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Accueil du site > Tribune Libre > Éloge de la « vie virtuelle »

Éloge de la « vie virtuelle »

Les esprits sans profondeur opposent la densité, la richesse des occupations culturelles, intellectuelles ''(ou mêmes plus simplement ludiques) des gens passant leurs journées sur INTERNET aux vaines agitations et vacuités de leur quotidien passé loin de la toile, persuadés qu’ils sont qu’une bonne grosse conversation sur le beau temps avec leur concierge vaut mieux que le visionnage d’une vidéo instructive ou la lecture d’un article de fond. Ils prétendent que la “vraie” vie c’est la vie sans INTERNET, comme si le NET équivalait à un songe...

La “vie virtuelle” telle qu’elle est perçue de façon péjorative par ces critiques n’existe pas : tout ce qui est expérience humaine est réalité.

Converser avec un ami en face à face n’est ni plus virtuel ni plus concret qu’échanger avec lui des mots par mails ou des paroles à travers une webcam. L’écran n’altère en rien la qualité ou la valeur des échanges.

Au contraire, certaines vérités peuvent même plus facilement sortir par écrans interposés. Les rapports sociaux rapprochés parasitent parfois le discours. Par exemple un esprit averti fera preuve de diplomatie -aux dépens de la vérité- face à un interlocuteur primaire, bileux ou violent, à qui il ne confiera pas toute sa pensée. J’ai souvent constaté la chose dans les relations sociales directes : la proximité des interlocuteurs n’est pas nécessairement un gage de probité intellectuelle de leurs échanges. Des facteurs humains, psychologiques, socio-culturels, affectifs interviennent, faussant la sincérité des propos.
 
Grâce à l’écran d’ordinateur, l’essentiel est perçu, le reste oublié. C’est peut-être cela qui insupporte tant ces gens : ils appellent les rapports strictement cérébraux ayant lieu sur INTERNET de la “NON VIE”. Peut-être parce qu’ils préfèrent l’artifice conventionnel et l’emballage social vides mais sécurisants des rapports humains directs...
 
Arabesques d’inanités plus confortables à appréhender que le froid, sec, vif tranchant de la lame purement intellectuelle... Il est en effet plus facile de papoter sur la météorologie avec la brave Madame Michu en nommant cela “la vraie vie” que d’admettre son incapacité à argumenter avec intelligence sur des sujets sensibles.
 
“Vraie vie”, voici en outre une parfaite illustration de ces termes passe-partout, vagues, abusifs, à forte connotation dépréciative et pour tout dire d’une incommensurable sottise que certains utilisent, sans jamais les analyser, en guise d’argumentation finale. Or ce concept demeure particulièrement inepte. “Vraie vie”, un paradoxe. Une notion dénuée de sens bêtement validée par les habitudes de langage de ceux qui confondent réflexion avec immatérialité ou “non vie” et qui justifie surtout leur existence paresseuse.

La vraie échappatoire n’est pas INTERNET mais la brave madame Michu.

Au vu de ces considérations, la vie “réelle” de ces esprits sans pénétration est beaucoup plus superficielle et futile que celle des internautes avisés.

Les âmes inconsistantes pensent que ce qu’elles appellent “le réel”, c’est à dire tout ce qui se passe hors d’un écran d’ordinateur, fait exclusivement partie de la vie, tandis que ce qui traverse l’écran, serait de la non vie ou pour être plus exact de la vie factice, donc sans valeur... Que je sache, écrire à la main sur une feuille de papier, contempler un paysage, écouter le son d’une rivière, envoyer un mail, regarder une photo sur écran écouter de la musique issue d’un fichier mp3, tout cela fait partie de la vie humaine, de son expérience, de sa richesse.

Entre le sable sur lequel on trace un signe du doigt, la feuille de papier sur laquelle on écrit à la plume et l’écran d’ordinateur à travers lequel on envoie un mail, fondamentalement il n’y a aucun différence. Ca reste de l’écriture.

Sous prétexte que des idées volent d’un cerveau à l’autre en circulant à travers un réseau INTERNET (sans court-circuitages ou déformations, interprétations que constituent les mimiques, odeurs, postillons) elles auraient moins de valeur ?

