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Commentaire de easy

sur L'Empire du meilleur des mondes


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easy easy 2 janvier 2013 00:10

@ Volt

Depuis quelques mois j’ai une impression récurrente :
Nous, les ex gueux, ne réalisons pas que nous sommes devenus sinon des Prince de Condé, sinon les Nicolas Fouquet, sinon des Voltaire, sinon des Molière, en tous cas leur avatar populaire par le biais de la gueule.

Nous sommes devenus très, très parleurs. Et de haute place SVP.

Du point de vue pécuniaire, nous sommes à peine plus que des très petits bourgeois du XVème siècle, mais du point de vue de la gueule, nous sommes absolument sans complexes.


Je conviens ne rien savoir de la prise de parole des livreurs de bois de chauffe à Rome. Je sais seulement que les gladiateurs disaient ave quelque chose.
Je ne sais rien de ce que disaient les chambrières de Charlemagne, les bonnes de Louis XI, les postillons de Louis XVI. J’ai ouï dire une phrase ici, une autre là. Jamais plus de 5 mots de la bouche des gueux.

Et nous voilà maintenant tous à discourir comme des Cicéron.

C’est cela, le premier effet de la démocratie totale

Mais nous avons le verbe beaucoup plus haut que nos responsabilités ou que notre rang qui devraient n’être que 1/ 60 000 000.
Notre rang social, à part le pécuniaire, c’est celui d’une fourmi, d’un termite sur des millions.
Notre gueule est donc infiniment plus haute que notre rang.
Et elle fait mal notre gueule.
Elle blesse, elle martyrise, elle opprime. 

Alors nous racontons des incohérences 
Car quand on cause à hauteur d’Erasme ou de More, il faut en assumer le rang qui va avec et qui conduit donc à la hache du bourreau le cas échéant. 
Là nous parlons à verbe haut sans rien assumer de cette hauteur


Le mot empire, je me demande s’il était prononcé par les vendeurs de légumes de Rome. Où s’il était prononcé, il l’était avec crainte au sens où ce mot était réservé aux sénateurs, aux hauts personnages qui avaient vraiment la charge de le conduire cet empire. Je serais très étonné d’apprendre d’un berger de Santa Maria di Capua Vetere (Là où était le cirque de Spartacus) se fût permis de balancer de l’empire ceci, de l’empire cela comme nous le faisons ici. 

J’imagine que même en dehors de l’Empire romain les gueux ne disaient pas ce mot bien trop grand pour eux. Dire ce mot voulait dire qu’on en comprenait les dimensions, qu’on était déjà un grand politique. Jamais un quelconque Barbare n’aurait eu la prétention de paroler politique comme nous le faisons maintenant. 



Posons que l’Empire actuel soit l’empire capitaliste et qu’il ait comme surface tout le bloc où il y a des immeubles de plus de 10 étages. Nous serions alors tous dedans, nous les AVoxiens. 0 rang de responsabilité en 1 milliardième. Mais nous voilà à dire sur lui, en long en large. Alors qu’il est bien plus indéfini que jamais. Il ne serait plus nettement défini que si nous le limitions aux EU. M’enfin, pourquoi le limiter à ce seul pays ? 
Non, vraiment l’Empire de nos jours c’est tout le bloc bétonneur. 
C’est nous.

Mais pourquoi alors en parlons-nous de si haute voix tout en affirmant que ce n’est pas nous ? 
4 milliards d’individus composent l’Empire, tous en parlent comme des Dante mais personne n’est responsable. Chacun désignant constamment quelque EUX « qui tirent les ficelles ». 

Si 4 milliards de grandes gueules pérorent si bien de l’Empire sans y avoir la moindre responsabilité, qu’y font-ils alors ? 



**** essayez de demander, je sais pas moi, au duc de bourgogne ses papiers par exemple, 

et vous verrez le coup de sabre, la vitesse... ****

Voilà la nuance ! 
A l’époque des ducs de Bourgogne, de Navarre, de Normandie et de Berry, il n’y avait pas de papiers pour les gueux qui étaient attachés à leur ban et ne pouvaient en déloger. Chacun y était connu dans le village dont il ne sortait pas. Quant aux seigneurs, ils étaient connus mais se déplaçaient tout de même avec leurs armoiries sur écusson et bannière. Chacun à sa place et les gueux ne l’ouvraient pas.


***** je me suis amusé il y a quelques années à lire tous les genres d’essais sur les causes de la guerre du liban par exemple, 
ça va dans tous les sens ; 
pourtant je suis certain que c’est centralement et principalement venu avec le développement hollywoodien des années soixante ; 
toute une génération john wayne, 
et cowboys en veux-tu, et indiens en voilà, du flingue à n’en plus finir, 
ça a dégouliné sur des années, 
il suffit de mater les photos noirs et blancs de l’époque 
pour voir tout hollywood printé sur une génération entière.
coming soon in a theater near you, valable pour tous continents.
ça les empêchait pas tous de lire ou de converser quand même, 
pris, coagulés, dans leurs images.*****

La démocratie a fait que les pulsions impérialistes autrefois réservées aux princes sont devenues le lot de tous. Le moindre Rambo a désormais des pensées de duc d’un point de vue politique. Le moindre Rambo dit désormais qui il faut jeter à la mer, qui il faut aller bombarder. 

Cette démocratisation de la parole politique, il me semble qu’elle a sauté aux yeux de tous lors de l’affaire Dreyfus. C’est à partir de là que chacun, du palefrenier au concierge, s’est autorisé un grand avis politique


Ainsi, les assertions de La Boétie sur la servitude volontaire, celles de Marx, celles de Nietzsche, celles d’Orwell, sur ce qu’est le type lambda, ne valent plus de nos jours. 

Nous ne sommes plus du tout des valets volontaires qu’a observé La Boétie, nous ne sommes pas non plus des Emile de Rousseau, nous sommes aujourd’hui dès nos 5 ans, des oppresseurs-opprimés mutuels, tant notre verbe est haut. 

Nous tous, nous nous empirons mutuellement de nos grandes gueules.

Il n’y a pas de Eux

L’Empire c’est Nous

Ce Eux que nous brocardons constamment, c’est Nous


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