Bonjour Ulrich,
Vous employez le mot « prêtre » - officiant là devant ses machines ; et il est vrai que la petite station avec son clocher semble diffuser bien de la lumière. Mais elle n’est presque rien comparée aux trois cercles blancs placés tout au centre. Deux feux sont déjà là.
Ainsi, si la voiture semble absente d’un tableau où elle devrait avoir le rôle d’honneur, ces trois phares la rendent omniprésente. Et choisir trois phares en lieu de deux, c’est dire que le vrai feu est toujours caché ailleurs.
Cherchons donc ce troisième feu…
En général, sauf exceptions répertoriées, on est seul dans sa voiture, comme ce pompiste.
Mais de quoi parle donc Hopper ?
Je crois que c’est précisément de ce que c’est que l’automobile, dans son essence, oserais-je :
D’abord le cheval Pégase ne surgit, comme lumière de création poétique, que de la tête coupée de Méduse par Persée via son bouclier, voilà peut-être pourquoi il choisit de le réinscrire précisément sur ces trois têtes coupées de lumière en ces trois pompes.
Mais l’automobile c’est encore et surtout l’éclatement des villages, et la fin de la place du village comme lieu de réunion ; il n’y a plus que l’homme seul face à la machine ; la dictature de la route a tout défoncé, et ce n’est pas seulement à l’humanité de la vie qu’elle en veut.
Pour preuve, il est un contraste entre le vert des arbres et le jaune des herbes qui raconte une lumière encore plus forte que celle de la station-église ou même celle des trois pompes éclairées, et c’est :
La lumière de tout un incendie.
Prophétiquement, Hopper raconte déjà tous les déboisements à venir, notre dame d’hell land est déjà dessinée là aux pieds du héros de service ; et la seule chose qui ici s’élève au-delà des arbres - là où nul homme sinon Penthée ne saurait se risquer - le seul animal qui se positionne d’office comme un au-delà des arbres déjà piétinés, c’est encore ce pet-gaz, dont toute méduse ne semble pas si complètement écartée.
Quoi de plus médusant que les phares d’une voiture...
Les chasseurs de lapins en savent quelque chose.
Pompez-nous jusqu’à la moelle Ulriche, nous vous suivrons à la trace.
Et cette trace nous mène vers le second tableau :
Dommage que les pompistes aient disparu de bien des stations, ce sont des personnages qui en disent long, j’en croise encore dans mes montagnes, et très exactement avec cette attitude prostrée qui raconte tout le vide... de celui chargé de faire le plein.
Mais comme vous le dites, il est loin d’être vide, faisant lui-même son plein de lumière ; et pas vraiment crispé, au vu de son bras gauche ; mais il semble tout livré à quelque chose, et c’est toute une hypnose.
Là encore Hopper ne parle que de l’automobile comme révolution radicale de la vie : L’insertion de la femme par rapport au cadre raconte encore la fin d’un monde au profit d’un nouveau désert bien chromé. Hopper ne fait pas seulement l’hypothèse que c’est la vie sociale et toute une écologie forestière qui seront touchées. Le mode vie ouvert par les autoroutes va toucher jusqu’à l’écologie familiale et conjugale. Et cet homme devenu « tout-dehors » semble désormais étranger à cette vieille intériorité qui l’appelle.
Je suis sorti ! Je vois ! nous dit-il, et quel désert…
Sauf qu’il ne semble pas trancher entre une libération ou la chute dans l’abîme.
02/12 00:15 - easy
@ Volt, De tous nos sens, c’est la vue qui est la plus renseignante de notre (...)
01/12 22:23 - volt
Voilà qui est très clair. Je ne suis pas du field, mais j’arrive à vous suivre.Beaucoup (...)
01/12 22:11 - Dwaabala
01/12 20:36 - easy
@ Volt, Vous aurez mal compris les conséquences de ce que j’ai dit. J’ai (...)
01/12 20:02 - velosolex
Bravo pour votre article, qui n’explique évidemment rien, mais c’est tout (...)
01/12 18:46 - volt
Mais enfin easy, vous franchissez facilement un pas que malgré mes surinterprétations je ne me (...)
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