Voilà un article très intéressant qui démontre à l’évidence la haine viscérale que déchaîne l’anglais dans le courant médiatique bien-pensant.
A vous lire, l’anglais a tant de difficultés que personne ne pourrait l’apprendre. Or, au risque de provoquer votre étonnement, des millions d’enfants en bas-âge y arrivent très bien chaque année. Outre les locuteurs natifs, des millions d’individus de tous âges et de tous pays apprennent l’anglais par toutes sortes de méthodes, et finissent par se débrouiller. Ces deux derniers siècles, des millions d’immigrants ont traversé l’Atlantique pour s’installer aux USA. La plupart avaient, à leur arrivée, un niveau d’anglais que l’on peut qualifier de nul, et en tout cas, bien inférieur à celui d’un élève de seconde, même dissipé. La plupart n’avait pas fait d’études. Beaucoup ne savaient ni lire ni écrire dans leur propre langue. Certains étaient intelligents, d’autres à la limite de la crétinerie. Et vous savez quoi ? En une génération, ils ont tous appris. L’anglais est une langue facile à mal parler, dites-vous ? C’est vrai. Comme toute langue étrangère. Savoir parler une langue « bien » est difficile, long, nécessite pas mal d’abnégation et, au final, cet apprentissage n’est pas forcément couronné de succès, car tout simplement, certaines personnes ne sont pas douées pour les langues. Et encore parle-t-on là des langues étrangères, mais au fait, combien de francophones parlent-ils « bien » le français ? Combien y en a-t-il qui « croivent qu’est-ce que je dis », qui vont « au docteur », qui « battent leur plein », et autres barbarités ? A peu près autant qu’il y a d’anglophones qui, lorsqu’on leur fait remarquer qu’ils ont mal mis leur accent tonique, vous répondent : « Hey dude, WHO CARES ? ».
Pour ce qui est de la non-correspondance entre lettres et sons, si la situation de l’anglais est caricaturale, le même problème se pose dans toutes les langues utilisant un alphabet, et ce pour une raison simple : contrairement à ce que vous semblez croire, une langue n’est pas constituée d’un ensemble discret de sons, mais d’un continuum. On aura beau imposer des règles pour qu’un O se prononce de même avant un M ou un L, l’usage fera rapidement dériver la prononciation des « vrais gens » de manière à rendre les syllabes plus faciles à prononcer pour un palais humain. Vouloir donner une transcription exacte des prononciations est un exercice vain et futile, qui ne conduira qu’à l’apparition de complications précieuses autant que ridicules, telles que ces accents grotesques dont nous affublons nos « e » (accents du reste trompeurs, je n’ai jamais entendu un événement se prononcer autrement qu’évènement). Le triste exemple du wolof en apporte l’illustration : cette langue d’Afrique de l’ouest n’avait pas de graphie. De doctes linguistes de la Sorbonne décidèrent un jour d’y remédier, et nous pondirent un alphabet latinoïde criblé de diacritiques, afin de rendre justice à chaque inflexion. Cette écriture n’a bien sûr eu qu’un modeste succès, d’une part parce qu’elle était trop complexe pour être apprise par un écolier, et d’autre part parce qu’elle était parfaitement adaptée au wolof de Dakar, mais pas du tout aux dialectes, qui ne respectaient pas la prononciation officielle. Résultat : 224 articles sur le wikipedia Wolof (pour une langue comptant 7 millions de locuteurs, à comparer avec l’espéranto, qui dépasse 10000 articles pour, généreusement, 2 millions de locuteurs), et quasiment pas de publications papier dans cette langue. Le fait est qu’en anglais, le principe « une lettre = un son » n’est pas du tout respecté. Toutefois, l’anglais s’écrit et il se lit tous les jours, un peu partout dans le monde, et ça ne semble pas soulever de difficulté majeure. Quant à attribuer la propension à la dyslexie à la nature de l’anglais, elle me semble oiseuse, scientifiquement discutable et proche de la « propagande » que vous dénoncez. La simple constatation de la réalité des faits permet donc d’en arriver à la conclusion que une lettre <> un son, « WHO CARES ? ».
Ayant la chance de travailler dans un environnement international, j’ai eu l’occasion de constater que mon anglais scolaire, agrémenté de quelques heures à regarder « friends » en VO, était largement suffisant pour que je puisse me targuer à juste titre de « read, written, spoken » sur mon CV. Je peux travailler en anglais. Je peux comprendre et me faire comprendre d’un anglophone natif ou non-natif. Je peux suivre sans peine une réunion, intervenir, écrire un résumé. Je n’ai pourtant jamais eu la bosse des langues, mais pour ce que j’ai à en faire, je suis opérationnel et pas trop ridicule. Evidemment, je ne peux guère débattre de l’influence de Heidegger sur la pensée de Sartre avec un ingénieur Indien. Mais moi, je bosse dans une banque, alors franchement, WHO CARES ?