Qu’une image soit constituée d’octets informatiques ou d’ondes lumineuses, l’information, la beauté et la vérité de cette image demeurent les mêmes. Pour être parfaitement honnête les images en haute définition captées par des appareils de photos numériques sont bien plus intéressantes que celles perçues directement par nos yeux à partir de sa source naturelle... Difficile à faire accepter aux êtres primaires prisonniers de leur sens visuel, victimes de leurs préjugés !

Comme les lunettes corrigeant la vue faussée des myopes, l’écran d’ordinateur permet de voir plus finement les réalités de notre monde.

Prétendre qu’INTERNET ce n’est pas la “vraie vie” est aussi stupide qu’affirmer que les bigleux sont en permanence dans un monde irréel sous prétexte qu’ils portent des verres correcteurs ou qu’un astronome vit dans univers imaginaire parce qu’il passe ses nuits à scruter le zénith à travers son télescope et ses jours à faire des calculs relatives à ses observations ! Bien des gens prennent tout ce qui est abstrait -ou plus idiotement tout ce que leur oeil ne perçoit pas- pour du vent.

D’ailleurs dans les relations de proximité, il y maints écrans qui interfèrent avec les interlocuteurs, sauf que ces intermédiaires sont invisibles. Et pourtant ces écrans sont bien tangibles. La réalité des profanes se limitant à ce qu’ils perçoivent avec leurs seuls yeux et deux oreilles d’âne et non, plus subtilement, avec leur mental, leur intellect, voire leur sensibilité, ceux-ci sont incapables d’admettre, de détecter, de percevoir la présence envahissante de ces paravents dans leurs rapports sociaux “naturels”.

Un écran n’a pas nécessairement une forme rectangulaire. L’air qui véhicule les mots oraux que se communiquent deux concierges s’enquérant de la température de l’air n’est ni plus ni moins qu’un écran, une interface, un rideau palpable, réel, concret contre lequel est projeté leur petit film verbal.

Il y a aussi des supports mentaux : un conditionnement culturel peut tout bonnement constituer un voile opaque. Placez un Pygmée issue de sa jungle en face d’un Esquimau encore givré des perles de son igloo : on assistera à un non échange entre eux personnes se faisant pourtant face...

INTERNET est le prolongement cérébral, esthétique, philosophique, etc., de ceux qui par leur finesse, leur acuité, leur hauteur, leur évolution ont accédé à des activités subtiles, c’est à dire mentales, intellectualisées et même spiritualisées.

La “vraie vie” ou la “non vie”, la “no life” comme on dit, sont des absurdités.

Il y a juste la vie avec ses incroyables potentialités, ses éclats intérieurs et ses merveilles visibles, et puis il y a ceux, les moins éveillés, qui de manière fruste la bornent à leur environnement immédiat, strictement matériel, inconscients qu’ils sont de se murer dans leurs seules certitudes oculaires...

Raphaël Zacharie de IZARRA


Moyenne des avis sur cet article :  3.18/5   (11 votes)




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14 réactions à cet article    


  • Shawford34 12 décembre 2012 10:40

    J’apprécie beaucoup la précision conceptuelle et linguistique de votre article, Raphaël, et il n’y a ici aucun artifice de langage. smiley
    Bien au contraire, vous permettrez ainsi je l’espère à certain de mieux comprendre combien ce que vous dîtes est criant de vérité.

    Parmi les nombreux prolongements et réflexions qu’une telle analyse amène, on nous abreuve par exemple en permanence d’études ou plus surement de réflexions à l’emporte pièce comme quoi les jeux vidéo violents engendreraient plus de violence IRL.
    Mais on tait dans le même temps le fait que la communication entre humains par PC interposé est assurément le meilleur moyen inventé depuis le début des temps pour restreindre la violence physique directe et la coercition.


    • Shawford34 12 décembre 2012 10:57

      Pour dynamiser un peu le pool de moinsseurs compulsifs accrochés à mes basques, je rajouterai qu’heureusement qu’il y a une vie virtuelle où bas du fronts et islamophobes peuvent déverser leur bile jusque ras la casquette, sinon ça ratonerait à chaque coin de rue dans ce pays. smiley smiley


