L’Homme est dangereux.
Si, en dépit de ce danger, nous acceptons de vivre les uns sur les autres c’est sur la base de deux arguments :
Un premier qui est la connaissance de l’individu qu’on voit devant nous, connaissance acquise par l’habitude de son habitus au fil des années
Le second, puisque nous croisons aussi des inconnus, c’est la sensation ou conviction qu’il existe en tous cas dans sa cité, une valeur partagée par tous et qui indiquerait un pacte de non agression, un engagement dans le vivre ensemble.
Or il faut des indices concrets de ce pacte pour en être sûr : chacun doit arborer une marque au fer rouge, un tatouage, un collier, une plume sur la tête, un os dans le nez...
Il se pourrait qu’un de ces quatre il soit exigé ce genre de marque ou vignette mais de nos jours il n’en existe aucune que l’on porte sur soi et qui dise « Je m’engage dans le vivre ensemble »
Je dirais qu’au mieux, la cravate constituerait cette marque mais elle n’est qu’officieuse.
Restent alors deux autres marques qu’on ne porte pas vraiment sur soi mais qui dénotent d’un engagement dans le vivre ensemble : la constitution d’une progéniture qu’on expose au public (qu’on ose exposer et confier au public) et la constitution d’un patrimoine exposé ou vulnérable au public (la voiture en est un fort élément)
Si l’on devait ajouter une troisième marque ce serait le mariage « Elle et moi, c’est fait. Fin de la compétition sexuelle avec vous autres. Je compte sur vous pour ne pas draguer ma conjointe »
Voilà les trois marques les plus importantes que chacun arbore plus ou moins ostensiblement et qui nous indiquent que, globalement, tout le monde ou presque, a misé sur la paix.
Quand un film nous montre un monde brisé, on voit des rues non entretenues sans la moindre belle voiture confiée à la bonne garde du public. On ne voit plus aucune propriété ou belle pelouse confiée à la bonne garde du public et on ne voit évidemment plus aucun enfant se promener dehors.
J’ajoute un quatrième phénomène qui peut sembler accessoire mais qui produit son effet pacificateur, c’est celui de la plage où des milliers de gens sont côte à côte dans le plus simple appareil sans s’agresser.
Si de nos jours l’ambiance est encore paisible en dépit d’une forte montée de la paranoïa entre nous, c’est grâce à ceux qui osent encore laisser leurs voitures dans la rue, faire des gosses, les promener dehors et investir dans un bien immobilier.
J’ignore si la proportion de ceux qui refusent ce jeu du pacte social est en augmentation. Il me semble que non. Mais il est certain que s’il augmentait, il se produira un moment seuil où il y aura accélération du retrait de chacun de cet engagement, où chacun se barricadera et où nous allons tous tirer à vue.