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Commentaire de Morpheus

sur Refondation : de la violence éducative à l'éducation démocratique


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Morpheus Morpheus 15 septembre 2012 14:42

La première question à se poser c’est « quel est le rôle de l’éducateur ? ». Cette question mène à différentes options qui constituent chacune une sous-question dont les orientations peuvent être en opposition les unes par rapport aux autres, les propositions antagonistes pouvant se résumer à celles-ci :

A) Le rôle de l’éducateur est de former l’enfant à s’adapter au monde des adultes (donc former l’enfant à répondre aux besoins des adultes).

B) Le rôle de l’éducateur est de se s’adapter au monde des enfants (donc former l’éducateur à répondre aux besoins des enfants).

Mes ces deux approches ne sont-elles pas réductrices l’une et l’autre ? Si oui, alors il faut approfondir la réflexion. Le rôle de l’éducateur pourrait bien se situer entre ces deux propositions opposées. Il se pourrait que le rôle de l’éducateur soit à la fois de répondre aux besoins de l’enfant, tout en le formant au monde des adultes. Dans une telle perspective, la question devient plus subtile, car les approches risquent d’être ambigües. D’autres questions se posent également.

L’éducateur doit-il former l’enfant à s’adapter aux besoins de la société  ? L’éducateur doit-il former l’enfant au monde de l’entreprise  ? Notons alors au passage que cela induit le fait que la société se réduit au monde de l’entreprise... Ce faisant, ne crée-t-on pas là un possible hiatus entre les besoins des enfants et les besoins de la société ? Ne créons-nous pas un hiatus entre les besoins des enfants et ceux des adultes ? C’est-à-dire, ne créons-nous pas une hiérarchie sociale dans laquelle l’enfant est au service de la société, c’est-à-dire du monde des adultes, c’est-à-dire du monde des sociétés de profit ?

Si c’est le cas, alors il faut aussi appréhender le phénomène ironique que le monde des adultes est constitué d’anciens enfants formés à servir un monde dévoué aux adultes, selon les besoins des adultes, et ayant pour cela sacrifié leurs propres besoins d’enfant à ceux des adultes, au point qu’une fois devenus adulte, ces besoins sont oubliés - ou pour le dire plus justement, refoulés ? On aurait donc une extraordinaire situation d’un monde d’adultes refoulés formant leurs propres enfants à s’adapter à ce monde de refoulés, entraînant, dans bien des cas, des situations de tensions où des adultes refoulés déchargent leur stress sur des enfants peu ou pas assez dociles à leur goût du fait du hiatus entre leurs besoins respectifs.

Ce qui nous ramène à la question du hiatus entre le besoin des enfants et le besoin des adultes. Si nous soumettons entièrement l’enfant aux besoins des adultes, il s’ensuit logiquement que les besoins des enfants sont ignorés et se trouvent refoulés chez les adultes. Situation perverse et explosive par excellence ... D’un autre coté, on pourrait aussi se demander si les besoins des adultes sont vraiment si différents du besoin des enfants ? En quoi sont-ils différents ? En quoi sont-ils similaires ? Et - compte tenu du rapport de domination des adultes sur les enfants exposé ci-dessus - nous demander si le hiatus entre les besoins des enfants et ceux des adultes n’est pas, pour partie (ou en totalité ?) le résultat du refoulement des adultes ? Un serpent qui se mord la queue, en sommes.

On l’a bien vu, c’est une question qui dérange. Un adulte remettra beaucoup plus difficilement en question ses habitudes de vie qu’un enfant, et cela d’autant plus s’il a du souffrir et peiner pour s’adapter à ces habitudes de vie (que l’on aura encore le culot d’appeler - ironiquement ? - »choix de vie« ...).

On a déjà entendu ça « A ton âge, je travaillais déjà à l’usine ! », « A ton âge, j’allais à l’école à pied ! », « A ton âge, si j’avais osé dire ça, j’aurais reçu une raclée ! ». Sous-entendu : arrête de te plaindre, j’ai eut une enfance difficile, alors tu va obéir et faire ce qu’on te dis, c’est pour ton bien mon petit. Sous-sous-entendu : j’en ai bavé, tu en baveras aussi ... Situation perverse (au sens propre du terme) où l’adulte justifie sa domination sur l’enfant en prétendant que c’est pour le bien de l’enfant, alors qu’en réalité, c’est pour son bien à lui, l’adulte.

Lorsque cette situation arrive de façon occasionnelle et non répétitive, ce n’est pas « trop » grave : c’est un cas de névrose ; si elle est répétée et devient la norme, ce n’est plus une « simple » névrose, cela devient de la manipulation, ou pour le dire selon les termes de Marie-France Hirigoyen : une situation de harcèlement moral dû à une pathologie psychotique qu’elle a appelé perversion narcissique, qui a pour conséquence la destruction psychique de la victime.

Ce qui revient à se poser une question essentielle : l’éducation consistant à contraindre l’enfant à répondre aux besoins des adultes (c’est-à-dire des sociétés) n’est-elle pas en elle-même une violence faite à l’encontre des enfants ? Si l’on répond « oui » à cette question, alors il ne faut pas chercher plus loin l’origine de la violence de certains enfants à l’égard des éducateurs et du monde des adultes en général : c’est une violence faite en réaction à une violence subie, infligée - sans doute de bonne foi (c’est bien ça le pire !) par des adultes tellement inconscients et désespérément dépendants du système qu’ils vont jusqu’à se battre pour le défendre. On pourra alors comprendre pourquoi l’on observe de plus en plus d’actes de vandalismes pouvant aller jusqu’à ... brûler l’école : acte symbolique où l’enfant immole le lieu de son supplice.

Faites donc attention, braves gens, car se pencher de trop près sur cette merveilleuse institution qu’est  »l’éducation nationale« pourrait bien revenir à voler au dessus d’un nid de coucous ...

Cordialement,

Morpheus


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