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Commentaire de jean-pierre castel

sur Hors du monothéisme, pas d'ostracisme envers la science ?


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jean-pierre castel 21 novembre 2012 15:05

@Gollum
Oui, je venais de prendre cette décision.

A ma demande de références sur la question de l’extraversion européenne/la curiosité grecque, j’en ajoute une deuxième :

Malheureusement Ffi n’est pas seul à deféndre cette thèse de l’origine monothéiste de la science (1). A l’inverse je n’ai trouvé aucun texte dénonçant le caractère débile de cette thèse, sauf Georges Minois, L’Eglise et la science .
En connaîtriez-vous d’autres ? Merci d’avance

(1)

Hegel ;
Durkheim ;
Max Weber ;
Pierre Duhem
(1861-1916), chimiste et historien ;
Alfred North Whitehead (1861-1947) : « Le christianisme avait donné naissance à la science en raison de « l’insistance médiévale sur la rationalité de Dieu » et de la confiance « dans la rationalité intelligible d’un être personnel » ». Science and the Modern World, Conférence donnée en 1925 par le mathématicien et philosophe Whitehead, Conférences Lowell de l’Université de Harvard, disponible sur < http://www.bible-ouverte.ch/messages-textes/livresretranscrits/heritagechristianisme/612-heritage-7.html?start=1&gt ;.
Joseph Needham (1900-1995) : « Dans la civilisation occidentale on peut facilement montrer que les idées de loi naturelle (au sens juridique) et de lois de la nature (au sens des sciences de la nature) ont en fait une racine commune. L’une des plus vieilles notions de la civilisation occidentale est, sans doute, celle qui dit que de même que les législateurs impériaux terrestres ont constitué des codes de loi positives pour que les hommes y obéissent, de même une Divinité créatrice céleste, suprême et rationnelle a donné une série de lois auxquelles doivent se soumettre les minéraux, les cristaux, les plantes, les animaux et les astres dans leurs cours. Il y a peu de doute que cette idée s’est trouvée intimement liée au développement de la science moderne tel qu’il s’est opéré à la Renaissance en Occident. »La science chinoise et l’Occident. Ilya Prigogine, (1917-2003) : « L’idée d’un dieu garant des lois de la nature et de leur rationalité a joué un rôle essentiel lors des premiers développements de la science européenne. »
Ilya Prigogine (1917-2003), scientifique, Quel regard sur le monde ? Communiqué lors de la Conférence des lauréats du Prix Nobel « Nobel Laureates Facing the 21st Century », Paris, 18-21 janvier 1988.
Alexandre Kojève (1902-1968), philosophe, in L’origine chrétienne de la science moderne,
Alexandre Koyré, in Mélanges vol. II, Paris, Hermann, 1964 ;
Louis Bouyer (1913-2004), théologien in Cosmos, Le monde et la gloire de Dieu, Cerf, 1982 ;
Stanley Jaki (1924-2009), bénédictin in The origin of science and the science of the origin, South Bend, 1979 ; Pierre Chaunu (1923-2009), historien ;
René Girard, qui prétend que la science moderne devrait sa naissance à la démystification par les Evangiles du mécanisme victimaire (cf. p. 277), comme si l’émergence de la science par rapport à la mythologie ne datait pas des Grecs ;
Edmond Ortigues (d’après Vincent Descombes, dans Edmond Ortigues et le tournant linguistique, 2005) la physique grecque fondée sur l’évidence sensible des contrastes qualitatifs et des formes vivantes est païenne, la physique moderne suppose qu’il n’y ait plus rien de divin dans la nature et que l’homme soit conçu comme fait à l’image d’un Dieu créateur ;
Rodney Stark, sociologue in Le triomphe de la raison, pourquoi la réussite du modèle occidental est le fruit du capitalisme, Presses de la Renaissance, 2007 : « C’est, remarque l’auteur, que la philosophie n’a nullement été porteuse d’une rationalité menant à la science moderne. Et de faire un sort à la philosophie grecque que tant de chercheurs ont, selon lui, surestimée. Elle ne pensait pas la création, elle ne produisait pas un savoir générique, elle n’instituait pas de principes généraux. L’islam a assimilé cette pensée, mais il s’y est arrêté sans en faire une pensée générative. Averroès n’a jamais été qu’un aristotélicien dogmatique qui n’a pas dépassé ce dont il a hérité. Le paradoxe est que ce fut une chance pour l’Occident chrétien de découvrir