La pudeur personnelle est la réponse (selon les moyens à notre portée) aux attaques ad hominem.
Il existe des formes de pudeur chez beaucoup de bestioles.
Toutes les pudeurs sont des manières de parer aux dangers mortels.
On n’est pas en position optimale de défense quand on copule (surtout que certains animaux ne peuvent pas séparer. Je signale que le chien est mécaniquement bloqué dans le vagin de la chienne). On ne l’est pas non plus quand on est enceint, quand on évacue, quand on mange, quand on hiberne, quand on mue, quand on chrysalide, quand on fait un discours, quand on est concentré sur une tâche ou mission, quand on est préoccupé...
De toutes ces situations de haute vulnérabilité l’Homme doit déjà se garder.
Mais chez lui, il y a le moralisme qui crée un danger spécilfique supplémentaire où chacun peut se retrouver stigmatisé rien que parce qu’il a regardé quelque chose et que ce regard ou cette parole avouerait un lien.
Le lien nous lie et nous entrave en cas d’attaque.
Que ce lien soit à notre nourriture, à notre eau, à notre air, à notre enfant, à notre partenaire, à nos noisettes, il nous rend indisponible à notre défense parfaite, il prouve notre faiblesse.
Innombrables sont les cas où un vilain dit à quelqu’un « Avoue qui est ton complice où je vais tuer celui à qui tu tiens »
En effet, l’Homme est souvent plus lié à autre chose qu’à sa propre vie. Il est donc très vulnérable par ses liens. D’où la précipitation de ceux qui attaquent d’imposer leurs propres menottes.
Des pudeurs, il y en a autant qu’il existe de choses auquelles nous sommes liés et qui font donc automatiquement sujet d’attaques.
Et nous n’osons afficher que ceux de nos liens qui sont unanimement défendus par la masse qui nous entoure. Ou si ce n’est toute la masse au moins un groupe voire un groupuscule.
Exemples :
On se trouve entre cocaïnomanes ; on avoue sans problème le même attachement. Mais on s’en cachera aux autres.
On se trouve entre gens d’une religion ; on avoue sa dépendance au dieu commun. Mais on hésite de s’afficher aussi lié quand on se retrouve seul à croire en ce dieu.
On se trouve entre milliardaires ; on est impudique de l’argent. Mais quand on se retrouve entouré de gueux, on serre les fesses.
On aime la poésie ; on la déclame devant un public venu pour en entendre. Mais on évite d’en parler devant des gens qui semblent disposés à la railler.
On est schizophrène ; on parvient à l’avouer entre schizos. Mais on va le cacher aux autres.
On est homo ; on va le démontrer dans les bar du Marais. Mais on va s’en cacher quand on se sentira seul dans ce cas parmi d’autres d’allure homophobe.
On est naturiste ; on l’affiche carrément dans les camps consacrés. Mais on va éviter de se foutre en slip place de la Concorde.
On adore les maths ; on va l’avouer à son prof. Mais on va s’en cacher de ses camarades parce qu’ils nous traitent de fayot (du reste bien des élèves régressent volontairement pour cette raison que l’amour pour les maths est trop rare)
On adore le foie gras ; on va inviter des gens qui aiment ça. Mais on va se garder d’en faire étalage devant ceux qui défendent la cause animale.
Il résulte des mille pudeurs possibles que dans une société donnée, par exemple parisienne, chacun se cale sur l’esprit de la rue (qui évolue, surtout à Paris). Et c’est l’esprit de la rue (le dénominateur commun qui détermine ce qu’elle convient de défendre, de ne pas attaquer ou d’attaquer) qui forme le bâti de nos pudeurs mais, en creux, cet esprit de la Rue forme aussi nos impudeurs (Entre Parisiens, jusqu’en 1850, il n’y avait aucune impudeur à avouer aimer assister à une torture en place publique. Jusqu’en 1950, il n’y avait aucune impudeur à avouer qu’on aimait les fourrures, les grosses cylindrées et le foie gras...)
Chacun de nous a toutefois de la rue une notion particulière.
Ceux qui doivent vraiment faire avec la rue, tel les hommes politiques et les boulangers, se calent vraiment sur elle et lui sont très conforme d’apparence.
Mais la plupart d’entre nous qui n’avons pas exactement affaire avec la rue, avons d’elle une idée un peu différente.
Ceux d’entre nous qui passent leur temps dans un atelier de haute couture en viennent à considérer que la rue pense à peu près comme leur Maison de haute couture (Ce qui fait que YSL et Bergé n’ont pas trop hésité à se déclarer gay). De même pour ceux qui bossent dans l’armement.
Ceux qui sont 12h par jour dans un labo bourré de scientifiques vont considérer que l’esprit de la rue est celui qui règne dans leur labo.
Ça fait que nos axes et constitutifs de pudeur, s’ils sont tous globalement calés sur la rue, ont tout de même des variations.
Bien qu’il y ait donc probablement mille esprits de ruelles à Paris, au moment où chacun s’exprime vraiment dans la Rue, tel AVox, il se recale sur ce qu’il sait de la pudeur la plus Urbaine, la plus convenue, possible.
