Bonjour,
Trois bémols :
- D’abord le moindre écrivain digne de ce nom, c’est-à-dire qui a roulé sa boule, ou sa bille, vous dira immédiatement qu’on n’écrit pas du tout le même sur un clavier ou à la main ; même une infime variation d’humidité qui joue sur le glissement ou le crissement de la plume va changer le texte ; fenêtre ouverte ou fermée... nuit ou jour... papier glacé ou d’écolier, ça n’en finit plus - l’écriture est un exercice très physique...
- Ensuite il est clair que le contact sur le net est bien direct oui, mais il n’empêche, que l’absence physique des corps met en suspens une bonne part de ce qui se joue dans le désir. Cette mise en suspens du corps-à-corps peut engendrer des catastrophes, et chacun va bien sur le réseau avec un désir... Les psys en savent quelque chose, qui pourraient tant se faciliter la vie via des séances sur skype ou msn ou autres... Certains y vont quand même - on y reconnaît les amateurs. Les autres refusent catégoriquement : Car l’absence du corps-à-corps fait que les mouvements transférentiels - soit tournent à vide soit partent en vrille... Et qui, sur un forum ou ailleurs, ne croise pas cette pierre de touche, inébranlable, de s’interroger sur ce qu’il en est du Corps de l’autre - même après des pages et des pages échangées... ? Et que celui qui n’a jamais buté sur cette question balance le premier moinsage...
- Enfin, si votre argumentaire tient sacrément bien la route, il souffre tout de même de cette binarité où tout se réduit à : La grande culture riche et vivace des écrans d’un côté, contrebalancée, de l’autre, par cette seule concierge avec sa pluie et son beau temps - c’est un peu court, question « univers ».
Pour clore, et sans arrière-pensée aucune, je vous propose quelques extraits des Commentaires sur la Société du Spectacle de Guy Debord :
1/ « Le changement qui a le
plus d’importance dans tout ce qui s’est passé depuis vingt ans réside dans la
continuité même du spectacle. Cette importance ne tient pas au perfectionnement
de son instrumentation médiatique, qui avait déjà auparavant atteint un stade
de développement très avancé : c’est tout simplement que la domination
spectaculaire ait pu élever une génération pliée à ses lois. Les conditions
extraordinairement neuves dans lesquelles cette génération, dans l’ensemble, a
effectivement vécu, constituent un résumé exact et suffisant de tout ce que
désormais le spectacle empêche ; et aussi de tout ce qu’il permet (…)
Car la conversation est
presque morte, et bientôt le seront beaucoup de ceux qui savaient parler (…)
Partout où règne le
spectacle, les seules forces organisées sont celles qui veulent le spectacle.
Aucune ne peut donc plus être ennemie ni transgresser l’omerta qui concerne
tout (…) À ce résultat on mesurera plutôt que le bonheur général, la force
redoutable des réseaux de la tyrannie » CSS – III/X
2/ « Une loi générale du
fonctionnement du spectaculaire intégré, tout au moins pour ceux qui en gèrent
la conduite, c’est que, dans ce cadre, tout ce que l’on peut faire doit être
fait. C’est dire que tout nouvel instrument doit être employé, quoi qu’il en
coûte. L’outillage nouveau devient partout le but et le moteur du
système ; et sera seul à pouvoir modifier notablement sa marche, chaque
fois que son emploi s’est imposé sans autre réflexion. Les propriétaires de la
société veulent avant tout en effet maintenir un certain « rapport social
entre des personnes », mais il leur faut aussi y poursuivre le
renouvellement technologique incessant ; car telle a été une des
obligations qu’ils ont acceptées avec leur héritage. Cette loi s’applique donc
également aux services qui protègent la domination. L’instrument que l’on a mis
au point doit être employé, et son emploi renforcera les conditions même qui
favorisaient cet emploi. C’est ainsi que les procédés d’urgence deviennent
procédures de toujours. » CSS - XXIX.