Argumenté, certes, mais pas pour autant valide. Souffrez que je vous le démontre.
Il y a des éléments pertinents dans vos analyses. Effectivement, il est question de donner les mêmes droits et les mêmes libertés aux couples de même sexe et aux couples de sexes différents. Effectivement, il y aura des enfants avec deux papas ou deux mamans. Il y en a déjà et ça ne se passe pas mal. Mieux que dans les couples où un alcoolique violent bat sa femme, même si dans la durée, on ne peut exclure qu’un mari bourré batte son mari aussi.
Par contre, je tique sur l’idée qu’il s’agirait, comme Francis BEAU le dit, de « répondre au désir d’enfant tout à fait compréhensible ». On est libre d’avoir un enfant, on est libre de ne pas en avoir. Que cette liberté soit reconnue sans discrimination ne me semble pas hors de propos.
Francis BEAU convoque « nos » traditions pour « démontrer » que l’union de deux personnes de même sexe diffère de celle d’un homme et d’une femme. Si c’est au nom des traditions que perdure une discrimination, c’est sans doute une tradition mauvaise. Remontons un peu dans le temps pour trouver des traditions plus convenables : Les celtes faisaient de telles orgies entre adultes consentants, lors des fêtes à la fertilité, que neuf mois plus tard, bien malin qui aurait pu dire quel enfant est de quel père. La solution évidente fut d’abandonner le lignage paternel, trop incertain. C’est donc la femme celte seule qui transmettait son lignage, les droits, les titres, le patrimoine… Magnifique idée, je trouve. C’est beau, la tradition. Celle que nous avons héritée des Francs saliens et des Romains tente tant bien que mal de remplacer cette incertitude par l’appropriation de la femelle et un contrôle strict sur sa fécondité. Dans cette optique, il est essentiel de la posséder, de la tenir pour mineure, de la maintenir sous clé et sous tutelle…
Heureusement les temps changent et cette époque est révolue. Finalement, la présomption de paternité dans le mariage est un héritage de ce droit, que nos sociétés heureusement plus libérales et plus égalitaires (ce n’est pas un gros mot ; Aucun des deux ne l’est) ont conservé. Non pas pour rendre compte de la « Vérité », mais justement pour étouffer sous le boisseau d’une présomption les cas explosifs d’infidélité conjugales et le risque qu’un mari suspicieux, à tort ou à raison, se défile de ses responsabilités parentales.
Cela peut étonner les simples, de savoir que le droit prône ainsi une contrevérité, quand la vérité est susceptible de nuire à l’ordre public ou à l’intérêt de l’enfant. Les progrès de la recherche ADN n’y changent rien : l’intérêt de l’enfant commandera toujours de préférer comme père le mari de l’épouse qui crée avec elle et leurs enfants présumé un cadre stable et pérenne, capable d’affection, d’intérêt, de dévouement, et d’apporter à l’enfant sécurité, amour, soutien, culture, confiance, gite, couvert, argent de poche, encouragements, consolations, assistance… quand le géniteur, ce coup d’un soir vite oublié, ne s’est jamais manifesté. Et oui, l’intérêt de l’enfant ne commande pas toujours que la vérité soit établie. La présomption de paternité sert à ça. Oui, c’est une fiction juridique, comme le lien de parenté reconstitué par une reconnaissance de paternité : rien ne dit que le géniteur se dévoue à chaque fois. Une fiction parmi d’autres : ne me dites pas que vous pensez que la ligne blanche entre deux voies est vraiment infranchissable… Donc, voilà, le droit ne dit pas des vérités, il n’est pas fait pour ça.
Il n’est pas fait non plus pour bégayer les lois de la nature. Vouloir que la loi rende compte du « réel » est un contresens d’une grande puérilité. Les lois de la nature se passent évidemment de la loi des hommes. L’attraction universelle n’est pas sanctionnée par la loi. Si vous violez la loi naturelle, vous risquez de vous casser la gueule, et ce n’est pas un juge qui prononcera la sentence. Si vous êtes si certain que la nature toute puissante empêchera la procréation, alors qu’est-ce que ça vous coûte de la laisser régler le problème ? En quoi une loi viendrait l’y aider ? Et quelque part, si il y a besoin d’une loi, c’est bien que la nature n’y suffit pas et que la loi naturelle n’est pas si universellement vrai qu’on le prétend, sinon on ne pourrait la transgresser. Mais que signifie, pour l’homme, transgresser une loi naturelle ? N’est-ce pas en transgressant les lois naturelle (et les traditions) qu’on a inventé la roue, le feu, l’arc, l’élevage, l’électricité et Internet ?
Et que signifie cette idée de laisser la nature dicter ses lois sinon une renonciation à la souveraineté de l’homme sur son destin ? Bord d’aile ! Une fois pour toute, on est en démocratie ! Ce n’est pas la nature qui fait les lois mais les députés et les sénateurs !
Voilà ce que la philosophie des lumières a à répondre aux accusations de pien-pensance, de supercherie, d’escroquerie et de subterfuge : les subterfuges que dénonce M. Beau ne sont que les rouages d’une construction faite par les humains par les humains.
