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Commentaire de L’Ankou

sur Le « mariage pour tous » ? Garder le « couple souche » de l'Humanité, et le droit de s'aimer pour tous…


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L’Ankou 13 novembre 2012 16:58

Merci vous, Guillaume Boucard, pour présenter votre opinion à la critique publique.

Je relève les deux paragraphes qui me semblent les plus significatifs des travers que votre approche comporte.

« (...) l’essentiel du débat ne se trouve t-il pas dans cette aberration de prétendre « légiférer » de façon générale sur l’intime, le particulier ? »

Si tel était le cas, ce serait effectivement condamnable ; Il se trouve que la vie privée, dans nos démocraties réépublicaines fait l’objet d’une forme civile de sacralisation. C’est un sanctuaire qui doit rester le plus inviolable possible. Les principales atteintes dont il faut s’y protéger sont effectivement l’intervention de la force publique ou de l’autorité publique. Ceci définit une valeur qu’on ne mentionne plus guère : la sûreté, qui me semble bien plus importante que la sécurité : la possibilité de tenir l’Etat éloigné de ce qui se passe chez soi.

A ce propos, on peut dire que la sûreté de notre vie privée présente des points communs remarquables avec le droit des brevets et des secrets indiustriels :

Si vous découvrez un procédé novateur, vous avez deux façons de le préserver : soit vous le maintenez au secret, vous le cachez, vous le dissimulez, vous le chiffrez, vous le codez, vous l’enfouissez, en priant pour que nul n’ait ailleurs, l’idée du même procédé. Soit, à l’exact opposé, vous le révélez à la cantonade, en vous en proclamant l’auteur exclusif. Tout le monde saura quel est votre procédé, mais au moins celui qui voudra se l’approprier devra vous en reconnaître la paternité (vous autorisant à en monayer l’usage, du reste). Alors que la première solution ne fait intervenir aucune autorité publique, la seconde suppose le dépôt d’un brevet et des formalités de publicité qui vont rendre officiel votre droit sur ce procédé. Le recours à cette publicité fait intervenir l’Etat, garant de votre droit. Vous n’êtes pas obligé d’y avoir recours. Mais incidemment, l’instituttion n’a de sens que si tous ceux qui veulent bénéficier des mêmes effets juridiques puissent y avoir accès.

Il en va pareillement de la vie de couple : on peut la mener librement dans le secret, ou du moins dans la discrétion. Toutefois, on peut aussi vouloir la vivre officiellement, la rendre opposable aux tiers, lui faire produire des effets sur la transmission du nom, celle du patrimoine, et accepter aussi que les créanciers d’un des époux saisissent les biens communs en cas d’impayés, bénéficier également de certains avantages sociaux, des pensions de reversion, des avantages fiscaux... Ceux qui en veulent les effets et en acceptent les contraintes de devraient encourir un refus que pour des considérations impérieuses comme un vice du consentement (mariage forcé, mariage blanc, mariage d’un mineur non émancipé, mariage incestueux, mariage d’une personne déjà engagée officiellement dans un autre mariage... ).

Sous ces réserves marginales, le mariage est l’officialisation d’une vie de couple, consentie par ses membres, sous l’autorité et le contrôle d’un représentant de l’Etat (le maire n’agit pas en la matière en tant que représentant des administrés de sa commune, mais comme agent de l’Etat). C’est pourquoi, aussi, le mariage est nécessairement une cérémonie publique, précédée par la publication des bans.

Une juste compréhension de ce que le mariage représente en tant qu’instittuttion se résume très précisément à la caution apportée par l’autorité étatique à une situation que le couple veut officialiser, rendre publique, et faire produire des effets (certains positifs d’autres non) à l’égard des tiers.

Vous noterez que, ainsi précisément défini, le mariage civil n’est qu’une coquille protectrice de la vie privée. Autant son contenu est inviolable par principe, autant son enveloppe implique profondément l’intervention de l’Etat qui est le garant de son opposabilité et de cette inviolabilité. Partant, il n’y a aucune illégitimité à ce que les représentants élus du peuple, disposant à cet effet d’un mandat populaire incontestable, se mêlent strictement de ce qui les regarde : les conditions d’accès à cette coquille sans considération de ce qui s’y passe. La coquille relève de l’Etat, par essence. Son contenu relève de la vie privée, ce qui inclut les sentiments ou même l’absence de sentiment, les pratiques ou l’absence de pratique, l’envie de procréer ou l’absence d’envie de procréer, et le choix des programmes de télévision, et pourquoi pas, au point où nous en sommes, le nombre de X et de Y que comportent les chromosomes réunis des membres du couple. 

Vous êtes donc parfaitement fondés à affirmer que « Le « droit à s’aimer pour tous » est incontestable et ne dépend d’aucune législation  ». Cette condition est effectivement respectée. Mieux encore : elle sera renforcée puisque le droit à l’officialiser, qui n’était pas accessible à tous les couples, sera instauré dans sa généralité. Une exception dont l’indignité apparaît de plus en plus clairement sera éradiquée. Le principe n’en apparaîtra que plus absolu et plus général, pour le bénéfice de tous et le renforcement de l’institution.

