Détruire le capitalisme, ou le moraliser ?
En Grèce, un journaliste a divulgué une liste de quelques 2 000 citoyens Grecs soupçonnés d’évasion fiscale, liste dont font apparemment partie certains ministres : il est actuellement recherché par la police. Voilà l’exemple même de la manière dont fonctionne le système, qui au lieu de féliciter ce journaliste et de punir les coupables, veut punir le journaliste pour sauver les coupables.
Voilà une affaire qui montre au grand jour les incohérences de notre système « démocratique » et qui explique pourquoi la « moralisation » du capitalisme semble impossible : la corruption du politique faisant partie intégrante de ce système, il est désormais devenu quasiment impossible de la faire disparaître sans détruire en même temps le système auquel elle est si étroitement liée.
C’est ce dernier point qu’ont toujours l’air de ne pas comprendre nos bons économistes, incapables de prendre conscience que les problèmes sociaux ne peuvent être résolus par l’économie : ils sont incompatibles. Terrifiés sans doute à l’idée qu’ils puissent s’être si longtemps « faits avoir » par un système qu’ils croyaient de bonne foi créateur de progrès (et qui l’était sans doute d’un certain point de vue), ils n’envisagent pas que l’économie puisse être la responsable des problèmes qu’elle est censée combattre. Que c’est elle qui fait les injustices, et qu’il ne faut pas compter sur elle pour les faire cesser.
Car en économie, le principe qui s’applique en théorie est la concurrence libre et non faussée. Pour vendre des produits ou des services, il faut donc être plus compétitif que son concurrent, c’est-à-dire avoir la capacité de vendre moins cher pour la même chose.
Cette compétitivité s’obtient soit en réduisant les coûts de production, soit la marge bénéficiaire (la plus-value).
Il apparaît qu’à l’heure de la mondialisation, un problème de taille a changé tous les rapports commerciaux entre les Etats : car si tous les actionnaires refusent également de voir baisser leurs marges, les coûts de production en Chine ou en France ne sont pas les mêmes : une dictature sans protection sociale ou si peu, sans retraite décente, sans avantage aucun, dispose évidemment d’une longueur d’avance pour atteindre une meilleure compétitivité.
Et puis les entrepreneurs ont déjà rogné sur tous les coûts de production, justement pour conserver leurs marges, et refusent d’aller plus loin : la seule variable d’ajustement se trouve donc être les salaires et autres charges servant la protection des plus faibles, ce qu’on appelle l’Etat social, censé contrebalancer les effets injustes du système capitaliste.
Le choc de compétitivité ne se fera donc pas sur les marges mais sur les salaires, le temps de travail ou l’âge de départ à la retraite…
Pourtant on pourrait penser qu’en taxant plus fortement les revenus du capital (en abaissant la marge donc), la compétitivité pourrait également faire un bond en avant. Mais le problème est qu’il existe les paradis fiscaux, et que ceux qui possèdent le capital menacent d’aller s’y expatrier pour préserver leur fortune. Ces « patriotes » (qui souvent sont les mêmes que ceux qui craignent que l’étranger vienne « prendre le pain des Français ») sont en réalité prêts à abandonner jusqu’à leur « chère » patrie pour qu’on ne touche pas à leurs profits.
Il faut donc supprimer les paradis fiscaux, diront les économistes les plus indépendants : que les politiques se saisissent de ce problème et agissent en conséquence pour l’intérêt général, celui du peuple qui les a élus.
Mais cela est impossible, répondront les constitutionnalistes, car chacun fait ce qu’il veut dans son pays. Et il y aura toujours un pays qui fera payer moins d’impôts que les autres.
Et puis désormais les hommes politiques ne sont plus tout à fait des citoyens comme les autres : leur propre intérêt se confond plus avec celui des riches plus qu’avec celui du peuple : plus de 13 000 euros par mois pour les députés français, plus de 10 000 euros pour les députés européens, 25 000 pour les commissaires européens, et même plus de 30 000 euros pour le président de la commission européenne… Comment voulez-vous qu’ils votent des lois à l’encontre de ce que le système capitaliste préconise en matière de rationalité, c’est-à-dire leur propre intérêt individuel ?
Il ne fait aucun doute que la corruption des politiques, leur proximité coupable avec les grands acteurs du « privé » et leurs constants allers et retours de l’un à l’autre, font qu’il y a de fortes chances qu’on retrouve dans certains paradis fiscaux les noms de certains hommes politiques forts connus et forts influents, ce qui aurait forcément mauvaise presse, et qui expliquerait pourquoi on préfère arrêter des journalistes faisant acte de salubrité publique.
Il faut donc maintenant que tout le monde se rende compte d’une chose : aujourd’hui nous ne pouvons plus continuer à tergiverser. Soit nous ne faisons rien et il faut nous préparer voir nos conditions de vie se détériorer sérieusement, soit nous décidons d’agir et nous acceptons de rentrer dans l’inconnu. Au bout du premier chemin (celui que nous prenons actuellement) il y a ce que nous avons toujours connu (la dictature ou la guerre pour imposer les nouvelles règles à respecter), au bout du second une page blanche à remplir.
Faut-il à tout prix tenter de moraliser un système qui ne l’est pas, ou vaut-il mieux le détruire pour inventer autre chose ? Ne vaudrait-il mieux pas cesser de penser le monde et les hommes en termes économiques ? La tâche est certes ardue, voire impossible peut-être, mais celle de rendre juste un système fondé sur l’injustice ne l’est-elle pas tout autant ?
Il faut tout changer, il faut repartir de zéro, il n’y a pas d’autre alternative. Il nous faut nous mettre à réfléchir d’urgence, monter un collectif de résistance et de réflexion dignes du CNR, absolument et immédiatement. Bougez vous, vous les économistes « dissidents », les analystes, philosophes, syndicalistes, sociologues, indignés, avocats, et tous ceux qui ont encore conservé leur esprit critique, il faut vous regrouper et lutter, appeler à rejoindre la lutte et entamer une réflexion globale avec tous vos semblables des autres pays, car désormais les constatations doivent laisser la place aux propositions.
Voilà les miennes : http://calebirri.unblog.fr/2012/10/06/dabord-la-constituante-et-apres-la-revolution/. Quelles sont les vôtres ?
Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr
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