« D’ aileurs c’est le sens premier du mot apocalypse, il me semble... »
« Qu’est ce que l’Apocalypse ?
Un chant de catastrophe ?
Pas du tout : un poème de
triomphe, l’affirmation de la victoire des justes et le chant
délirant du règne final de la plénitude… La fin du monde est la
fin de ce monde, c’est à dire, somme toute, la fin de notre
misère…Aussi, voyez comment réagissent les hommes de l’an 1000…
Le Royaume de Dieu approche ? Soyons-en dignes dès maintenant.
Bien mieux devançons le….
Dès maintenant, pensent-ils, parmi
nous, il faut insérer la paix de Dieu… Loin de s’affaisser,
l’activité de ces hommes possédés par la conviction d’une fin
prochaine de la cité terrestre en reçoit au contraire une sorte de
coup de fouet.
Henri Pirenne souligne l’
« optimisme » et le « sursaut d’énergie »
qui marque ce début du XIème siècle et son contraste avec les
années précédentes. La population augmente, la vie économique
reprend, de nombreux monastères sont fondés. La grande période de
construction des églises commence quelques années avant l’an
1000… On voit ici que la véritable espérance chrétienne n’est
pas évasion. L’espoir de l’au-delà éveille immédiatement la
volonté d’organiser l’en deçà.…
S’il y a dans l’Apocalypse un
indice sur l’avenir du monde, il nous est donné dans la
perspective d’un millénium, d’une longue phase historique
secrète mêlée à l’histoire, où la loi nouvelle s’incruste
progressivement dans les institutions collectives de l’humanité.
Il oriente donc vers l’idée d’un développement spirituel
continu, bien que sinueux, ambigu et disputé, plutôt que d’une
chute progressive de l’Histoire dans la malédiction ».
Emmanuel Mounier. La petite peur du
XX ème siècle.