Totalement irrecevable, et l’on s’étonnera peu de savoir d’où est venu le soutien inconditionnel à cette publication…
D’abord on nous explique que l’on part à la recherche des origines du monothéisme et particulièrement du Dieu unique d’Israël, puis très vite on affirme qu’il s’agit « d’une divinité manifestement masculine, décrite comme un père Tout-Puissant, quand il s’agit de donner un statut à la Femme ou pour rendre compte du Mal ».
Or,
1/ Dès qu’on cherche à remonter à ces sources on se rend compte de l’existence appuyée de parèdres féminines notamment par l’archéologie.
2/ La désignation de « Père » est surtout le propre du Nouveau testament, assez peu de l’Ancien.
3/ La masculinité n’est nulle part insistante. Et Ibn Arabî, tout imbibé de science hébraïque, se permettait de révéler que la lecture véritable du nom Yahvé qui s’écrit par les lettres, Y-H-V-H, bref le fameux tétragramme, se faisait sur le mode HY/HV qui donne hya houa, c’est-à-dire « elle est lui » ou « il est elle »… On est déjà bien loin de la masculinité exclusive.
Pour les deux points précédents il fait noter que l’auteur ne nous avance aucune référence.
Ensuite on nous explique que l’éthique biblique dans l’Ancien Testament « ne vise pas à l’universel, elle ne se soucie pas du destin de l’humanité » - Il est clair qu’on ne peut avancer ce genre d’ineptie que sur fond d’ignorance et d’inculture profonde. Ne serait-ce que les dix commandements déjà… Ne serait-ce que tout ce qui de cette tradition a traversé l’intégrale de la culture d’Occident via le véhicule chrétien… Mais non, Monsieur Soller a décidé de nous instruire, c’est tellement risible qu’on se demande si c’est la peine de commenter.
Que le peuple juif y soit centré n’a jamais exclu l’universalité du message et bien avant Saint-Paul justement, autrement comment donc ce dernier aurait-il pu procéder ? C’est presque affirmer : Voilà, vous savez moi je sais, et des millénaires de quelques centaines de peuples se sont fait embobiner, mais je vais vous expliquer…
Merci… nous passerons.
Pour preuve du dilettantisme profond, avéré du bonhomme, cette affirmation :
« Je mets enfin en lumière la présence dans la Bible de deux livres hors-la-Loi, deux chefs d’œuvre subversifs par rapport à l’idéologie officielle, « L’Ecclésiaste » et le « Cantique des Cantiques ». »
- Ah oui, quelle lumière ! Comme si nous ne savions pas les débats autour de Rabbi Akiba que l’entrée de ces deux écrits dans le corpus a suscité… Mais ils y sont pourtant, et s’il est clair qu’il est aujourd’hui difficile de lire L’Ecclésiaste dans une Eglise par exemple, ça n’empêche qu’il y est, dans le corpus, et donc qu’il existait même avant d’y entrer, et qu’il y avait des raisons pour lesquellels certains rabbins ne voulaient pas rendre ces écrits publics… Mais Monsieur Soller nous met en lumière…
C’est le fou rire, d’autant plus qu’il en est encore à l’étape où il considère, selon la plate lecture, qu’il s’agirait de « subversion », mais oserait-il nous dire pourquoi et comment - c’est là justement que sa lecture ne dépasserait pas celle d’un Renan ou d’un Girard et que la méconnaissance du propos éclaterait au grand jour - mais le public lui n’est pas dans ce grand jour, et Monsieur Soller est donc tranquille, et ses petites opérations éditoriales vont propsérer, Onfray comment autrement ?
Puis on s’enfonce encore, confirmant la superficialité du propos comme de la démarche : Voilà-t-il pas que nous bondissons soudain de l’Empereur Constantin à Georges W ; Bush - c’est énorme, risible, mais ça marche !.. Il y a eu une époque (sombre) de l’humanité où ce genre de propos pouvait passer pour autre chose qu’une énormité, j’ai vécu cette époque, je l’ai rencontrée, quelle chance inouïe !