Concernant l’évolution actuelle, concernant donc les jeunes, ils semblent, aux yeux des anciens, très impudiques.
Ils n’auraient donc pas de liens ?
Si bien sûr qu’ils en ont.
Mais dans leur milieu, la chose essentielle à laquelle ils doivent se montrer attachés c’est Internet, le réseau, la Toile.
C’est sur cet axe qu’ils se sentent la possibilité d’avouer leurs liens. Or c’est un axe indiscutablement gagnant en terme d’expansion. Même le Papou y succombera, le croit-on sans peine.
Sur cet axe, les jeunes se lâchent.
Le hic c’est que cet axe a une mémoire ferme, ineffaçable.
Alors que chacun pouvait, par pulsion, céder à la provocation et repousser les contraintes en osant avouer quelque impudeur ici et là, le fait de l’avoir fait par écrit, à partir du XIXème siècle ou plus largement depuis Gutenberg, a conduit des tas d’audacieux à devoir assumer ce qu’ils avaient osé écrire des mois, des années plus tôt.
L’écrit avait donc déjà posé le problème de la mémoire, de la preuve formelle.
Et maintenant, arrive la preuve audio et vidéo en plus de la preuve écrite.
Mais cette contrainte d’ineffaçabilité est surpassée.
Se lâcher en écriture+audio+vidéo est bourré de conséquences à très long termes. C’est dangereux mais il y a une compensation à ce haut danger c’est que beaucoup de gens osent. On peut certes se retrouver attaqué mais c’est devenu ordinaire de l’être et on peut aussi se trouver des alliés. Chacun devient vraiment homo politicus.
Une fille montre ses gougouttessur la Toile ; un vilain cherche à l’attaquer ; elle en souffre ; il se fait attaquer par des hackers justiciers.
Il reste que chaque impudique doit se confronter à la Justice (qui a toujours un train de retard sur la Rue et qui en freine l’évolution), tel Assange ou Manning et ce n’est pas rien.
Mais face à la Rue devenue hyper diversifiée, chacun trouvera toujours des soutiens moraux.
On peut physiquement en baver d’avoir osé transgresser mais moralement on n’est plus jamais seul. Une femme impudique dans un pays intégriste sera attaquée par ceux et celles de son pays mais soutenue à l’étranger. Kerviel subit le fouet de la Justice mais des gens ont dit leur solidarité avec lui.
Le décrochage entre l’isolement physique (incarcération, lapidation...) qu’on subit encore et le non isolement moral qui s’offre désormais à chacun quoi qu’il ait fait, crée une situation inédite dans l’Histoire.
On peut être physiquement broyé mais pas ses choix, pas ses goûts, pas son esprit. Son âme, quelle qu’elle soit, n’est plus jamais rejetée par tous et ce tous n’existe plus.
Il subsiste un enfer corporel, très immanent et terrestre, mais il n’y a plus d’enfer psychologique.
Seul notre corps encourt des risques. Ce n’est pas rien, ça fout la trouille mais c’est gérable ; il suffit de ne pas craindre la mort physique.
Le fait que cet axe hyper médiatique soit grandissant et hégémonique ajouté au fait que chacun peut s’y lâcher de tout, y compris de se montrer en train de pisser sur un crucifix, un barbu ou un cadavre, ne peut que progressivement renverser la problématique du risque moraliste mais aussi physique qu’encourt chacun (tout compte fait, bien des impudiques ou insolents sont restés en vie).
Chacun étant de plus en plus tenté d’accomplir sa performance (qui est toujours une sorte d’audace impudique) les anciennes pudeurs vont toutes être renversées pendant que l’esprit de la Rue deviendra protéiforme et insaisissable.
Le tatouage qui avait été longtemps considéré comme aliénant car ineffaçable, devient courant.
Orwel avait prédit des « Tous pareils »
Je prédis des « Tous différents »
Puis « Tous différents² donc caméléons » car nous allons nous détacher de notre lien avec notre corps trop figé, trop contraignant. Nous allons devenir de plus en plus désincarnés, virtuels. Nous allons devenir élément de la Toile et nous ne risquerons plus ni fouet ni couteau.
Le « Sois toi-même » était une provocation des révolutionnaires français au mêmisme abrahamiste mais va devenir une réalité au fur et à mesure que nous nous glisserons dans la Toile par le biais de quelque nanotechnologie.
17/08 03:24 - supercalifragilisticexpialidocious
Moi aussi j’t’aime mon rico, dommage qu’y est pas un smiley pour (...)
25/11 19:04 - fatizo
Oui, la vraie pudeur a quelque chose à voir avec la politesse et le raffinement. Entièrement (...)
25/11 16:19 - Dwaabala
Oui, la vraie pudeur a quelque chose à voir avec la politesse et le raffinement. Celui ou (...)
24/11 00:08 - Christian Labrune
23/11 20:13 - Constant danslayreur
http://www.youtube.com/watch?NR=1&v=zjrVCaC1spY&feature=endscreen
23/11 20:08 - Constant danslayreur
T. Non, JE ne cite rien du tout et non ce n’est pas MON article et non je ne suis pas (...)
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération