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Commentaire de volt

sur L'agonie tourmentée du progrès


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volt volt 21 décembre 2012 13:33

Remarquable, vraiment. Surtout le début et la fin, et je pense que votre concept inaugural de « hold-up » est à développer à l’envi, ne pas y manquer, c’est limpide.

Néanmoins, et quelle que soit la constance filée là de l’excellence, nous sommes là pour la critique, tout un travail, qui n’aurait pour but que d’affuter votre pointe, histoire d’atteindre à la perfection.

Il me semble à vous lire de près que vous ne souffrez que de deux défauts, mais majeurs :

1/ D’abord une sorte de méconnaissance ou d’évacuation rapide du 18e, du fait que vous vous contentez de vous inscrire dans des lectures un peu reacs du 19e sur cette affaire. A vous lire, on prendrait les Lumières pour la catastrophe originelle, se prolongeant en 19e fou, avant l’étonnante photocopie du 20e. Voilà qui ne tient pas. Spinoza n’est pas Hegel, Kant n’est pas Schelling, Casanova n’est pas Marx, malgré la bonne.

Vous oubliez qu’il y a ce moment très court mais fondamental où ce qui culmine en Révolution se retourne en Terreur... Tout est bien là, à cet instant fatal qui seul permettra que le déguisement de l’Empire vienne déclencher la grosse machine - encore en cours...

Donc pas faute aux Lumières, mais déjà à leur obscurcissement le plus immédiat, ce bon gros crépuscule bien gras, déjà maître dans l’art de se faire passer pour une aube.

Certes vous parlez d’un « avatar de l’utopisme totalitaire né des Lumières », sauf que les Lumières n’y sont pour rien. Et il est vital de s’en souvenir... De même lorsque vous parlez de« l’eschatologie séculière née des Lumières » ; c’est le même petit saut rapide qui néglige encore de bien différencier entre les cuivres d’un Malher et la flûte ou la clarinette de Mozart - Vital je vous dis... 

Ainsi le 19e n’a pas de « similudes avec notre époque » car nous n’en sommes jamais sortis, et sûrement pas pour cause de 18e, mais plutôt pour cause de réaction au 18e, où les femmes s’amusaient beaucoup plus tiens, on relèvera…

Exemple de votre raccourci récurent : « Le mondialisme néolibéral n’est donc pas un incident de parcours mais l’aboutissement sinon la continuation d’une logique implacable suivie à la lettre depuis le 19ème siècle mais initiée depuis le siècle des « lumières ». »

Malheureux guillemets !

 

2/ Il me semble que cette première imprécision est due au fait que vous ne sortez pas de la dialectique marxiste classique ; le plus malheureux c’est que votre lecture de Marx lui-même dans cette affaire se fait un peu trop vite. 

Ainsi, exemple de confusion : Au moment où vous virevoltez autour de la question centrale du« fétichisme de la marchandise », on ne saisit plus très bien si c’est la production qui fait le fétiche ou l’inverse, voilà qui compte, et beaucoup, question Marx.

Ne questionnant pas Marx jusqu’au bout, vous contentant de condamner sur Abd Al-Qâder, vous entérinez presque Hegel et sa vision de l’Histoire comme un fait, sur la question de la fin de l’Histoire ; comme si l’année où Fukuyama avait commis son idiotie, Derrida n’avait pas publié ses Spectres de Marx, comme si Heidegger sur l’Histoire n’avait rien dit...

Cette négligence heideggérienne est aussi ce qui vous permet de croire à cet « ego démesuré s’appuyant sur une avancée technique de l’Europe », or il n’y a là rien à différencier, il a été démontré dès les années trente à Fribourg ue c’est strictement le même processus, et à la limite, même l’inverse de ce que vous avancez. 

Passons sur le fait que vous citez la thématique de « l’authencité » étrangement sans la soumettre à votre impitoyable scanner… car votre manquement le plus grand est ailleurs, et il est si étrange que la France enterre ses plus grands penseurs sous le traditionnel rouleau-compresseur bosch.

Vous écrivez :

« Le mythe de la croissance exponentielle, un non sens qui ne cesse de désorienter l’humanité depuis deux siècles est en complète contradiction avec l’ordre immuable de la nature où toute croissance est suivie de déclin. C’est ce mouvement cyclique assurant à la fois l’équilibre et la régénération du vivant qui a toujours guidé la sagesse des civilisations anciennes. Or la fureur productiviste dont le parcours endiablé s’accompagne régulièrement de crises de surproduction ne cesse de pousser les nations vers les conflits les plus meurtriers de l’histoire. La dernière crise ne semble pas déroger à la règle. »

Bon, sans dénier la splendeur totale de votre texte, et même la très bonne articulation de ce paragraphe, on se dit : Seigneur... une fois mordu dans Marx, combien il faut se méfier du Géne ! Il y a pourtant eu un très sérieux antidote à tout cela qui, vous allez le voir, permet d’en sortir.

Cet homme s’appelle Georges Bataille, et il met en place au 20e donc, une « Théorie de la Dépense »

Résumons : Contrairement à ce que l’on raconte, dit-il en gros, le problème n’a jamais été celui de la consommation ou de la marchandise ou encore celui du manque de production, le problème, insiste-t-il, a depuis toujours été celui de la production ou même de la surproduction qu’on ne savait comment dépenser. 

Il se base sur Mauss et la théorie du don, elle-même découlant des analyses du Potlatch des indiens d’Amérique du Nord. Bataille en conclut : 

Un sacrifice humain sur une pyramide de Mexico c’est une dépense ; 

la fulgurante conquête arabe, c’est une dépense ; 

un orgasme, c’est une dépense ; 

le Plan Marshall, c’est encore une dépense. 

Tout le problème est de dépenser un trop plein, et même produire relève déjà de la dépense.

Voilà qui inverse bien toutes les polarités, et la « croissance exponentielle » que vous dénoncez n’est donc plus tout a fait en contradiction avec ce que vous réifiez comme « ordre immuable de la nature », mais plutôt sa conséquence la plus fidèle et logique. 

Quant à la « sagesse des civilisations anciennes », elle n’y change rien, elle est partie du processus… Et enfin la « fureur productiviste » n’est pas « endiablée », elle est ce qu’il y a de plus humain, religieusement parlant, en set Bataille.

Voilà qui dépoussière un peu.

 

3/ Remarques diverses :

-Référence utile : La Mobilisation Totale de Jünger, qui permet une lecture autre de la première guerre mondiale ; il est intéressant de voir que vous frôlez l’affaire lorsque, parlant de« stratégie de démobilisation des travailleurs », vous enchaînez sur « la combativité des travailleurs »...

- « le capital en position de quasi-monopole se met à croire en son autogamie  » - oui et non, le Capital est « autophagie » d’abord. 

-sur la « naïveté des wahhabites », vous voulez rire ?

-« d’El Karadhaoui et de Bernard Henri Lévy » - je vois la photo, mdr.

- « Il y a quelques jours, La police russe a arrêté à Moscou six membres du parti Hizb al-Tahrir al-Islami. Accusés de prosélytisme radical dans plusieurs mosquées de la capitale, ces derniers étaient en possession d’armes et d’une grosse somme d’argent. » - euh... on a bien du mal à croire qu’avec votre Science, vous tomberiez dans le panneau.


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