Ce n’est pas spécifiquement les grandes œuvres des civilisations passées qui m’intéressent, n’étant que de simples témoignages de leurs temps mais bien plus la notion -et ce que cela entend- même de « société » humaine et de « civilisation » : en suivant votre propos plutôt que de parler de "nouvelle civilisation« , »post-civilisation" me semblerait plus cohérent avec comme constat qu’elle partage des caractéristiques similaires à la pré-civilisation : d’où les termes de régression ou dévolution/déconstruction du fait de ces similarités : après, considérant la forte probabilité de l’émergence de consciences artificielles, voir de la dite singularité technologique : du moment que ce stade sera atteint : le sort de l’Humanité sera à l’évidence scellé : de la même façon que le sort d’une multitude d’espèces animales et formes de vie fut scellée lors de l’avènement de l’Homme et de la Civilisation.
Maintenant quant à l’idée d’un ancien ordre pyramidal, organisé par le politique et le religieux : ont pourrait débattre quant à savoir s’il est en train de se défaire ou pas mais l’important n’est pas là, selon moi : l’importance du Politique et/ou du Religieux relèv(e)ait de leurs capacités à produire de la Culture et/ou à favoriser les productions/producteurs culturels : et donc la définition de modes d’existence partagé par telle ou telle autre singularité culturelle. L’évolution que nous connaissons, et la neutralisation du Politique par l’Economique, elle tend à l’anti-culture de masse et la production non pas de modes d’existence partagé ou de productions culturelles mais de modes/tendances au sens strict et sans attribut, destinés à des consommateurs individuels et de « produits » à durée de vie limitée. Et en cela, c’est la capacité de nos sociétés à produire de la Culture, du culturel et donc perpétuer/préserver telle ou telle singularité (le propre de toute culture) se voit non seulement clairement entamée, mais condamnée à plus ou moins court terme.
Enfin sur l’ordre pyramidal, ou la hiérarchisation sociale, il ne s’agissait là (dans la constitution des premiers groupes altruistes) que d’un développement logique du modèle « altruiste » : l’héroïsme (la capacité au sacrifice pour le groupe) dans un tel modèle servant à la base à « sélectionner » les potentiels leaders : à savoir qu’un individu se voit digne de diriger si ses pulsions altruistes dominent complètement son individualisme (cela en théorie –et à l’évidence pendant longtemps au niveau pratique- étant supposé éviter l’apparition d’un tyran mégalomane) : la dérive vers une organisation hiérarchique, pyramidale, castique, inégalitaire, etc… relève donc quant à elle de la nature humaine, qui au final, fera que l’individu dans la majorité des cas sera motivé par ses instincts égoïstes mais n’était pas là au .
Maintenant sur la science : effectivement que sans coopération, au vu de la complexité toujours accrue, compte tenu des avancées scientifiques et la nécessité de disposer d’une somme de connaissances difficilement « gérables » par un seul cerveau humain, il est évident qu’on ne pourrait avancer : cependant, faut-il rappeler, que s’il y a coopération, il y a aussi compartimentalisation et spécialisation à l’extrême : participant moi-même à diverses recherches scientifiques ( linguistique dans le cadre de la cybernétique et l’I.A) : cette « coopération » a plus à faire avec x individus, équipes, etc… travaillant chacun et chacune sur une portion de projet (sans durée de participation déterminée) en fonction de leur spécialisation sans besoin d’une communication permanente voir de communiquer (chacun travaillant sur telle ou telle partie du projet), et sans avoir que ce soit l’ensemble des connaissances requises pour appréhender l’ensemble du projet, ni la capacité de savoir vers quoi cela vers déboucher (ici je parle de recherche pure et non pas de projets avec plan, cahier des charges, etc…) : non pas par carence intellectuelle mais tout simplement parce que l’avancée ou la recherche opérée par l’individu x ou l’équipe y voir le lab z influera sur l’ensemble des équipes/individus travaillant et sur la poursuite du dit projet de recherche ou expérience, etc… La coopération ici est certes horizontale mais s’inscrit dans le temps et non l’espace (les chercheurs d’aujourd’hui « coopèrent » avec les chercheurs de demain) tel que dans notre bon vieux modèle. Bref, on redécouvre ici, ce que les Orientaux connaissaient depuis longtemps : à savoir la primauté des relations d’interdépendance plutôt que les simples liens (logiques) de causalité du paradigme aristotélicien. Ici ce que je veux donc dire est que le terme « coopération » n’a absolument pas le sens qu’on lui prête habituellement. Du point de vue de mon expérience personnelle, je dirai qu’on avance surtout à l’aveugle : exemple : un projet en cours, débuté il y a une dizaine d’années, et supposé encore continuer pour quelques décennies (sans que quiconque ne soit à même d’en connaître les implications futures, qui dans le cas présent (simulation d’un cerveau humain complet) auront (en cas de réalisation/succès) des conséquences pratiques, éthiques, philosophiques, etc… somme toute colossales ; de même que d’autres sur la nature de la réalité ou de l’univers (imaginons que l’hypothèse de Bolström se voyait confirmée et que nous découvrions que nous évoluons dans une simulation). La coopération ici est certes horizontale mais s’inscrit dans le temps et non l’espace (les chercheurs d’aujourd’hui « coopèrent » avec les chercheurs de demain) tel que dans notre bon vieux modèle.
Pour conclure, je suis beaucoup moins optimiste que vous sur cette « nouvelle civilisation » à venir : puisque pour rappel, la science actuelle même si elle pose les bases du futur paradigme est un produit de la civilisation qui l’a vu naître et en cela répond à une seule logique : celle-là même qui fonde la civilisation : à savoir une logique de domination : partant de là, la perspective me semble peu réjouissante, encore moins si les diverses spéculations en matière d’I.A. ou de singularité technologique, ou bien encore en nano/bio/robotique se voient un jour confirmées : puisque cela marquera certainement la fin de l’Humanité : donc considérant que la Culture est ce qui a défini l’Humanité depuis toujours, faire le constat que nos sociétés tendent vers l’a-culturel (soit donc un processus de dés-humanisation) oblige à considérer que la seule chose qui manque à notre futur omnicide est que la Science lui en donne les moyens. Il ne s’agit pas ici de la crainte d’un Papou découvrant un oiseau d’acier dans le ciel ou des petits hommes habitant une boîte à image mais d’un questionnement sur les conséquences pratiques des présentes/futures scientifiques dans des sociétés en cours de décivilisation. Alors oui, à l’évidence, dans « le meilleur des cas » (à savoir absence d’omnicide), vous aurez deux mondes : celui des « olympiens » transhumains/posthumains ou artificiels et celui des primitifs sapiens…reste à espérer que les dits olympiens éviteront de recourir au déluge, à x plaies, etc… dans leurs relations avec leurs « ancêtres » et créateurs : amusant de se dire que si Dieu n’existe pas, au final l’Homme risque bien de parvenir à le créer…
Maintenant en y réfléchissant, si la perception que nous avons du Temps comme une flèche n’est qu’une illusion née de nos limites cognitives : et que passé, présent ,futur coexistent : la remarque précédente si elle se voyait confirmée par notre prométhéenne humanité serait la confirmation que les religions n’avaient pas tout faux… ne vous inquiétez pas, ici simple digression/égarement de ma part…
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