    • gaijin gaijin 12 décembre 2012 11:07

      «  L’écran n’altère en rien la qualité ou la valeur des échanges. »
      mon cul !!!!! 
      ça peut paraitre lapidaire mais si j’ose le dire c’est le fond de ma pensée
      dans un rapport humain a l’autre il y a bien plus qu’un échange d’informations mentales il se passe tellement plus de choses dans le non verbal l’émotionnel et le spirituel ........
      il y a une expression japonaise que j’aime beaucoup : i shin den shin ( d’esprit a esprit esprit étant entendu dans un sens a peu près équivalent a âme )
      si vous ne voyez pas ce dont il est question c’est dommage mais ça ne peut s’expliquer verbalement ...........

      par ailleurs ce que vous dites est très juste : tout ce qui est expérience humaine est réalité !
      et on aurait tord de bouder le net au prétexte de sa virtualité
      il n’ en reste pas moins que lorsque le 2.0 devient le seul média a travers duquel on contacte le monde ( et vous avez raison aussi sur le fait qu’il y a toutes sortes d’écrans ) on passe a coté de beaucoup de chose dont on a besoin pour se développer 
      pour ma part j’ai toujours préféré faire l’amour sans préservatifs et quand je suis dans le bus j’aimerais mieux croiser un regard que voir tout le monde penché sur son ipad ......


      • alinea Alinea 12 décembre 2012 11:15

        gaijin : dans ce bas monde, il doit y avoir les sensuels et les autres ; je me demande pourquoi il faut toujours tout opposer : le net, c’est très bien, mais c’est comme tout : l’abus nuit.
        Notre auteur, qui est à n’en pas douter un être supérieur, crache sur Mme Michu et la pluie et le beau temps ; moi, j’adore ça.
        Mais ce que doit pas savoir notre auteur c’est que la véritable supériorité est bonne, qu’elle englobe toutes les parts de notre être : esprit mental intellect, oui bien sûr, mais aussi corps, ( sens et vie physique, mouvements,etc) ; sexe, et âme...


      • gaijin gaijin 12 décembre 2012 13:04

        alinéa
        oui j’ai toujours trouvé inquiétant de voir qu’il était très difficile de distinguer les êtres supérieurs ( ou se définissants comme tels ) d’êtres inhumains .....
        on parle beaucoup de transhumanisme, de réalité augmentée et d’intelligence artificielle
        mais on oublie que la définition d’un tueur psychopathe c’est quelqu’un qui est incapable d’empathie ( de comprendre ou de de ressentir les émotions des autres ). une intelligence artificielle serait t’ elle capable d’empathie ???
        un autre fait a corréler avec cette question est la conclusion de l’expérience de milgram ( soumission a l’autorité ) : 20% d’ une population lambda est capable tuer quelqu’un sans autre raison qu’un ordre reçu par une autorité ( sans contrainte )

        ça se résume en quoi ? les êtres supérieurs ( purement intelligents ) seraient ’ils des psychopathes ?
        mais ne seraient t ’ils pas aussi les plus aptes a s’adapter a un monde virtuel ?
        ne seraient ’ils pas aussi pas aussi les plus aptes a parvenir a des positions de pouvoirs ?

        et au final n’est t ’on pas entrain de construire le chemin qui mène a une humanité dirigée par un psychopathe suprême ?


      • Shawford34 12 décembre 2012 16:14

        Psychopathe suprême ?

        Peut être bien, mais le corollaire indubitable me paraîtra être alors en réaction le renforcement de la frange Anonymous.

        Et je donnerai dés lors pas cher in fine de la peau du psychopathe en chef !

        Dans tous les cas, ces deux termes forment sans aucun doute la dialectique principale et manifeste de l’évolution de notre monde.


      • amipb amipb 12 décembre 2012 19:26

        I shin den shin est extrêmement subtil pour un français, pour qui tout doit être dit.

        Dans la vie de tous les jours, cela se traduit de la manière suivante : toujours penser à ce dont les personnes qui nous sont proches (femme, mari, enfants, collègues, amis) vont avoir besoin, dans l’immédiat comme dans un laps de temps un peu ou beaucoup plus long.

        Cela se traduit également par le fait de toujours devoir se mettre à la place de l’autre, pour ne pas le choquer ou le bousculer, sauf évidemment s’il y a besoin.

        Quant à l’article, même s’il y a quelques bons arguments, je trouve que faire une éloge d’une virtualité qui nous éloigne d’une réalité que nosu avons déjà du mal à comprendre est une entreprise risquée. Le risque est de ne plus vivre sa vie que par procuration, et de s’inscrire psychologiquement dans une démarche asociale.