Ce cadre posé, reprenons ses arguments : tout part d’un article de la DUDH qu’il a trouvé, et qui légitime à ses yeux de subordonner les lois à la Morale. Il omet évidemment la condition de « juste exigence » qui figue dans le texte.
Est-on bien certain, demande-t-il, que tout le dispositif ainsi modifié n’entrera pas en conflit avec l’article 29 ? Il me semble au contraire qu’elle en corrigera la violation actuelle qui en est faite. « satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique » dit le texte. La jouissance de la liberté de se marier est en cause, et c’est donc la loi actuelle qui viole cet article. Les exigences de la morale ne sont peut-être malmenées que pour ceux qui voient encore l’homosexualité comme une perversion et un pêché. On ne peut pas dire que cette morale ait de justes exigences quand elle commande l’injustice et la discrimination. Quant au bien-être général, justement, il doit être général. Je ne vois dans vos fantasmes horrifiques d’apocalypse morale que la volonté de faire prévaloir votre petit bien-être conservateur et non un bien-être général. Et allons jusqu’au bout de l’article : « société démocratique »… ça veut dire que ce n’est pas la tradition ni la coutume, ni le roi, ni les usages qui font les lois, mais le peuple, exerçant sa souveraineté par la voix de ses représentants légitimement désignés par un vote. En réclamant que la tradition, les usages, les coutumes et même un hypothétique « droit naturel », prévalent sur la volonté du peuple, ce sont les valeurs démocratiques elles-mêmes que M. Beau remet en cause.
Il dit cependant une chose très juste à propos de l’indépendance du mariage par rapport à la religion, c’est que c’est une liberté individuelle relevant de la sphère privée qui doit être impérativement respectée. Oui, comme la croyance. Il s’embarque ensuite dans un parallèle qu’il juge lui-même incongru et qui lui permet de démontrer par l’absurde que… que quoi déjà ?
Il y aurait une minorité de prêtres et ils pourraient vouloir se marier… à condition qu’on ne leur impose pas de relations sexuelles avec leur conjoint ? Quel accueil, se demande-t-il, l’opinion publique ou le législateur réserverait à une demande de modification du mariage pour que les prêtres puissent en bénéficier à ces conditions ? La réponse est simple : il n’y a rien à modifier. Déjà, la loi n’interdit pas aux prêtres de se marier, sinon entre eux. Pour l’instant. Ensuite la loi n’oblige personne à avoir des relations sexuelles avec son partenaire et encore moins à avoir un enfant. Qu’on se sorte ce contresens de la tête, une fois pour toute ou alors montrez-moi une loi qui indique la parentalité autrement que comme une éventualité purement optionnelle dans le mariage ! Ni la stérilité, ni la chasteté, ni l’infécondité ne donnent droit à la dissolution du mariage. Notre prêtre ne doit qu’à lui-même, c’est-à-dire éventuellement à la croyance qu’il a que son dieu l’exige, de ne pas se sentir le droit de se marier. En réalité, il fait ce qu’il veut. Ah, je vous confirme : c’est un raisonnement par l’absurde et ses conclusions sont bien à la mesure de ce raisonnement.
Mais alors, dit-il, « pourquoi en effet vouloir consacrer un engagement solennel pris par deux personnes à se devoir mutuellement respect, fidélité, secours et assistance, si l’union ainsi consacrée n’était pas destinée à fonder une famille et à protéger les enfants qui en sont issus ? » Ben, les raisons ne manquent pas… par exemple pour que les personnes qui unissent leur patrimoine restent solidaires, que le plus riche des deux n’abandonne pas l’autre à sa solitude, sa vieillesse et sa pauvreté ? Le respect mutuel, c’est par exemple pour éviter les drames, les heurts, les violences conjugales, l’asservissement d’un conjoint par l’autre, une inégalité trop manifeste dans la répartition des tâches ménagères ? Fidélité, parce que l’époux trahit est blessé, que la blessure c’est mal et que quand on se marie, ce n’est pas pour faire mal à son conjoint ? L’assistance et le secours, pour que le conjoint d’un malade reste à ses côtés et appelle les pompiers au lieu d’aller se plaindre au service après-vente que son conjoint est cassé et qu’il doit être remplacé parce qu’encore sous garantie ? Un mariage même sans enfant n’est pas pour autant inutile ni dévalorisé. Même pour les tiers : pensez aux créanciers de l’un des époux qui va pouvoir maintenant faire saisir les biens communs en paiement de sa créance… Les raisons patrimoniales entrent pour une part non négligeable dans la nécessité d’informer les tiers par une cérémonie publique et la publication des bancs.
« l’institution républicaine du mariage ne peut pas empêcher que la pratique de l’homosexualité interdise de procréer et de fonder ainsi une famille : la nature ne le permet pas. » Si la nature se charge de l’interdire, il est inutile que la loi soit redondante. Et si l’on peut un jour ou l’autre ou par quelque création artificielle, contrevenir à cette loi naturelle, ce n’est pas à la loi de se mettre a priori en travers du génie humain. Elle peut le faire, certes, mais a posteriori, au cas par cas, et si, par exemple, la bioéthique ne nécessite. Mais on ne peut présager globalement et préalablement des décisions qui se prendront au cas par cas, selon la nature des procédés mis en œuvre.
