Bebel
n’est qu’un mythe, dont la version biblique n’est ni la seule ni la
première, j’en avais d’ailleurs parlé sur AVox. Mais l’essentiel
n’est pas là. Ce qui me gêne dans votre article, c’est que vous
confondez langue commune et langue unique, induisant dans l’esprit du
lecteur que l’une entraîne l’autre.
Une
langue internationale, que ce soit l’anglais ou une autre, ne
remplacera à mon avis jamais notre langue maternelle (ou dominante,
d’éducation), celle à laquelle nous sommes tous attachés
émotionellement par nos souvenirs d’enfance, celle que nous avons
tendance à trouver « la plus belle », à tort puisque
c’est très subjectif.
L’espéranto
se propose comme langue commune facile (probablement dix fois plus,
pour des raisons structurelles) et équitable, ses racines étant
latines-grecques-germaniques, et sa grammaire reprenant des notions
de base, comme détaillé dans le lien que vous indiquez.
Tout
à fait d’accord que nous devons défendre les intérêts de la
francophonie, et la diversité linguistique et culturelle, mais ne
devons-nous pas aussi nous comprendre, et pas seulement entre
Européens, mais aussi entre humains ? Nous sommes une seule espèce
au sens biologique (avec de très nombreuses ethnies), pourtant c’est
l’incompréhension qui est la norme entre les gens. Très peu d’entre
nous peuvent communiquer efficacement avec des étrangers : que ce
soit par l’anglais ou par une autre langue, il faut que les deux
interlocuteurs soient d’un niveau suffisant pour échanger autre
chose que du charabia avec de grands gestes.
Tant
que la traduction automatique de poche demeure de la SF et un effet
d’annonce des fabricants pour obtenir des budgets de recherche,
l’anglais dès l’école primaire étant un échec patent outre une
injustice européenne, l’espéranto demeure le meilleur outil à
disposition (pas parfait certes) pour disposer d’un moyen de
communication international.
Enfin,
noyer l’espéranto parmi d’autres éléments, historiques comme le
volapuk, ou récents comme l’europanto ou le klingon est une
présentation qui ne reflète pas la réalité scientifique et
linguistique : l’europanto est un sabir, un gadget imaginé par un ou
plusieurs interprètes européens pour s’amuser, de même que le
klingon au cinéma, tandis que le jargon des jeunes ou des cités est
un classique phénomène de groupe. Mais aucune de ces créations
n’est une vraie langue, apte à toutes les fonctions d’une langue.
L’espéranto, au contraire, est apte à la traduction précise et
fidèle, reconnu comme tel par des traducteurs, des linguistes,
l’ONU, l’UE et d’autres instances. Même le récent dossier du monde
sur « les utopies » qui prétend que l’anglais universel
est un téta de fait le reconnaît : c’est la seule langue construite
à avoir ces qualités, rien de plus, rien de moins. Sa stagnation
(encore qu’Internet lui a donné visibilité et coup de fouet) n’est
pas due à sa structure, ni à une crainte fantasmatique de voir
toutes les langues remplacées, mais à un veto de la France il y a
longtemps à la SDN, et à la volonté permanente de chaque grande
nation de promouvoir sa propre langue (ou d’accepter la soumission à
l’anglais comme les pays nordiques), bref à la « guerre des
langues » comme on dit.
Ce manque de volonté d’essayer une
solution qui est pourtant la plus rationnelle est étonnant, mais
c’est comme ça, nous semblons programmés plus pour la compétition
que pour l’entraide et la coopération. Faute d’essayer l’espéranto,
l’Union européenne est déjà anglophone... à l’exception du
juridique.
En
15 ans, le pourcentage de documents en français est passé de 40% à
6% environ (récent rapport sur l’état du français).
A mon avis, le parallèle entre diversité biologique et diversité linguistique n’est qu’une analogie trompeuse, pas un fait scientifique. Notre cerveau est capable de garder notre langue maternelle et d’étudier une langue de communication. En pratique, la peur irrationnelle de la langue unique fait tout simplement le jeu de l’anglais, comme c’est évident dans l’UE.