Well, buddy, tu
m’avais demandé de faire dans le synthétique : ce que j’ai fait en me référant à
cet aphorisme vietnamien, qui me semble répondre à une des problématiques
envisagées dans cet article : à savoir le rapport Homme/Civilisation, ou ce qui fait l’être civilisé.
Pour compléter
l’explication d’Easy, je vais résumer (très sommairement) l’implicite de cet
aphorisme, offert non par moi mais par une ancienne sagesse.
Que sous-entendent
ces quelques mots (au-delà de leur application pratique selon les aléas de
l’existence) ?
Et bien en
premier lieu que les hommes sont des êtres civilisés, avec des valeurs morales,
éthiques ou vertus issus du processus même de civilisation, qui ici et là
s’incarnent en telle ou telle autre singularité culturelle.
En second, que cultiver,
élever son esprit, tendre à une vie digne, sont de la plus vitale importance et au final font l’être civilisé, l’être culturel/social, l’être singulier :
et que c’est là un processus parallèle à celui de la civilisation : excepté
qu’ici il opère au niveau des singularités individuelles (dans l’intimité des
consciences) : et qu’au final singularités individuelles co-apparaissent, coexistent
et coïncident avec les singularités culturelles. Maintenant l’implicite de cet aphorisme
explicité, quel rapport avec l’article ?
L’auteur pose en
titre que le Progrés serait agonisant : cela ne me semble pas être le cas : nous approchons au contraire de l’apogée de la Civilisation :
certes cela paraitra contradictoire : pour la simple raison que nous n’avons
considéré jusque aujourd’hui que les vertus positives du processus de civilisation,
et rarement ce qui le fonde : à savoir (comme évoqué dans un com récent) : la
création d’un modèle ou système prédictible, ordonné et contrôlable.
Jusque récemment, la Technique et une globalisation inachevée ne permettait que la création de modèles locaux :
désormais, ces contraintes sont en passe d’être levées (Bretton Woods marque
une étape cruciale quant à la fin du processus de globalisation, la chute de
l’URSS elle la confirmait et affirmait) : l’étape suivante est déjà en cours et
s’intéresse avant tout à ce qui nuit le plus à la constitution d’un système
totalement contrôlable et prédictible : à savoir les singularités qu’elles
soient d’ordre individuelle ou culturelle.
Je vais faire court, ayant déjà déblablatérer à outrance sur ces thèmes :
a) le processus de globalisation (une sorte de »terra-forming"
visant autant à fragmenter qu’à reformater les domaines civilisationnels
historiques) est en passe d’achever la transformation de notre monde en un
Giant (global) Mall : s’attaquant essentiellement aux singularités culturelles
les réduisant à leur seul potentiel économique : bref extirpant des cultures
humaines uniquement ce qui est potentiellement rentabilisable (soit donc
évacuation de l’Immatériel, seules les manifestations (produits/productions)
culturelles « consommables » sont d’un quelque intérêt)
b) comme dit plus haut, singularités individuelles et culturelles sont
indissociables : automatiquement ce qui affecte les unes affectera les autres
(interdépendance plutôt que simple relations de causalité) :
- la réduction opérant au niveau culturel verre son impact à l’échelle
individuelle se manifester en premier lieu par le passage d’individus se
déterminant de plus en plus en fonction de leurs pratiques consommatoires (travesties
en « culturel ») plutôt qu’en des modes d’existence partagés : donc le
passage du Singulier vers le Particulier : cela aura pour contre-effet d’accroitre
et renforcer la déculturisation présentée en a).
- à une autre échelle, cela aura une dimension beaucoup plus invasive (et
ici, je te renvoie à l’aphorisme et le processus intime au niveau de l’individu
parallèle (quasi mimétique) à celui opérant à l’échelle d’une culture ou
civilisation) peu à peu c’est l’essence même de l’être civilisé/culturel qui
s’en voit affecté. Le Global Mall a pour corollaire aussi l’Ecran Global : le
premier transformant l’espace du monde de l’acte en une sorte de serre
artificielle, contrôlée selon les cas par des caméras,etc… dans l’autre par des
drones, satellites, etc…( bref contrôle vertical désincarné et total : inédit
dans notre Histoire) ; le second renforcera cette « artificialité » en opérant
au niveau même des perceptions et consciences : quel contrôle peut-être plus
absolu que celui qui permet de contrôler par fragmentation, effet zoom, etc… le
Réel même ? Et encore, quel contrôle et capacité à prédire et ordonner peut-être
plus absolu que celui qui permet d’enfermer les individus dans des fictions du
réel, les arrachant irrémédiablement au Monde de l’Acte, et agissant au sein même
de leurs consciences : là où nait la Pensée, là où naissent les singularités
individuelles ? Après avoir transformé le monde en une gigantesque serre, sous
contrôle effectif et total, ne restera plus qu’à enfermer les individus dans
une infinité de micro-serres ou fictions : complètement détachés du Monde de
l’Acte, arrachés au Monde, à Soi, à l’Autre…au Réel (quelque soit la définition
qu’on lui donne).
En cela, je considère donc que ce qui est agonisant est non pas le Progrès
mais Culture&Civilisation. Nous faisons face à une situation inédite : la Civilisation
pourrait disparaitre (a-civilisation, ou post-civilisation) que le dit Progrés continuera :
un cas par exemple que l’empire romain ne connut pas : ce fut les limitations de
son progrès technique qui le condamnèrent : notre situation est très différente
dans le sens où notre « chute » pourrait être perpétuelle, et
techno-supportée…
Pour conclure, un jour les mots d’Easy concernant l’aphorisme cité ( Cet aphorisme permet d’y voir clair en
toute situation de la vie. Il est souple, adaptable. A chacun d’en faire sa
lanterne du moment) n’auront plus aucun sens ni connotation
« pratique » : puisque l’implicite postule l’être civilisé, l’être
culturel, la civilisation, la société…et non pas les zombies ou somnambules
post-civilisés enfermés dans leurs bulles-serres artificielles…nul besoin alors
de chercher morale, éthique ou vertu : plus aucune pertinence…