@ Alain
Vous êtes comme bien des Français, charmant sous le caparaçon et les airs d’avoir déjà tué tout ours
Faire mouche depuis un char qui saute, rien qu’avec les formules ? Pffff, trop facile, considérez cela comme fait mon général !
Vous avez commencé par ***Les scientifiques n’ont jamais bricolé*** mais convenez déjà des bricolages, ficelles, cordes et noeuds des Pères de l’esprit scientifique. Vous n’étes pas rigide.
Et de plus, loin d’être aussi cocardier qu’on pourrait le croire, vous n’avez même pas sauté sur mon évocation d’Einstein pour dire qu’il avait plagié Pointcarré. Vous n’êtes pas vraiment mesquin.
(Faudrait quand même qu’un jour nous pondions un article sur ce point. Mais nous veillerons à ne pas conclure en Tartarin, à finir en manière de Russel qui disait qu’en philosophie on ne peut pas être toujours juste. Ce qui veut également dire que si l’on peut améliorer Newton, on n’établit pas pour autant qu’il avait tort ; ou que le correcteur sera à son tour corrigé)
Vous m’êtes de bonne compagnie
Sur le bricolage, creusant la question de la péjoration qu’en ont fait les Français, (comme ils ont péjoré le recours aux mots méchant et gentil) nous pourrions faire une nuance
Il m’apparaît qu’il y a des concepts finalistes qui jaillissent quasiment finis dans la tête de quelqu’un en train de taquiner le goujon. Et qu’il ne lui reste plus qu’à réaliser en bricolant de concepts biais
Exemples :
Le régulateur à boules de Watt. J’imagine fort bien qu’il pouvait en garantir le résultat avant tout passage à l’établi.
1916, Fokker récupère un avion bricolé par Garros, il y gamberge et lui vient l’idée d’assujettir -d’une quelconque manière- le tir des balles de la mitrailleuse à l’hélice. Il peut jurer du résultat avant de passer à l’établi.
Pareil pour le filament de l’ampoule d’Edison. L’idée était née finie (d’un bête constat) et ne restait à bricoler que sa seule réalisation (Le résultat final ayant été trouvé par le nègre Lewis Howard Latimer mais ça ne se fait pas de le dire).
Pareil pour la lentille Fresnel.
Et il y a des concepts qui ne peuvent pas être bouclés en tête, qui ont besoin d’expérimentations pour être fixés.
Exemples :
Un type se dit, « Tiens, si ça se trouve, une bicyclette est possible ». Il sent que c’est possible mais ne peut jurer de rien avant de passer à l’établi.
Un type se dit, « Tiens, si ça se trouve, des échasses c’est possible » Là encore, in ne peut jurer de rien avant avoir essayé.
Un cancérologue bosse sur la leucémie. Comme il voit le sang sortir déjà anormlal de la moelle osseuse, il lui vient à l’idée de bosser sur l’hématopoïèse et se dit « Si ça se trouve, en y installant des cellules hématopoïétiques d’un individu sain, ça pourrait le faire ».
A ce moment là, son concept est non bouclé. Il ne peut pas jurer qu’il va aboutir. Son idée de départ n’est qu’une idée d’exploration et elle subira bien des bricolages, bien des modifications au fil des retours d’expérience. Son idée a absolument besoin de l’établi pour avancer.
Dito pour les vaccins, même après la réussite de Pasteur, dito pour toutes les greffes et autres médocs.
Il y aurait donc des concept nés finis et d’autres nés à bricoler.
(Dans les domaines concernant l’humain-humain, tel celui de la médecine, les concepts ne peuvent que naître à bricoler il me semble)
Là-dessus s’ajoute une habitude, probablement née de la confrontation au dogmatisme du Livre, qui aura poussé les Européens qu’il agaçait à n’exposer que leur produit fini et à dissimuler leurs essais et échecs. Ils auront constamment joué les Prométhée capables de faire surgir le machin fini ex nihilo. Très peu d’inventeurs et de découvreurs ont concédé s’être inspirés des camarades. Ils ont le plus souvent adopté le biais de la correction. « Je ne m’inspire pas des copains, je les corrige »
La nobélisation n’arrangeant pas cette manie.
Ici, chacun commence son installation par un magistral « Il se trompe, il a tort »
Ici, on bricole, évidemment qu’on bricole, mais dans sa cave.
Ici on dénie le bricolage et c’est dommage.
Ainsi, nos inventions parcourent-elles régulièrement le chemin cave - salon - grenier. Alors qu’ailleurs, on explore dans la rue. Il y a des peuples sans caves et dont l’atelier est la rue. Il va sans dire qu’ils ne versent alors pas dans l’élitisme par le prométhéisme.
Mon propos, sur ce papier de Dany, est de dire que l’Ecole dissimule ce fait aux étudiants et que ça les conduit à ne croire qu’au surgissement du PAC.
« Soit t’as tout de suite tout le bidule en tête et ça le fait, soit laisse béton »
Je crois que cette manière de voir les choses a produit énormément d’avatars absurdes. Dont le fait que pour réaliser un film, il faille commencer par séduire un comédien connu
(Les roquettes, réservoirs supplémentaires et autres bombes, on aura certainement envisagé de les placer au-dessus des ailes, mais de même que pour le train d’atterissage, on aura assez vite convenu que c’est moins pratique. Lorsqu’une aile ne vole que très vite, on en vient même à la rendre plus épaisse en intrados qu’en extrados)
****Enfin, je partage tout-à-fait votre point de vue sur les bouts de ficelle... mais ils n’ont rien à faire dans la science avérée... ils ont juste à intervenir dans la réflexion !****
Nous voilà rendus.
Il y a la science avérée et, pour parvenir à l’établir, il aura fallu procéder de bricolages et de ficelles (dont celles des indispensables mesures de vérification). C’est cela qu’il faudrait dire aux étudiants afin qu’ils se remettent à tenter des explorations, à fabriquer de nouvelles boîtes à savon sans honte ni complexes.
Merci pour cette agréable discussion, Alain.