Alors bien sûr pour faire bonne figure, le grand classique est toujours de s’inscrire et de se draper d’un peu de grec, on saupoudre un peu, c’est toujours bon pour la salade…
Hélas, même côté grec c’est immédiatement le non-sens puisqu’on nous explique que dans la culture des grecs, la guerre n’a rien à voir avec les dieux, sauf que… si je me souviens bien Arès est un dieu de la guerre ? Mais trêve à tout cela : Je propose à quiconque sur le seul texte de l’Iliade qui raconte la guerre de Troie, une recherche sur la seule base des mots « Athéna » par exemple ou surtout « Apollon » – à moins de cent résultats pour chaque, sur ces 500 pages, je serai étonné…
Enfin revenons au domaine biblique, moment d’émotion, Monsieur Soller se penche enfin sur le texte de Josué et il évoque le « caractère totalitaire de la conquête de Canaan telle qu’elle est racontée sans le moindre remords par les rédacteurs de la Bible : comme un fait historique accompli pour obéir à l’ordre du dieu de massacrer tous les habitants des trente cités conquises, sans épargner les vieillards, les femmes, les enfants ni même les animaux qui vivaient avec eux. ».
A cette seule lumière, il est clair que Soller ignore complètement le terrain exact de cette lutte et ne mesure pas ce que c’est qu’une métaphore.
Et c’est exactement la raison pour laquelle il arrive sur la question à faire pire que Freud même, puisqu’il cherche des traces archéologiques de Moïse… Monsieur Soller est donc un théologien qui n’a jamais ouvert l’Épître de Jude où cette question de chercher les traces de Moïse et de son tombeau est pourtant clairement évoquée pour ce qu’elle est… Et si les historiens se mêlaient strictement d’histoire et ne tenaient pas la littérature théologique pour un matériel immédiat accessible à leurs étroites lorgnettes, ce serait pas mieux pour tout le monde ?...
Mais enfin nous arrivons à Hitler, et c’est là que le géant et le génie se révèlent :
On nous dit que tout cela se révèle tributaire « de la vision du monde issue de la Bible hébraïque par le relais du christianisme. » Et très vite bien sûr on enchaîne « Sans pouvoir entrer dans trop de détails »… Tu m’étonnes.
Monsieur Soller n’a jamais feuilleté les dernières pages de la Torah pour y voir les souffrances futures du peuple juif décrites dans le détail de l’hitlérisme, bien au-delà de l’exil à Babylone ? Non, il sait lire Hitler par contre…
Et de nouveau le rappel des Grecs dans une formulation à l’étrange mélange :
« Cette vision moniste et messianique est tout à fait étrangère aux Grecs » - sauf que ni l’une ni l’autre ne leur sont complètement étrangères, et cela dès le Prométhée d’Eschyle, dès les mythes de naissance du Zeus crétois… mais passons, car il s’agit vraiment de détails.
Comment ne pas s’étonner que Monsieur Soller n’ait aucun problème à tenir le texte hitlérien pour argent comptant ? Que Hitler délire déjà tout clair et net, cela ne lui a-t-il pas effleuré l’esprit ? Non, où est donc le problème ?
Et encore, cette histoire de Talmud avant Torah, mais enfin y’a-t-il quelqu’un dans la salle ? Un zohariste ? que sais-je… Oui le Talmud a grande importance, mais il est un commentaire de la Torah, et toute inversion de cette préséance n’est que foutaise pour CE1. Et s’il emploie l’expression Bible au lieu de Torah, cela n’exclut pas que le Talmud se réfère à l’ensemble du corpus, et que la haftara est toujours présente au rituel.
Ensuite donc après que Monsieur Soller s’étonne que le Louvre ne dispose pas du crâne de Moïse, il déplore l’absence des momies de David et Salomon. Oui, vous êtes bien gentil, mais… dites-moi, et si David et Salomon étaient, avant des personnages en chair et en os, d’abord à recevoir comme concepts, vous feriez quoi comme métier exactement monsieur Soller ?
Pas grand-chose ce me semble, puisqu’en affirmant d’autorité que « ce sont les premiers chrétiens qui ont voulu ouvrir la religion des Juifs aux autres peuples », monsieur Soller vient d’un tour de main de maître d’évacuer l’intégrale du texte d’Isaïe - mais qu’importe de lire Isaïe, sommet indiscuté de toute littérature humaine, lisons Soller !
Enfin notre sommité conclut, au terme d’une longue méditation :
« A vrai dire, je pense que l’idée de religion universelle est un leurre. »
Certes, ne lui dites pas que souvent on ne parle que de soi-même, il ne s’en remettrait pas…
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