        Les relations humaines vont bien au-delà des textes échangés, par mail ou, pire, par chat : passer une soirée entre amis autour d’une bonne bouffe et passer la nuit à chatter avec les mêmes personnes sont 2 expériences très éloignées.


      • gaijin gaijin 12 décembre 2012 20:55

        shawford
        naturellement je caricature mais .........
        ce pourrait aussi bien une assemblée des psychopathes élus démocratiquement, un mégamilliardaire chinois, un nouveau mahdi brandissant l’étendard vert des fremen ( pardon des musulmans )
        après qu’il finisse comme le petit bonhomme a la ridicule moustache c’est a espérer mais avant que de dégats .....
        il vaut bien mieux faire ne sorte ( si on peut ) que ça n’arrive pas
        yi king dire : quand on marche sur du givre la glace n’est pas loin .......

        amipb
        oui mais c’est aussi beuacoup plus que ça : une véritable communication d’esprit a esprit


      • volt volt 12 décembre 2012 13:44

        Bonjour,


        Trois bémols :

        - D’abord le moindre écrivain digne de ce nom, c’est-à-dire qui a roulé sa boule, ou sa bille, vous dira immédiatement qu’on n’écrit pas du tout le même sur un clavier ou à la main ; même une infime variation d’humidité qui joue sur le glissement ou le crissement de la plume va changer le texte ; fenêtre ouverte ou fermée... nuit ou jour... papier glacé ou d’écolier, ça n’en finit plus - l’écriture est un exercice très physique...

        - Ensuite il est clair que le contact sur le net est bien direct oui, mais il n’empêche, que l’absence physique des corps met en suspens une bonne part de ce qui se joue dans le désir. Cette mise en suspens du corps-à-corps peut engendrer des catastrophes, et chacun va bien sur le réseau avec un désir... Les psys en savent quelque chose, qui pourraient tant se faciliter la vie via des séances sur skype ou msn ou autres... Certains y vont quand même - on y reconnaît les amateurs. Les autres refusent catégoriquement : Car l’absence du corps-à-corps fait que les mouvements transférentiels - soit tournent à vide soit partent en vrille... Et qui, sur un forum ou ailleurs, ne croise pas cette pierre de touche, inébranlable, de s’interroger sur ce qu’il en est du Corps de l’autre - même après des pages et des pages échangées... ? Et que celui qui n’a jamais buté sur cette question balance le premier moinsage...

        - Enfin, si votre argumentaire tient sacrément bien la route, il souffre tout de même de cette binarité où tout se réduit à : La grande culture riche et vivace des écrans d’un côté, contrebalancée, de l’autre, par cette seule concierge avec sa pluie et son beau temps - c’est un peu court, question « univers ».

        Pour clore, et sans arrière-pensée aucune, je vous propose quelques extraits des Commentaires sur la Société du Spectacle de Guy Debord :

        1/ « Le changement qui a le plus d’importance dans tout ce qui s’est passé depuis vingt ans réside dans la continuité même du spectacle. Cette importance ne tient pas au perfectionnement de son instrumentation médiatique, qui avait déjà auparavant atteint un stade de développement très avancé : c’est tout simplement que la domination spectaculaire ait pu élever une génération pliée à ses lois. Les conditions extraordinairement neuves dans lesquelles cette génération, dans l’ensemble, a effectivement vécu, constituent un résumé exact et suffisant de tout ce que désormais le spectacle empêche ; et aussi de tout ce qu’il permet (…)

        Car la conversation est presque morte, et bientôt le seront beaucoup de ceux qui savaient parler (…)

        Partout où règne le spectacle, les seules forces organisées sont celles qui veulent le spectacle. Aucune ne peut donc plus être ennemie ni transgresser l’omerta qui concerne tout (…) À ce résultat on mesurera plutôt que le bonheur général, la force redoutable des réseaux de la tyrannie » CSS – III/X

        2/ « Une loi générale du fonctionnement du spectaculaire intégré, tout au moins pour ceux qui en gèrent la conduite, c’est que, dans ce cadre, tout ce que l’on peut faire doit être fait. C’est dire que tout nouvel instrument doit être employé, quoi qu’il en coûte. L’outillage nouveau devient partout le but et le moteur du système ; et sera seul à pouvoir modifier notablement sa marche, chaque fois que son emploi s’est imposé sans autre réflexion. Les propriétaires de la société veulent avant tout en effet maintenir un certain « rapport social entre des personnes », mais il leur faut aussi y poursuivre le renouvellement technologique incessant ; car telle a été une des obligations qu’ils ont acceptées avec leur héritage. Cette loi s’applique donc également aux services qui protègent la domination. L’instrument que l’on a mis au point doit être employé, et son emploi renforcera les conditions même qui favorisaient cet emploi. C’est ainsi que les procédés d’urgence deviennent procédures de toujours. » CSS - XXIX. 