tardivement la pensée grecque. La scolastique ayant déjà accompli son œuvre, on prit les Grecs non pour se les approprier mais pour les discuter, pour les disséquer : reconnaissant ici une dette, exprimant là une divergence [...] La science moderne n’est en rien le prolongement du savoir antique, elle est l’effet de la compréhension chrétienne de l’univers créé et des principes immuables qui le régissent »(Présentation de l’ouvrage par l’éditeur). [ndlr. : Le clou de ce tissu de contre-vérités est la phrase marquée ci-dessus en italique, dans laquelle l’auteur nie l’originalité même de la pensée grecque, la notion de principes généraux, de lois , préférant le vieux préjugé selon lequel c’est avec la Genèse, cette mise en scène d’un dieu créateur et d’un temps linéaire, que le monothéisme a introduit le monde dans la rationalité].
Camille Tarot, sociologue et historien : Sur la contribution du monothéisme à la science elle est bien capitale et Max Weber l’a bien expliquée. Moïse ou Jésus évidement n’en parlent pas, mais ont contribué à la faire. Ce qui compte ce n’est pas le discours (la vérité du texte n’est pas dans le texte), mais la pratique. Weber a nommé cette contribution, le désenchantement du monde. Il est la condition plus ou moins immédiate d’une vision du monde comme le mécanisme à la Descartes : espace temps homogène d’un monde crée selon la pensée unique d’un Créateur dont la sacralité est dans sa seule transcendance et non pas dans le monde lui-même. C’est la mort des dieux locaux qui ont chacun leur domaine de puissance, hétérogène à celui des autres, sur telle partie de l’espace voire même du corps humain, et se défendent les uns des autres, chacun soumis à son caprice. C’est le principe de l’unité d’espace temps d’un monde créé par un créateur unique n’ayant qu’une pensée législatrice et dont on doit retrouver la marque de l’ouvrier sur son œuvre, dans les lois. Cette image n’est pas dans la Bible, mais elle est dans la scholastique qui l’a tirée de la Bible en la lisant avec Platon et Aristote. Bien sûr il reste la question de savoir en Dieu quel est le rapport de la raison et de la volonté, mais ceci ne compromet pas l’idée d’une homogénéité des lois de l’Univers créé, mais seulement si on peut les atteindre plutôt par la déduction a priori par une illumination intellectuelle, la dialectique ou le calcul (la raison, les mathématiques) ou par l’observation comme le pensent les nominalistes de la fin du MA, ancêtres des empiristes et qui pensent que les lois sont l’effet moins de la raison divine que de la volonté de Dieu, mais c’est elle qui les a fixées, donc on doit pouvoir les retrouver en passant par l’expérience. Mais c’est cette monarchie divine législatrice, providentielle, intelligente et qui ne peut se contredire pour des caprices pulsionnels qui est la condition de possibilité anthropologique de la science moderne et à la base de l’idée qu’il y a des lois de la nature et dans la nature, des lois analogues à ce que sont les lois dans le monde humain. Les dieux grecs, même le Zeus d’Eschyle, sont bien trop soumis à la nature pour lui avoir imposé une loi et en être les garants fiables. Les Grecs ont observé le monde et posé une foule de questions géniales ; mais l’idée de lois de la nature n’est pas au centre de leur science, et ils n’ont guère découverts de lois positives contrairement à ce que vous dites, sinon Archimède et quelques belles manipulations comme la mesure du méridien. Il a fallu la mort des dieux et le désenchantement du monde par un millénaire de christianisme et de débat avec la raison grecque universalisée par sa promotion théologique et anthropologique d’un homme fait à l’image de Dieu, pour qu’émerge un cosmos pensable comme objet par un sujet qui peut être tout homme et pas seulement quelques grands sages inspirés. La science grecque a fait des percées fondamentales, mais elle a échoué dans son institutionnalisation, faute d’être demandée par une opinion qui restait dans un cosmos sacré et s’y trouvait très bien.
voire
Freud, pour qui Moïse symbolise l’émergence du surmoi, du principe de réalité, du Père, de la conscience de soi, du renoncement aux pulsions, et apparaît ainsi comme le fondateur de la civilisation ;


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