On
se raconte ce qu’on veut, n’est-ce pas. Moi en qui résonnent tant de beaux
discours et de conférences magistrales de Jean-Luc Mélenchon, je suis convaincu
que sa passion méditerranéenne lui nuit gravement, qu’il défend avec autant de
force que l’ensemble de ses convictions, ce qui très souvent braque l’auditeur
qui s’interdit toute analyse des thèses et arguments politiques. Qui niera que
la forme compte avant le fond lorsqu’il s’agit de séduire ? A ce titre,
Jean-Luc Mélenchon séduit par sa vigueur extraordinaire et sa manière directe
de présenter ses convictions. Il se reconnaît lui-même séducteur : mais
qui séduit-il ? Ce furent les foules immenses qui se rassemblèrent durant la
campagne présidentielle, faisant naître de vrais (et fous) espoirs de
changement. Cet extraordinaire engouement, cette passion collective s’est-elle
retrouvée dans les urnes ? Ce seraient les 4 millions, peut-être. Je
ne crois pas que le langage de la campagne soit valide aujourd’hui dans sa
forme, le long temps qui s’ouvre exige, pour les mêmes combats, non plus le
conflit qui fait de vous un mouton noir, mais une lutte inconditionnelle dont
la forme devrait être repensée.
Je
reste extrêmement peu convaincu de la justesse d’une marche forcée portée par
un vocabulaire guerrier et des intonations si souvent explosive, puisque
ce spectacle a fait basculer Jean-Luc Mélenchon dans le camp
des extrémistes, de par la volonté implacable de ses adversaires.
Or, je l’ai si souvent entendu dans des interventions extraordinaires où
il alliait une clarté de propos, une élévation de pensée,
une vision supérieure des enjeux du temps et des réponses possibles, tout ceci
sans la moindre attitude méprisante, que je suis convaincu qu’il peut aussi discourir
et convaincre sur un mode plus recevable pour tous ceux qui veulent bien
l’entendre par ailleurs, mais que sa verve renversante insupporte.
Il
y a des combats contre soi qui sont si importants qu’il faudrait les mener
presque en priorité. Jean-Luc Mélenchon ne fait pas seulement peur, et si ce
n’était que cela, il faudrait déjà s’inquiéter de ce que le public et nombre de
politiciens puissent éprouver ce sentiment. Bien plus grave, il est méprisé et
honni comme on le faisait de le Pen il y a 10 ans encore. La foule a besoin de
détester quelqu’un tout particulièrement, et le monde politique et la presse se
sont si bien attachés à faire de Mélenchon cette tête de Turc que, dramatiquement,
il a chuté dans ce piège mortel. Sa lutte contre Marine et le Front national est
justifiée, mais la personnalisation extrême qui en a résulté de par sa volonté irréductible
a fini par le condamner au statut même de celle qu’il combattait. En l’occurrence,
je trouve même légitime de la part du public de refuser de telles formes de
guerre politique.
Il
y a toutes ces colères de Jean-Luc Mélenchon, contre les journalistes en
particulier. Je pense que personne n’ignore désormais qu’il a (eu) contre eux des
mots et des attitudes jugées parfois irrecevables, au moins pour le spectateur
que la corporation ne manque pas de manipuler au besoin, sous la haute autorité
des patrons de presse et des politiques. Dans cette foire d’empoigne, il est
bien plus difficile de se souvenir qu’il a également loué plus d’une fois le
statut et la mission sociale et d’information du journaliste en tant que
professionnel, défendant sa position et son statut en butte aux pressions
formidables du système politico-médiatique. Cette attitude lui serait bien plus
profitable et l’honorerait mille fois plus si elle était connue.
Jean-Luc
Mélenchon ne fait pas seulement peur, c’est même à mon sens une erreur
fondamentale de voir la situation de rejet qui lui est infligée par ce prisme
déformant. Il est diabolisé à la manière dont le Pen père l’était, parce que
cette chasse-là est la plus facile, la plus mortelle. Il est dangereux de se
poser en victime tout comme de camper dans l’orgueilleuse pose du sauveur. Telles
ne sont pas les attitudes et convictions de Mélenchon, combattant politique
mais aussi, surtout, démocrate radicalement convaincu. Il doit bien y avoir une
manière plus recevable de faire passer les mêmes idées qui sont les siennes
mais aussi celles de nombreux camarades d’autres partis alliés, le programme
vital de l’Eco-socialisme ! Nous sommes nombreux à mettre de côté les « exagérations »
de l’homme (qui se reconnaît comme « exagéré parfois ») car nous l’aimons
pour lui-même et pour la mission qu’il se donne en faveur non seulement du
pays, mais de l’écosystème dont tous nous avons besoin pour vivre demain.