         



        • L'enfoiré L’enfoiré 12 décembre 2012 18:09

          La grande marre du virtuel et du réel, un vieil article sur la question.


          • Raphaël Zacharie de Izarra Raphaël Zacharie de Izarra 12 décembre 2012 20:58

            Le texte initial comportait quelques ereurs grammaticales, fautes de manque d’attention et omission, le voici corrigé :

             

             Eloge de la « vie virtuelle »
            Les esprits sans profondeur opposent la densité, la richesse des occupations culturelles, intellectuelles ’’(ou mêmes plus simplement ludiques) des gens passant leurs journées sur INTERNET aux vaines agitations et vacuités de leur quotidien passé loin de la toile, persuadés qu’ils sont qu’une bonne grosse conversation sur le beau temps avec leur concierge vaut mieux que le visionnage d’une vidéo instructive ou la lecture d’un article de fond. Ils prétendent que la “vraie” vie c’est la vie sans INTERNET, comme si le NET équivalait à un songe...
            La “vie virtuelle” telle qu’elle est perçue de façon péjorative par ces critiques n’existe pas : tout ce qui est expérience humaine est réalité.

            Converser avec un ami en face à face n’est ni plus virtuel ni plus concret qu’échanger avec lui des mots par mails ou des paroles à travers une webcam. L’écran n’altère en rien la qualité ou la valeur des échanges.

            Au contraire, certaines vérités peuvent même plus facilement sortir par écrans interposés. Les rapports sociaux rapprochés parasitent parfois le discours. Par exemple un esprit averti fera preuve de diplomatie -aux dépens de la vérité- face à un interlocuteur primaire, bileux ou violent, à qui il ne confiera pas toute sa pensée. J’ai souvent constaté la chose dans les relations sociales directes : la proximité des interlocuteurs n’est pas nécessairement un gage de probité intellectuelle de leurs échanges. Des facteurs humains, psychologiques, socio-culturels, affectifs interviennent, faussant la sincérité des propos.

            Grâce à l’écran d’ordinateur, l’essentiel est perçu, le reste oublié. C’est peut-être cela qui insupporte tant ces gens : ils appellent les rapports strictement cérébraux ayant lieu sur INTERNET de la “NON VIE”. Peut-être parce qu’ils préfèrent l’artifice conventionnel et l’emballage social vides mais sécurisants des rapports humains directs...

            Arabesques d’inanités plus confortables à appréhender que le froid, sec, vif tranchant de la lame purement intellectuelle... Il est en effet plus facile de papoter sur la météorologie avec la brave Madame Michu en nommant cela “la vraie vie” que d’admettre son incapacité à argumenter avec intelligence sur des sujets sensibles.

            “Vraie vie”, voici en outre une parfaite illustration de ces termes passe-partout, vagues, abusifs, à forte connotation dépréciative et pour tout dire d’une incommensurable sottise que certains utilisent, sans jamais les analyser, en guise d’argumentation finale. Or ce concept demeure particulièrement inepte. “Vraie vie”, un paradoxe. Une notion dénuée de sens bêtement validée par les habitudes de langage de ceux qui confondent réflexion avec immatérialité ou “non vie” et qui justifie surtout leur existence paresseuse.

            La vraie échappatoire n’est pas INTERNET mais la brave madame Michu.

            Au vu de ces considérations, la vie “réelle” de ces esprits sans pénétration est beaucoup plus superficielle et futile que celle des internautes avisés.

            Les âmes inconsistantes pensent que ce qu’elles appellent “le réel”, c’est à dire tout ce qui se passe hors d’un écran d’ordinateur, fait exclusivement partie de la vie, tandis que ce qui traverse l’écran, serait de la non vie ou pour être plus exact de la vie factice, donc sans valeur... Que je sache, écrire à la main sur une feuille de papier, contempler un paysage, écouter le son d’une rivière, envoyer un mail, regarder une photo sur écran, écouter de la musique issue d’un fichier mp3, tout cela fait partie de la vie humaine, de son expérience, de sa richesse.

