Un texte d’une ânerie désopilante et d’une insignifiance
millimétrée, que je n’ai pas la force de lire jusqu’au bout, tant il est
symptomatique de l’habituel travers dans lequel tombent les historiens du
dimanche : à savoir prendre l’histoire mythique pour l’histoire concrète.
L’Histoire mythique remonte aux sources d’une réalité plus ou moins
indubitable, si loin que cette généalogie perd toute signification tangible, s’enfermant
dans l’érudition pure, l’abstraction délirante, l’hypothèse invérifiable. Par
exemple, le plus sommaire examen de l’historiographie française depuis, mettons,
150 ans, montre que « nos ancêtres les Gaulois » est un mythe
républicain, sans substance culturelle et anthropologique, ni même économique,
politique, etc. Mais qu’importe à l’adepte de l’Histoire mythique ! Les
Gaulois vivaient là où nous vivons il y a des millénaires ? Ce sont donc
nos ancêtres – et s’ils ne sont pas nous, ce sont donc nos frères… Telle
est, succinctement résumée, la méthode grossièrement simplificatrice de l’auteur
– qui fantasme une claire généalogie dans la seule contingence d’une succession
chronologique.
Le danger de l’Histoire mythique, c’est sa visée
édificatrice ou prophétique plus ou moins consciente : tendue vers une
origine mythique et, partant, vers une hypothétique finalité non moins imaginaire ;
elle consiste, précisément, à nier l’Histoire. Le hasard, l’absurde, les
passions même à l’origine de toute transformation (soit le passage d’une forme
à une autre forme… radicalement autre). L’Histoire mythique est fataliste,
déterministe et, plus que tragique, pessimiste (d’où son angélisme intellectuel
souvent énervant, ainsi le républicanisme français orthodoxe – voire sa pureté brutale,
ainsi le nazisme). Bref…
Ce n’est pas un hasard si l’Histoire mythique plaît tant au
Pouvoir… Un exemple mémorable d’Histoire mythique récente fut le petit essai
débile commis par ladite Reine Christine (Ockrent) en 1997, intitulé L’Europe
expliquée à mon fils. L’auteur, moyennant une sollicitation quelque peu
tortueuse et nuageuse des faits, expliquait ainsi aux collégiens et lycéens
français que, « l’Europe » existant depuis Charlemagne, l’Euroland cher
aux technos dingos de Bruxelles, aux voyous de la BCE et aux brutes de l’OTAN était
forcément leur avenir – et que le mythique Empire Carolingien ayant un jour (au
demeurant très bref…) précédé (et en vérité suscité) la modernité (selon elle
ringarde) des Etats-Nations, eh bien l’Empire n’était pas leur passé… mais leur
avenir bel et bien... ! Ha, dire que ce son ces ordures vicelards qui font la pluie et
le beau temps dans l’opinion !
En l’occurrence, et Dieu merci, l’auteur de cet
article n’est de toute évidence qu’un brave illuminé à la retraite...
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