@ l’auteur
un texte que j’ai lu il y a quelques temps et qui vous intéressera peut-être ?
« Pourquoi se battre ? Pourquoi faire des
efforts ? Je crois que je ne vais plus bouger. Avec de la chance je vais
finir par prendre la couleur de mon environnement. Je veux devenir un caméléon. Jusqu’à maintenant je me suis conduit comme si j’avais le
pouvoir d’être un anti-caméléon : je voulais donner mes couleurs au monde.
L’influencer, le changer, l’amender. Mais le monde est récalcitrant. C’est une
lutte sans fin pour un résultat incertain. Alors il vaut mieux devenir comme le
monde. Se fondre dans la masse. Ne plus bouger. Ne plus offrir sa fatigue et
son énervement, ne plus sacrifier sa bonne humeur.
C’était une erreur. Il faut se laisser couler. La noyade est la seule règle
de vie valable. C’est à partir de ce moment que l’on peut agir, car on ne
gaspille plus son énergie à tenter de rester à la surface. Se noyer, doucement,
se laisser porter par les courants. On veut tout le temps prendre position et
se tenir face à un monde monstrueux. Résister. Mais on est ignoré, souvent même
écrasé. Nous ne changerons rien à la destruction de la planète et à la
domination sociale. Nous avons passé des années à nous battre sans résultat. La
lutte pour un monde meilleur nous abîme. Nos épuisements et nos cicatrices ne
sont pas des victoires. Peut-être la solution est de devenir
invisible. Parer les coups de l’éternelle déception, de la dureté, de la
solitude, de l’incompréhension. Invisibles, non pas à nos yeux, mais aux yeux
de ce qui nous opprime. Ne pas prendre le monde si sérieusement que l’on se
croit obligé d’apparaître entièrement face à lui, et donc offert à ses coups.
Il faudrait ne plus être honnête. Superbement mentir. Apprendre à faire
disparaître des parties de nous-mêmes et les garder en secret.
Les nouvelles révolutions seront menées par des hommes et des femmes qui
sauront être des fantômes. »
Martin Page