Jean-Pierre Llabrés
On tombe mort de rire en lisant votre théorie complètement brindezingue. Il ne manquait plus que celle-là. Jean-Pierre Llabrés a une imagination trop virile. Pensez-donc, les prolétaires qui s’associeraient en épargne pour acheter le capital de tous les capitalistes !
Mais, le capital lui-même n’est déjà que le produit du travail des prolétaires confisqué par les capitalistes. Le fait d’astreindre les prolétaires à l’épargne pour racheter leur dû est déjà en soi scandaleux pour un système qui prétend vouloir « humaniser le capitalisme ». On comprend que la morale des capitalistes n’est pas la même que celle des prolétaires. Et les capitalistes, peuvent-ils accepter de vendre tout leur capital ? C’est déjà un gros problème car le capitaliste n’accepte de vendre que si le produit de la vente accroît son capital, c’est-à-dire lui permet de devenir encore plus capitaliste.
Le prolétariat va t-il acheter TOUT le capital y compris leur épargne qui fait partie aussi du capital ? Acheter TOUT le capital du capitaliste revient ni plus ni moins à exproprier purement et simplement le capital. Et cela, le capital ne peut l’accepter de gaîté de coeur à moins de le lui imposer par la force d’une révolution.
Faisons plaisir à Jean-Pierre Llabrés et supposons que, par une subite vertu divine, le capital accepte gentiment de se faire déposséder ! Donc, le prolétariat acheteur devient le propriétaire exclusif du capital, de TOUT le capital, qui cesse donc, faisons grâce à Jean-Pierre Llabrés, d’être le capital. Que deviennent alors les ex-capitalistes qui ont vendu tous leurs capitaux, disons bien tous leurs capitaux, y compris les masses d’argent qu’ils cumulaient et qui sont aussi des capitaux ? Eh bien, les anciens capitalistes deviennent à leur tour des prolétaires, des « démunis », car ne possédant plus que leur force de travail pour vivre.
Donc, pour vivre, les nouveaux prolétaires, anciens capitalistes, devenus d’un coup le nouveau prolétariat par la vente de TOUT leur capital, vont tout aussi gentiment s’intégrer dans le capital devenu propriété collective du nouveau et de l’ancien prolétariat ! Pour que cela puisse se passer ainsi, il faudra au préalable que le contrat de vente stipule clairement un tel changement radical et irréversible du statut social des capitalistes.
Et nous touchons ici le noeud système de Jean-Pierre Llabrés. Dans l’esprit de Jean-Pierre Llabrés, le simple rachat du capital des mains des capitalistes, si cela peut se faire, signifie d’emblée la disparition des classes sociales ou du moins la fin de la lutte des classes. Tous les citoyens peuvent désormais vivre docilement dans l’ascétisme universel du « Dividende Universel par l’Épargne », dès lors que par enchantement tout le capital a été transféré aux mains de toute la société. Ce n’est même pas la peine de chercher à savoir ce que devient l’Etat.
Chacun mesure le caractère hautement démagogique et irréalisable d’une telle théorie qui prête aux prolétaires les moyens d’épargne qu’ils n’ont pas et se moque totalement du conservatisme réactionnaire du capital. En fin de compte, le des défaut majeur du système de Jean-Pierre Llabrés consiste à refuser la lutte politique aux prolétaires, à cantonner les prolétaires dans le domaine de l’épargne financière. Jean-Pierre Llabrés nie la lutte politique des classes tout en constatant par ailleurs l’existence des classes puisqu’il construit son système sur la base des prolétaires, ces « démunis », d’un côté et, de l’autre, le capital.
En le désignant par l’expression « communisme critico-utopique », Karl Marx et Friedrich Engels en leur temps avaient déjà sévèrement critiqué ce système ascète universel de Jean-Pierre Llabrés, qui se propose de « d’humaniser le capitalisme » par peur de la révolution des prolétaires. La réplique ci-dessous de Marx et Engels met à nu les procédés insolents des réformateurs du capitalisme qui redoutent toute action politique et surtout révolutionnaire du prolétariat et ressortent comme nouveautés miraculeuses les recettes périmées du mouvement ouvrier balbutiant. Laissons à Marx et Engels le soin de nous rafraîchir la mémoire :
« »« Le socialisme et le communisme critico-utopiques.