J’entends bien votre proposition de déplacer le débat sur le terrain d’un doit universel à s’aimer hors mariage, mais en l’’occurence, ce droit existe déjà. Ce dont il est question, c’est bien que la caution collective d’une untion maritale soit reconnue, sur leur demande, à certains couples qui en sont actuellement exclus.

Vous parlez de « garder au mariage sa dimension sacrée et civilisationnelle ».

De quelle sacralité parlez-vous ? D’une sacralité religieuse, qui a son siège dans les lieux de cultes ? Qu’elle continue à y siéger librement et selon les modalités propre à chaque croyance ! La laîcité signifie aussi que le pouvoir de l’Etat s’arrête aux portes des églises : les curés continueront à refuser, selon les prescriptions de leur dogme de bénir les unions homosexuelles comme celles des gens divorcés. L’autre sacralité, en revanche, celle qui sanctuarise la vie familiale derrière le rempart du mariage, pour la protégée de l’arbitraire public, est en plein dans le champ de compétence du législateur, et il est de son devoir d’en éradiquer les imperfections, les injustice et les discriminations inappropriées. Au nom de cette sanctuarisation, il n’est pas de pouvoir ancestral qui tienne, ni de tradition à faire perdurer dans l’injustice.

Je peux forrmuler des réserves du même ordre en matière « civilisationnelle », puisque le propre de la civilisation est d’évoluer. Sans remonter très loin dois-je rappeler que le mariage du premier code civil est celui d’une femme fidèle et soumise, que le mariage faire passer de la tutelle de son père à celle de son mari ? Le mariage est une instittution en évolution. Elle n’a pas cessé de l’être et bien sot qui se croit fondé à en défendre la permanence : celle-ci n’existe que dans ses mythes personnels et ses fantasmes.

A ceux qui prétendent que le mariage« pour tous » bouleverse tout, je rappellerai que l’admission du divorce était bien plus risqué pour l’instituttion, et pourtant elle a tenu. A ceux qui tienne en horreur l’idée qu’on puisse épouser une personne de même sexe, je dirai que c’est moins grave que de pouvoir légalement faire, de son lit de mort, un lit conjugal et épouser une personne agonisante voire décédée. Et pourtant, cette possibilité choquante - voire répugnante, et « contre nature » s’il en est - existe déjà dans la loi sans que l’institution s’en soit trouvée « dénaturée ». Et oui ! Vérifiez !

Vous placez cette citation selon laquelle « la permanence de l’Humanité repose sur la seule union »Naturellement« procréatrice, celle qui voit l’homme rencontrer la femme. » Vos statistiques fort instructivent ne mentionne-t-elles pas le nombre de naissance hors mariage ? N’avez vous pas observé que le divorce ne revient pas sur les naissances intervenue dans le mariage ? Il me semble que la procréation peut se passer du mariage aussi facilement que le mariage peut se passer de procréation. Les rapports que l’un entretient avec l’autre sont assez lointains. Qui plus est, une partie importante des rapports entre ces deux aspects de la vie de couple consistent justement à être inconciliable : l’un dans le domaine de l’officiel et de la publicité, l’autre relevant du contenu de la coquille ainsi formée, abritée par elle, protégée du regard et de l’intervention d’autrui. Le débat public ne portant utilement que sur l’enveloppe extérieure de la vie de couple, l’exercice effectif de la copulation et les fruits qui en résultent bénéficient normalement de la sanctuarisation qui interdisent aux pouvoirs publics de s’en mêler, au même titre que des aspects romanesques et sentimentaux.

Je saute le paragraphe sur le syndrôme Frankenstein, puisque le projet de loi vous apporte une réponse peu propice à la polémique. Je reprends ma critique à l’endroit où votre constestation de la légitimité parlementaire pren la forme d’une préférence pour le référendum.

J’ai déjà indiqué combien la question relève effectivement de la Loi, et par conséquent deu pouvoir législatif. Sur la question de la légitimité de ce pouvoir, je vous donne entièrement raison : l’élection du président de la république ne justifie absolument pas l’adoption d’une telle loi. En revannche, ce sont les élections législatives, celles qui ont eu lieu immédiatement après.

Il en va ainsi de la démocratie : un programme tient normalement compte d’un choix politique global, et comporte des avantages et les inconvénients qui vont avec. Les constitutions successivent ont fait le choix d’un mandat représentatif, parce que effectivement, on pourrait ttoujours demander l’avis du peuple, après avoir scindé les inconvénients des avantages, lui faire refuser les premiers et accepter les autres, lui faire ratifier les droits et abroger les devoirs, programmer les dépenses publiques à son profit mais pas les impôts pour les financer. Le Peuple dans sa grande sagesse sera bien d’accord avec un tel programme, non ?

Le référendum a ses folies, ses limites et ses impropriétés. Personnellement, je préfère un débat parlementaire bien mené, où le texte s’enrichit au fur et à mesure des amendements, plutôt qu’un référendum où l’on ne peut répondre que par oui ou par non, sans possibilité d’améliorer le texte.

Et si vous reconnaissez quelque importance à la question de société que pose le « mariage pour tous », vous adresserez vos remarques à vos députés plutôt que de réclamer un référendum.

Bien à vous,
L’Ankoù


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