos hommes. Je vous demande en grâce de surseoir l’adjudication jusqu’à la fin de la semaine prochaine. Mon cousin Marchand [fournisseur aux armées, cousin de Voltaire] attend deux gros négociants qui doivent arriver incessamment et qui nous serviront bien. »
Bien sûr, ceci n’est encore qu’un hors-d’oeuvre : il ne faut jamais perdre de vue que Voltaire a terminé sa vie en ayant accumulé une des fortunes les plus importantes... du monde de son temps. Ainsi pense-t-il avoir investi 2 millions de livres à Ferney - château, dépendances, une centaine de maisons vendues ou en location, des manufactures de montres, etc.
Selon les estimations que je fournis, à soi seul, cela représente 10 000 années de travail pour un manouvrier... Or, pour Voltaire, c’est seulement une rubrique parmi d’autres...
Michel J. Cuny
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Parlez davantage de votre philosophe et non pas du notre monsieur Taverne. Voltaire n’est que le BHL du XVIIIème siècle, avec comme seules différences notables son antisémitisme virulent, ou plutôt sa profonde « haine du juif » devrais-je dire pour ne pas commettre d’anachronisme, et un Bel Esprit doublé d’un art de l’écriture dont notre pitoyable contemporain est tout-à-fait dénué.
Votre « philosophe » du Libéralisme anglais mal digéré et de la Grande Bourgeoisie européenne, je vous le laisse. (Allez, je garderai peut-être Candide qui me fit sourire à 12 ans...)
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On a traîné - et on traîne encore - dans la fange un homme du peuple comme Robespierre authentiquement mobilisé par l’intérêt général et la défense du peuple contre les voleurs de pouvoirs (TOUS les voleurs de pouvoirs), et en même temps, on a dressé des statues à cette authentique crapule de Voltaire, qui a toujours, en tout temps, et de toutes les manières, œuvré à la stricte défense des intérêts de sa riche classe de possédants.
Il est grand temps de remettre les pendules à l’heure. Bravo à l’auteur. Continuez à nous révéler les perles de correspondances édifiantes.
Une chose, tout de même, à retenir de Voltaire, qui en « lâchait » parfois des bonnes : « L’Histoire est un mensonge dont nous convenons ». Il aurait tout aussi bien pu dire, par anticipation, « mon histoire » ...
Cordialement,
Morpheus
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Pour Morpheus,
Merci pour les encouragements que vous me prodiguez.
La venue de Robespierre dans votre propos me conduit à dire que dans le rapport de l’Assemblée constituante présenté par Pierre Cot pour le vote sur le premier projet de Constitution présenté au peuple de France à la Libération (celui qui a été rejeté par le suffrage universel), le nom de Robespierre apparaissait deux fois.
Pierre Cot, ministre de l’Air du Front populaire, avait eu, comme chef de cabinet... Jean Moulin. Lorsque celui-ci a rédigé le texte fondateur de ce qui s’appelait alors le Conseil politique de la Résistance, il y a fait figurer l’adverbe « souverainement » qui qualifiait la place éminente de cet organisme dans l’ensemble formé par la Résistance...
Au même moment, Pierre Cot, qui s’était réfugié aux Etats-Unis, écrivait un ouvrage en deux tomes : Le procès de la république, dans lequel il montrait pour quelles raisons seul le Conseil en question pouvait être le porteur provisoire de la souveraineté, en attendant que le peuple puisse choisir lui-même ses représentants.
Parallèlement, Pierre Cot soulignait le caractère second du Comité français de la Libération nationale présidé par de Gaulle. Le 21 février 1943, à Londres, celui-ci a apposé sa signature au bas d’un texte qui portait effectivement l’adverbe « souverainement ».
Si maintenant vous consultez le deuxième tome des Mémoires de guerre (Plon, 1956) à la page 445, vous verrez que le texte fondateur que de Gaulle offre à l’Histoire souffre, en un point très particulier, de la présence de trois points de suspension à l’intérieur même d’une phrase...
C’est à cet endroit que, comme le montrent les deux brouillons qu’il nous a laissés, Jean Moulin avait écrit : « souverainement ». Comme chacun sait, dès la Libération, le Conseil National de la Résistance a été passé par pertes et profits.
Françoise Petitdemange et moi-même avons écrit cela et quelques autres choses du même tonneau dans un livre paru il y aura bientôt vingt ans : « Fallait-il laisser mourir Jean Moulin ? » (Editions Paroles Vives). C’était en 1994.
Depuis - et selon ce que Jean-Noël Jeanneney nous avait dès cette époque présenté comme à peu près inéluctable - nous sommes interdit(e) de présence dans l’ensemble - et dans le détail - de la presse nationale parlée, écrite ou télévisuelle.
Voilà pourquoi votre message tombe au moment où il faut, et là où il le faut.
Très amicalement à vous,
Michel J. Cuny
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Ce que vous écrivez est vraiment intéressant. Cela démontre bien que les voleurs de pouvoir, en tout temps, veulent préserver leur contrôle sur les institutions et SURTOUT faire en sorte que JAMAIS le peuple de n’en mêle.
La seule souveraineté qui soit, c’est celle du peuple, et rien qu’elle. Sans vrai démocratie (donc PAS le gouvernement prétendument représentatif qu’on nous impose), pas de souveraineté !
Cordialement,
Morpheus
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Bonjour
Voir la sainte alliance Catho-extrème droite reconstituée sur le dos de Voltaire, la bête noire de l’église, voila une chose qui l’aurait fait beaucoup rigoler !
Bon je vous laisse discuter entre-vous...
Radix
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Tonnerre , voici un érudit
Intéressant, un autre regard.
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Bonsoir Antoine
Un autre regard ? Ce n’est pas difficile ici !
Le vôtre est un peu ambigüe, voici un belge, érudit, dont le regard est à la fois extérieur et intérieur et le discours parfois « contradictoire » et souvent abscons, qui vient d’un pays où les influences extérieures et les antagonismes intérieurs sont tels que même une plaque tectonique n’y résisterait pas qui ne comprendrait pas à quels tiraillements les diverses allégeances françaises sont soumises !
Monsieur vous plaisantez ou vous faites l’âne pour avoir du son ?
Certains ici se sentent en citadelle assiégée : les musulmans au sud, les anglais au nord, les allemands à l’est et les américains à l’ouest. C’est le siège, l’encerclement, il est temps de nouer des alliances pour défendre une chose qui n’existe déjà plus... Même si tous, nous faisons semblant du contraire !
Radix
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Bonsoir Radix,
J’ai pas trop bien compris....excusez-moi, que voulez-vous dire ?
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ceci écrit, Voltaire n’est pas la bête noire de l’Eglise....pour le moment Voltaire est au purgatoire de l’opinion....
Voltaire j’aime son côté contradictoire, habile et provocateur, naïf et concret, menteur et impudent, indépendant et cupide, séducteur et mal aimant ....un caractère.
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euh, qui a livré Jean Moulin, si je lis bien ?
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