Parmi ces hadiths
sahihs traitant de la lapidation, deux sont particulièrement
instructifs. Le premier parce qu’il montre la filiation entre la loi
mosaïque et celle de l’islam. Il date de peu après l’hégire, à
l’époque où Mahomet, fuyant la Mecque pour Yathrib (devenu par la
suite Médine), s’y était installé depuis peu, et s’était vu
proposer par les tribus juives qui peuplaient essentiellement l’oasis
de servir d’arbitre dans leurs différends :
« Abdullah
bin’Umar rapporte qu’un juif et une juive ont été amenés
devant le messager d’Allah pour avoir commis l’adultère. Le
messager d’Allah vint voir les juifs et leur dit : « Que
trouve-t-on dans la Torah pour celui qui commet l’adultère ? ».
Ils dirent : « On noircit leur visages et on les fait monter
ensemble sur un âne avec leurs visages tournés dans des directions
opposées, et ensuite on les promène dans la ville. ». Il dit
: « Amenez la Torah pour vérifier si vous avez raison. ».
Ils l’ont amenée et l’ont récitée jusqu’au verset qui
concerne la lapidation ; la personne qui lisait a mis sa main sur ce
verset et a lu ce qui n’était pas masqué par sa main. Abdullah b.
Salim qui était avec le messager d’Allah dit : « Ordonne-lui
d’enlever sa main. ». Il l’enleva et il y avait à la place
le verset relatif à la lapidation. Alors l’envoyé d’Allah
prononça son jugement et ordonna que les deux personnes soient
lapidées à mort. Abdullah b. ’Umar dit : « J’étais un de
ceux qui les ont lapidés et j’ai vu l’homme protéger la femme
avec son corps. » (Muslim, Livre 17, no.4211 ; mentionné aussi
notamment par Abu Dawud)
Comme on peut donc
le voir, et si on en croit ce hadith, les juifs du Hejaz
contemporains de Mahomet étaient déjà à l’époque pour le moins
réticents à appliquer la lapidation, malgré sa mention dans la
Torah, préférant la remplacer par une peine humiliante, mais ni
douloureuse ni mortelle. C’est Mahomet qui l’a restaurée. Et
restaurée pour l’éternité, puisque le Coran interdit tout
changement dans la loi d’Allah sans limite de temps. D’où son
application encore actuellement. Le deuxième hadith sur le sujet
présentant un intérêt particulier ne met pas en scène de cas
précis de lapidation ordonné par Mahomet (contrairement à la
majorité de ces petits textes), mais traite de la mention de cette
peine dans le Coran :
« ‘Abdullah
b. ‘Abbas a rapporté que ’Umar b.
Khattab s’est assis à la chaire du messager d’Allah (paix soit
sur lui) et a dit : « En vérité, Allah a envoyé Mahomet
(paix soit sur lui) avec la vérité et lui a envoyé le Livre, et le
verset de la lapidation était inclus dans ce qui lui a été révélé.
Nous l’avons récité, mémorisé et compris. Le messager d’Allah
(paix soit sur lui) a prononcé des peines de lapidation à mort
(pour les adultères mariés), et après lui nous avons nous aussi
ordonné des lapidations, et je crains qu’avec le temps les gens ne
(l’oublient et) puissent dire : « Nous ne trouvons pas
trace de la punition par lapidation dans le livre d’Allah, et
s’égarent en abandonnant ce devoir prescrit par Allah. La
lapidation est un devoir envoyé par le livre d’Allah pour les
hommes et les femmes mariés qui ont commis l’adultère si la
preuve est établie, ou s’il y a grossesse, ou aveu. » (Muslim,
Livre 17, no.4194)
Il y aurait donc eu, selon la sunna, un
« verset de la lapidation » dans le Coran, mais il en
aurait été retiré par la suite (pour l’anecdote, une tradition non
étayée par des hadiths, rapporte que le feuillet correspondant
aurait été mangé par une chèvre, à l’époque ou la révélation
n’était consignée qu’en un exemplaire sur des feuilles de palmier
éparses !). Les docteurs de la loi y voient généralement un cas
particulier d’abrogation : seule la récitation en serait
abrogée, l’application étant, elle, de rigueur.