Il ne s’agit pas ici de la littérature qui, dans toutes les grandes révolutions modernes, a formulé les revendications du prolétariat (écrits de Babeuf 35, etc.).
Les premières tentatives directes du prolétariat pour faire prévaloir ses propres intérêts de classe, faites en un temps d’effervescence générale, dans la période du renversement de la société féodale, échouèrent nécessairement, tant du fait de l’état embryonnaire du prolétariat lui-même que du fait de l’absence des conditions matérielles de son émancipation, conditions qui ne peuvent être que le résultat de l’époque bourgeoise. La littérature révolutionnaire qui accompagnait ces premiers mouvements du prolétariat a forcément un contenu réactionnaire. Elle préconise un ascétisme universel et un égalitarisme grossier.
Les systèmes socialistes et communistes proprement dits, les systèmes de Saint-Simon 36 , de Fourier, d’Owen, etc., font leur apparition dans la première période de la lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie, période décrite ci-dessus (voir »Bourgeois et prolétaires« ).
Les inventeurs de ces systèmes se rendent bien compte de l’antagonisme des classes, ainsi que de l’action d’éléments dissolvants dans la société dominante elle-même. Mais ils n’aperçoivent du côté du prolétariat aucune initiative historique, aucun mouvement politique qui lui soit propre.
Comme le développement de l’antagonisme des classes marche de pair avec le développement de l’industrie, ils n’aperçoivent pas davantage les conditions matérielles de l’émancipation du prolétariat et se mettent en quête d’une science sociale, de lois sociales, dans le but de créer ces conditions.
A l’activité sociale, ils substituent leur propre ingéniosité ; aux conditions historiques de l’émancipation, des conditions fantaisistes ; à l’organisation graduelle et spontanée du prolétariat en classe, une organisation de la société fabriquée de toutes pièces par eux-mêmes. Pour eux, l’avenir du monde se résout dans la propagande et la mise en pratique de leurs plans de société.
Dans la confection de ces plans, toutefois, ils ont conscience de défendre avant tout les intérêts de la classe ouvrière, parce qu’elle est la classe la plus souffrante. Pour eux le prolétariat n’existe que sous cet aspect de la classe la plus souffrante.
Mais la forme rudimentaire de la lutte des classes, ainsi que leur propre position sociale les portent à se considérer comme bien au-dessus de tout antagonisme de classes. Ils désirent améliorer les conditions matérielles de la vie pour tous les membres de la société, même les plus privilégiés. Par conséquent, ils ne cessent de faire appel à la société tout entière sans distinction, et même ils s’adressent de préférence à la classe régnante. Car, en vérité, il suffit de comprendre leur système pour reconnaître que c’est le meilleur de tous les plans possibles de la meilleure des sociétés possibles.
Ils repoussent donc toute action politique et surtout toute action révolutionnaire ; ils cherchent à atteindre leur but par des moyens pacifiques et essayent de frayer un chemin au nouvel évangile social par la force de l’exemple, par des expériences en petit qui échouent naturellement toujours.
La peinture fantaisiste de la société future, à une époque où le prolétariat, peu développé encore, envisage sa propre situation d’une manière elle-même fantaisiste, correspond aux premières aspirations instinctives des ouvriers vers une transformation complète de la société. »« »(Karl Marx et Friedrich Engels : Le Manifeste du Parti Communiste)
06/11 19:29 - Romain Desbois
Mais je crois que quelque soit le système, si l’humain est bon le système (...)
06/11 10:56 - Jean-Pierre Llabrés
06/11 09:25 - jpm
Jean-Pierre Llabrés, Par exemple un dividende universel pourrait très bien se financer en (...)
06/11 07:18 - Jean-Pierre Llabrés
06/11 00:49 - walden
et donc nous aurions intérêt à baisser les salaires et à augmenter les bénéfices pour tirer (...)
05/11 22:50 - louphi
Pierre Llabrés « Quand je lis cette énorme contrevérité, c’est moi qui suis mort de (...)
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