Peut-on faire en sorte que cette institution républicaine ne soit pas discriminatoire à l’égard des homosexuels ? oui ! Peut-on ne pas la leur interdire en la transformant en simple union de deux personnes sans distinction de sexe et sans vocation naturelle à fonder une famille ? Oui ! Est-ce que ça en modifie l’essence même ? Non, dès lors qu’on s’est détaché du préjugé stupide que la vocation du mariage était la famille. La procréation n’est une condition ni nécessaire ni suffisante au mariage. Il y a des couples mariés sans enfant et sans projet d’en avoir et des couples avec enfants non mariés. Il n’est pas interdit d’épouser une femme ménopausée. Il me semble que c’est suffisant à démentir cette idée stupide. Tout ce que le mariage fait à la procréation, c’est que dans l’éventualité d’une naissance, le mari va avoir du mal à se défiler de ses obligations paternelles, même s’il n’est pas le géniteur.
Ces contresens poussent à voire de l’incohérence où il n’y en a pas. F. Beau a raison quand il convient que l’orientation sexuelle, la sexualité, et j’ajoute même l’appartenance à un sexe est une affaire privée, impliquant l’exercice de libertés individuelles fondamentales. C’est parfait. L’état avait, jusqu’alors, l’obligation d’aller farfouiller dans vos culotes (administrativement, certes) pour vérifier de quel sexe vous êtes avant de vous marier. Recul de l’Etat, conquête de liberté, l’ingérence administrative est repoussée un peu plus loin. On a une contrainte en moins, on a une dépendance de moins vis-à-vis de l’arbitraire étatique. On a un peu moins de barrière, un peu plus de liberté et le fait qu’on n’en ait pas personnellement l’usage n’y change rien : c’est bel et bien de la liberté en plus. Et certainement pas de l’incohérence. Vous pourriez vous en effaroucher, selon un processus que l’existentialisme sartrien avait bien mis en évidence : la peur de la liberté. M. Beau agence ses arguments comme si ce gain de liberté était l’introduction, dans le mariage, d’une admission à ne pas procréer, alors que cette admission existe bel et bien dans le régime actuel.
Je ne vois donc d’incohérence que, sauf votre respect, Monsieur Beau, dans la logique que vous adoptez. « L’inanité » que vous dénoncez est du même tonneau ! Quoi ? Deux personnes de même sexe se promettraient respect, fidélité, secours et assistance, et tout à coup, les parents hétérosexuels perdraient le sens de leurs propres engagements au point de mettre en péril la stabilité des familles ? Mais quels montages logiques invraisemblables vous obligez-vous donc à construire pour refuser la liberté ! C’est… puéril.
L’accusation de supercherie ne tient guère non plus. Qu’est-ce qui est supercherie ? Le fait que le droit puisse, par nécessité d’intérêt général, instaurer des fictions juridiques ? Oui. Appelez-ça supercherie si ça vous fait plaisir, mais ce sont des fictions utiles et il y aurait grand préjudice pour notre culture si ces dénonciations devaient aboutir à supprimer toutes ces fictions.
Certes, le législateur prend bien soin de ne faire aucune référence formelle à la sexualité ni à l’orientation sexuelle, puisque ce sont des éléments intimes qui ne regardent pas l’Etat et la puissance publique. En revanche, si le terme « homosexualité » n’apparaît logiquement pas, le texte annonce ouvertement la couleur en parlant de mariage entre personnes de même sexe… Oh, quel beau subterfuge ! Oh, quelle sournoiserie subtile, Monsieur Beau !… Certains pourraient s’imaginer que le texte ne concerne que les mariages… entre hétérosexuels de même sexe ? Allons !
L’autre supercherie, selon lui, consiste à accoler « subrepticement » des dispositions relatives à l’adoption. Il n’y a rien à accoler. Les adoptions par une personne célibataire existent déjà et il a été jugé illégal et discriminatoire de refuser l’adoption aux personnes en raison de leur orientation sexuelle. Donc, l’adoption par des personnes homosexuelles est déjà dans le droit. Il reste à régler l’adoption par des couples mariés de même sexe. Ça tombe assez bien puisque la loi sur les mariages de personnes de même sexe est en débat. Quel est le problème ? Où est la supercherie ?
Je poursuis dans un second message...
30/01 14:16 - Roungalashinga
Ainsi donc le mariage n’est pas fait pour donner un cadre institutionnel à la famille. (...)
30/01 00:20 - COLRE
COVADONGA, vous faites une fixation sur Bergé comme si sa parole avait la moindre valeur (...)
29/01 23:07 - Anakin
bonsoir Covadonga Il ne faut pas inverser les choses, les agressés sont les homosexuels et (...)
29/01 22:55 - COVADONGA722
Avec votre pertinente démonstration, la déduction ne peut-être que ce n’est que (...)
29/01 22:43 - Anakin
Bonsoir Colre Je pense deviner la réponse de vos détracteurs. Oui mais si la femme stérile ou (...)
29/01 20:41 - COLRE
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération