Mon cher Musavuli – Votre vision de la situation du Congo paraît à la fois étroite et superficielle. Vision étroite car vous restez coincé dans le piège des rivalités ethniques souvent instrumentalisées par des élites locales manipulées de l’extérieur. Vision superficielle car vous minimisez outrageusement ou ne tenez pas compte du poids des puissances coloniales qui, pourtant, sont les propriétaires, maîtres du destin de nos pays, maîtres de céans. Lorsque vous brandissez la souveraineté du Congo face au Rwanda, excusez du peu, mais cela fait énormément sourire. C’est un premier point.
Vous écrivez : « Si on accuse le Congo d’avoir abrité les milices génocidaires, les Congolais ont le droit de reprocher au régime de Paul Kagamé d’avoir eu l’occasion d’en finir avec ces génocidaires durant la Première Guerre du Congo (1996-1998). Or, qu’est-ce qui s’est passé ? Au lieu de neutraliser les rebelles hutus, l’armée rwandaise s’est contentée de se venger sur des populations hutues commettant ce qui risque d’être qualifié un jour de « génocide ». Ils ont laissé les rebelles dans les maquis préférant prendre des villes zaïroises les unes après les autres ainsi que des zones minières, jusqu’à Matadi, à l’extrémité ouest du Congo. Est-il sérieux de dire qu’on pourchasse les génocidaires jusqu’à 2 mille kilomètre de la frontière rwandaise ? En réalité, les autorités rwandaises doivent arrêter de mentir à leur peuple et à l’opinion internationale. »
Cher ami, votre récit est bien pathétique, mais il est très simpliste, en tout cas partisan et faux. Tenez-vous tranquille. La propagande rwandaise, qui vous froisse tant, ne peut duper aucun un esprit dépassionné, doué de bonne volonté, lucide, froid et soucieux d’objectivité. Au-delà donc de la propagande rwandaise et aussi de la propagande anti-rwandaise, la réalité des faits objectifs liés à l’intrusion du Rwanda en territoire congolais consécutivement au génocide est plutôt proche du récit suivant :
« Vers le milieu de 1996, la situation dans le Zaïre oriental devenait de plus en plus tendue. Après le génocide au Rwanda de 1994, des centaines de milliers de Hutus avaient traversé la frontière jusqu’au Zaïre où ils se rassemblèrent en de grands camps de réfugiés. De nombreux participants au génocide, dont des membres des Forces armées rwandaises (FAR) et des miliciens interahamwe, profitèrent de l’anonymat offert par les camps pour se réorganiser dans le mouvement Rassemblement pour le Retour et la Démocratie au Rwanda (RDR). Le RDR commença à utiliser les camps comme base arrière pour son infiltration au-delà de la frontière et conduire une insurrection. Malgré les protestations du gouvernement du Rwanda, le gouvernement zaïrois, et les organisations internationales apportant l’aide humanitaire aux camps ne purent ou ne voulurent pas séparer ces militants des populations de réfugiés.
Au même moment, la situation des Banyamulenge, des Tutsis présents au Zaïre depuis des générations, devenait plus précaire. Ils furent longtemps l’objet de discriminations, étant des arrivants relativement récents dans le pays, de culture et de langue différents des tribus voisines, et instrumentalisés par Mobutu pour entretenir des dissensions dans le pays pour asseoir son pouvoir. L’arrivée massive de Hutus, qui s’en prirent naturellement aux Banyamulenge, accrut encore les tensions. Le gouvernement du Rwanda pour sa part voyait les Banyamulenge comme des alliés naturels, et leur apporta un soutien militaire en prévision d’une escalade éventuelle et désormais probable.
(…)
Le 7 octobre 1996, le vice-gouverneur de la ville de Bukavu au Kivu, suite au fait que le Banyamulenge devenaient de plus en plus armés et présentaient un danger, décréta que ces derniers n’étaient plus les bienvenus et qu’ils devaient quitter le pays. En réponse, les Banyamulenge menèrent un soulèvement armé contre le gouvernement local. C’était le début de la longue guerre entre les Forces Armées Zaroises (FAZ) et le Front Patriotique Rwandaise (FPR) qui opérait sous le nom de Banyamulenge et AFDL. Car, c’est le chef d’état-major rwandais qui en sera le commandant des opérations et de l’assaut qui se préparait. C’est ainsi qu’au bout de compte, il y aura un échange de mortier entre les FAZ et le FPR stationnées sur les deux rives du lac Kivu. Ces événements sont désormais considérés comme les premiers engagements de la Première guerre du Congo.. ». (1) –Wikipédia.
Voilà la relation des faits assez proche de la réalité objective de l’intrusion de l’armée rwandaise au Congo qu’il faut qualifier de Première guerre du Congo contrairement à l’appréciation du nationalisme néocolonial particulièrement congolais. Peut-être que là aussi c’est « …un discours officiel mettant en avant la lutte contre les FDLR » pour masquer « la réalité qui est que les dirigeants rwandais nourrissent l’obsession par rapport aux richesses du Kivu, peu importe la présence des FDLR. ». Mais il ne paraît pas sérieux de nier cette réalité-là qui est contraire à la votre. Cette réalité-là montre que l’intrusion de l’armée rwandaise au Congo, à la poursuite des génocidaires, s’est durement heurtée aux forces zaïroises et onusiennes protectrices des génocidaires. La RDC de Laurent-Désiré Kabila, pourtant instaurée en lieu et place du Zaïre de Mobutu avec l’aide de la coalition FPR-Ouganda-Burundi-Zimbabwé-Angola, se drapera à son tour dans le nationalisme néocolonial et continuera malheureusement cette couverture des génocidaires hutus rwandais en collusion avec l’ONU. Ce ralliement de Laurent-Désiré Kabila aux génocidaires, non seulement fera éclater la coalition qui l’avait porté au pouvoir, mais aussi sera la cause de la Deuxième guerre du Congo. Il n’est donc pas honnête d’affirmer que « les Congolais ont le droit de reprocher au régime de Paul Kagamé d’avoir eu l’occasion d’en finir avec ces génocidaires durant la Première Guerre du Congo (1996-1998). ».
Et il est très clair que l’ONU, présidée par une petite poignée de puissances colonialistes intéressées dont la France instigatrice du génocide rwandais, a toujours couvert les génocidaires rwandais Hutus et ce, au moins dès le début du génocide en 1994. On n’est donc pas surpris que la CPI, une créature en l’an 2000 de la même ONU, à la suite du TPIR son ancêtre, vienne à postériori balayer et mettre à la poubelle la mémoire du génocide rwandais à la grande satisfaction des génocidaires et du nationalisme néocolonial. On peut ainsi invoquer un principe divinement artificiel, le « principe de la non-rétroactivité » fabriqué de toutes pièces, pour lancer des mandats d’arrêt contre ses brebis galeux ! On est ici en face du grand banditisme onusien ! La farce est vraiment hors norme !
Sur le terrain de la morale, on poursuit le Rwanda pour pillage des richesses du Congo. C’est très bien. Or, ces richesses sont la Commande de la France, Belgique, Etats-Unis, Anglo-saxons et j’en passe. Et ce sont les mêmes puissances colonialistes qui contrôlent le territoire congolais à travers l’ONU leur mandataire et ses organisations. Donc l’exécutant, c’est le Rwanda. Le donneur d’ordre et receleur, ce sont les puissances colonialistes, propriétaires du Rwanda et du Congo. Il semble que la morale, la vraie morale, la bonne morale, voudrait que le donneur d’ordre et le receleur soient plus lourdement punis que les exécutants. Et puis, que la commande soit exécutée par les Rwandais ou par les congolais, que ces richesses soient convoyées en Occident via Kigali ou via Kinshasa, où est l’intérêt du peuple Congolais et du peuple Rwandais là-dedans, dans ce trafic imposé et organisé par le colonialisme ? La théorie du pillage des richesses du Congo par les Rwandais est une théorie néocoloniale, une bagarre entre les bagnards dans un bagne autour des rations alimentaires que leur offre le directeur du bagne. Pendant ce temps, personne ne s’intéresse à défoncer les murs du bagne pour retrouver sa liberté. Voilà la morale du nationalisme néocolonial.
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