Je n’ai aucun mal à penser qu’il y a une harmonie dans les formes de l’univers, quelque chose de mystérieux comme le nombre d’or et autres « constantes ». Encore que cette harmonie n’est peut être qu’une illusion de ma subjectivité et une manière normative de percevoir ce qui est.
Mais pour autant je ne vois aucun intérêt ni pertinence ( autre que homéo-psychique ) dans cette vision de l’intelligent design. M’étant beaucoup intéressé à l’épistémologie, je me suis souvent posé la question de l’existence de ce champ théorique qu’est l’intelligent design, et sa raison d’être.
Tout d’abord impossible pour moi de distinguer ce concept d’intelligent design d’une forme de déisme, d’une forme de volonté/intentionalité première qui aurait la responsabilité et la charge de l’ensemble du réel. Je trouve personnellement que ce concept est inopérant sur le plan heuristique. Je trouve également qu’une fois qu’on a évoqué l’intelligent design on a absolument rien apporté de plus à la compréhension de la complexité du réel. Je trouve d’ailleurs que c’est plutôt une manière d’évacuer cette complexité, cette incertitude et ignorance latente, qui fait que bien plutôt que d’affirmer des vérités immuables, la science affirme son ignorance car c’est ce qui lui permet de se renouveler, d’avancer. Plus on fait de découvertes, plus s’étend la vision de notre ignorance, de ce qui nous est inconnu. C’est très rassurant par contre de croire en Dieu, surtout quand on considère notre minuscule point bleu dans l’immensité de l’univers.
Je ne comprends pas l’étroitesse de la croyance religieuse qui s’oppose au darwinisme. En quoi la liberté évolutive en dehors du déterminisme divin s’oppose-t-elle aux croyances religieuses ?Quelque soit l’évolution que l’on considère, elle a toujours lieu dans l’univers créé par Dieu, et en est probablement sa plus belle réussite, un spectacle fascinant. Bref j’ai toujours trouvé cette séparation peu pertinente.
Je crois que les défenseurs de l’intelligent design ne sont pas neutres scientifiquement parlant. Ils suivent un postulat de départ, une pré-conception des choses qui biaise leur démarche. Démarche qui me semble relever d’une dimension politique.
De mémoire c’est Kuhn puis Lakatos qui ont introduit en épistémologie la dimension sociale et sociologique du processus scientifique. « Avoir raison » en science ne relève pas que de critères purement scientifiques, mais aussi de la capacité à mobiliser des acteurs pour créer une adhésion et une reconnaissance. Les connaissances scientifiques qui provoquent des révolutions paradigmatiques génèrent toujours de la résistance, et il faut arriver à mobiliser une communauté de soutien pour ne pas être mis de coté. Or il me semble que l’intelligent design relève d’une forme d’invasion du religieux ( ou tentative d’invasion ) dans le champ de la science. Religieux qui sont extrêmement mobilisés, solidaires, et qui cherchent à étendre leur influence dans des sphères où ils avaient été exclus. Et il est extrêmement paradoxal pour moi qu’un scientifique s’affirmant comme défenseur de l’intelligent design soit obligé d’affirmer son athéisme en gage de crédibilité.
Le créationnisme s’affirme d’abord pour moi comme une manière de refuser l’ignorance en science, de refuser l’humilité de toute démarche scientifique saine. Les scientifiques paient peut être le prix de leur démesure d’égo, de prétention à la vérité, par l’émergence de ce conflit théorique.
J’essaie en toute modestie d’apporter quelques pistes de discussion, je vous remercie par avance de ne pas m’ériger en défenseur d’une chapelle plutôt qu’une autre. J’affectionne ce sujet, j’aimerais pouvoir faire échanger les rôles d’un créationniste et d’un darwiniste, obliger l’un à parler pour l’autre et inversement, ça serait probablement une expérience passionnante.
Bien à vous.