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Commentaire de Christian Labrune

sur Rater 40% des cours en maths ou en français depuis septembre


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Christian Labrune Christian Labrune 22 janvier 2013 20:02

@Dany-Jack Mercier,

Depuis cinq ans que j’ai pris ma retraite, j’ai un peu cessé de me passionner pour toutes ces questions, mais à lire certains articles, je vois bien que le Titanic s’enfonce de plus en plus. Le contraire eût été surprenant.

Je ne commenterai pas ce que vous écrivez à propos des mathématiques : j’enseignais les lettres. Mais il faut dire que dans votre discipline, sous l’influence mal digérée des bourbakistes, les origines de la catastrophe sont encore plus lointaines, ça doit commencer au milieu des années 60 lorsque mon excellent prof, en math élem, s’était senti obligé par les programmes à nous initier à un degré de généralité mathématique dont il ne voyait pas plus la nécessité que nous à un niveau aussi élémentaire. Autant commencer l’enseignement de la physique par la théorie quantique !

Je pense que c’est tout de même dans l’enseignement des lettres, très contaminé à la fin des années 60 par une espèce de scientisme naïf résultant du structuralisme qu’on a pu atteindre les sommets de la connerie. Quand j’ai quitté l’affreux métier, il ne s’agissait plus que de trier les textes : ça, c’est du poétique. Ca, de l’argumentatif, ça du narratif, etc.. Les choses devenaient donc rapidement très claires : les Pensées de Pascal et le Dictionnaire philosophique de Voltaire sont des textes argumentatifs. Donc, pour l’élève, c’est à peu près la même chose.

Ces réformes avaient été appliquées par la plupart de mes collègues avec un empressement qui, lorsqu’on y pense, fait froid dans le dos. Je me souviens encore de discussions vaguement syndicales dans les sous-sols de la Bourse du travail, après qu’on eut inventé les TPE. Pour ceux qui disposaient d’un cerveau en état de rendre des services, l’entreprise avait paru monstrueusement idiote et même criminelle, mais je me souviens des interventions de quelques crétins expliquant qu’on ne pouvait pas a priori rejeter ce qui n’avait pas fait l’objet d’une expérimentation sérieuse. Il y eut donc des expérimentations « sérieuses » effectuées par quelques naïfs qui, se pensant bons pédagogues, avaient forcément réussi quelque chose de positif.

Plus tard, il y eut les controverses à propos de l’aide individualisée. Des statistiques firent très vite apparaître que dans la plupart des cas, et particulièrement en lettres et en mathématiques, les bénéfices étaient nuls et l’effet quelquefois négatif - à la très grande surprise de ceux qui avaient réussi à se faire croire le contraire et qui souhaitaient persévérer ! Les statistiques disparurent donc très vite du site où le ministère les avait publiées.

On pourrait multiplier les exemples à l’infini. Le rôle des corps d’inspection, toujours à plat ventre face aux injonctions des politiques, durant toute cette période, aura eu des conséquences particulièrement désastreuses. Je sais bien qu’il n’a jamais été très facile d’attaquer frontalement cette police de la pensée pédogogique, et nous n’aurons pas été très nombreux à opposer un niet sans concession à la visite d’un « Revizor » - pour parler comme Gogol !- mais durant toutes ces années, je le redis, c’est la servitude volontaire qui aura prévalu. Lorsqu’il s’est agi d’appliquer mécaniquement des « réformes » désastreuses, il y avait toujours la possibilité de refuser. Jamais personne ne m’a mis un couteau sous la gorge, et je peux bien dire que cela n’est arrivé à aucun de mes collègues.


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