L’année 2009 a, ainsi, marqué une prise de conscience de l’ampleur du trafic de stupéfiants dans la région. En novembre de cette année-là, éclate l’affaire dite « Air Cocaïne ». La carcasse calcinée d’un avion gros porteur (un Boeing 727 capable de transporter près de 190 passagers) est découverte dans le nord-est du Mali, près de Gao. Rapidement, l’enquête s’oriente vers la piste de la drogue. L’avion, en provenance du Venezuela, transportait près de dix tonnes de cocaïne. Ne parvenant pas à faire redécoller l’appareil de la piste de fortune aménagée au beau milieu du désert, les trafiquants l’ont brûlé. « On ne peut pas construire une piste d’atterrissage sans attirer l’attention des gens, estime Jean-Bernard Véron. Les trafiquants se sont sentis assez en confiance pour le faire. On peut donc présumer qu’ils ont bénéficié de tout un tas de complicités. »
Des complicités issues probablement des plus hautes sphères de l’État. « Sous la présidence d’Amadou Toumani Touré [le président malien destitué le 22 mars 2012, ndlr], l’État malien, ou au moins des clans au pouvoir, était dans l’affaire, affirme Pierre Boilley. Il n’existe pas de preuve absolue de l’implication de l’État malien dans le trafic. Mais Amadou Toumani Touré était obligatoirement au courant. Au mieux, il a laissé faire, au pire, il y a pris part. Aujourd’hui, le fait qu’il n’y ait plus d’organisation étatique dans le Nord-Mali a favorisé un certain nombre de choses pour les trafiquants. »
Une analyse que partage Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) en charge de l’Afrique : « Au Nord-Mali, le commerce criminel a indéniablement pris de l’ampleur depuis la partition du pays. D’une part à cause du vide politique que le conflit a créé, d’autre part à cause du fait que les groupes islamistes dans cette région se sont insérés dans les trafics, qui leur permettent de financer les activités liées à leurs revendications politiques ».