            Entre le sable sur lequel on trace un signe du doigt, la feuille de papier sur laquelle on écrit à la plume et l’écran d’ordinateur à travers lequel on envoie un mail, fondamentalement il n’y a aucune différence. Ca reste de l’écriture.

            Sous prétexte que des idées volent d’un cerveau à l’autre en circulant à travers un réseau INTERNET (sans courts-circuitages ou déformations, interprétations que constituent les mimiques, odeurs, postillons) elles auraient moins de valeur ?
             
            Qu’une image soit constituée d’octets informatiques ou d’ondes lumineuses, l’information, la beauté et la vérité de cette image demeurent les mêmes. Pour être parfaitement honnête les images en haute définition captées par des appareils de photos numériques sont bien plus intéressantes que celles perçues directement par nos yeux à partir de leur source naturelle... Difficile à faire accepter aux êtres primaires prisonniers de leur sens visuel, victimes de leurs préjugés !

            Comme les lunettes corrigeant la vue faussée des myopes, l’écran d’ordinateur permet de voir plus finement les réalités de notre monde.

            Prétendre qu’INTERNET ce n’est pas la “vraie vie” est aussi stupide qu’affirmer que les bigleux sont en permanence dans un monde irréel sous prétexte qu’ils portent des verres correcteurs ou qu’un astronome vit dans un univers imaginaire parce qu’il passe ses nuits à scruter le zénith à travers son télescope et ses jours à faire des calculs relatifs à ses observations ! Bien des gens prennent tout ce qui est abstrait -ou plus idiotement tout ce que leur oeil ne perçoit pas- pour du vent.

            D’ailleurs dans les relations de proximité, il y maints écrans qui interfèrent avec les interlocuteurs, sauf que ces intermédiaires sont invisibles. Et pourtant ces écrans sont bien tangibles. La réalité des profanes se limitant à ce qu’ils perçoivent avec leurs seuls yeux et deux oreilles d’âne et non, plus subtilement, avec leur mental, leur intellect, voire leur sensibilité, ceux-ci sont incapables d’admettre, de détecter, de percevoir la présence envahissante de ces paravents dans leurs rapports sociaux “naturels”.

            Un écran n’a pas nécessairement une forme rectangulaire. L’air qui véhicule les mots oraux que se communiquent deux concierges s’enquérant de la température de l’air n’est ni plus ni moins qu’un écran, une interface, un rideau palpable, réel, concret contre lequel est projeté leur petit film verbal.

            Il y a aussi des supports mentaux : un conditionnement culturel peut tout bonnement constituer un voile opaque. Placez un Pygmée issue de sa jungle en face d’un Esquimau encore givré des perles de son igloo : on assistera à un non échange entre deux personnes se faisant pourtant face...

            INTERNET est le prolongement cérébral, esthétique, philosophique, etc., de ceux qui par leur finesse, leur acuité, leur hauteur, leur évolution ont accédé à des activités subtiles, c’est à dire mentales, intellectualisées et même spiritualisées.

            La “vraie vie” ou la “non vie”, la “no life” comme on dit, sont des absurdités.

            Il y a juste la vie avec ses incroyables potentialités, ses éclats intérieurs et ses merveilles visibles, et puis il y a ceux, les moins éveillés, qui de manière fruste la bornent à leur environnement immédiat, strictement matériel, inconscients qu’ils sont de se murer dans leurs seules certitudes oculaires...
             
            Raphaël Zacharie de IZARRA


              • rhea 1481971 13 décembre 2012 06:59

                En fait dans une discussion entre deux personnes physiquement face à face il a été découvert qu’un surplus de neurones s’activaient dans une partie du cerveau, ce sont les neurones fuseaux, ce n’est pas le cas dans un échange à base d’écrans d’ordinateur. C’est de la neurobiologie et chacun peut se faire son opinion.


                • samuel 14 décembre 2012 17:04

                  Mais la vraie vie c’est justement ne pas dire la vérité. C’est savoir mentir, s’échapper face à l’autre pour se préserver. Il n’y a que la rencontre qui permette cela.

                  C’est ça être humain.

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