Oui
Afin de redéfinir le Je, il vaut mieux commencer par retracer son histoire, voir comment il a évolué et alors seulement, nous pourrions remarquer quelle sorte de Je il nous serait intéressant de développer.
Notre Je actuel est, en France, le plus individualiste de l’Histoire.
Pour autant, il comporte quasiment toutes les sortes de Je qui apparaissent au gré des circonstances.
Par exemple, les participants d’une manifestation ont, à ce moment là, un Je très collectif mais très corporatiste si l’objet de la manif est de brailler contre la fermeture d’une certaine usine, d’un certain hôpital.
Manif des motards, manif des taxis, manif des profs...autant de Je collectifs mais corporatistes
Et il subsiste encore des Je très largement collectifs à la Abbé Pierre
Mais le problème n’est pas dans l’individualisme qui est un droit naturel.
Une bestiole a le droit de s’isoler.
En étudiant l’ontogénèse des Je à travers les espèces, l’histoire et la géographie, on peut remarquer que le tout premier Je était celui du tigre, puis celui du zèbre, puis celui du loup, celui de l’abeille, du castor, du singe.
Certaines bestioles intégraient un sens du futur en construisant aujourd’hui pour demain, en accumulant des provisions pour l’hiver mais aucune ne gérait les équilibres des ressources autrement que par le contrôle éventuel de ses naissances et ses migrations.
D’autre part, il y avait une régulation mutuelle et non pensée entre les espèces et elle pouvait très souvent finir en catastrophe pour une ou plusieurs espèces
Un jour, les premiers hommes chasseurs cueilleurs ont entrevu la possibilité d’influencer la régulation naturelle désordonnée en l’ordonnant afin qu’elle reste convenable à leurs yeux d’hommes.
Afin de réaliser une influence (par exemple en édifiant un barrage) ces premiers hommes ont dû coordonner leurs efforts.
Cela et les nécessités de coordonner les efforts lors des batailles interclaniques a fait jaillir le concept de chef coordinateur. Il n’était pas forcément plus autoritaire que les autres, il était seulement élu afin d’incarner l’autorité que le clan voulait avoir certes sur le clan ennemi lors des batailles, mais surtout sur la nature car c’est avec elle qu’il était en relation quotidienne.
A part le chef, aucun individu ne se sentait alors porteur d’une autorité ni vis-à-vis de la nature ni vis-à-vis des voisins
L’autorité humaine (concentrée entre les mains d’un chef) a surgi de l’esprit des Hommes surtout pour essayer de gérer la nature, ne serait-ce que très simplement en interdisant les prélèvement dans les nids
Mais lassés de courir à G et à D pour influencer cette régulation sauvage, d’autant qu’il y avait toujours des voisins pour foutre le boxon dans la nature, les Hommes ont souvent renoncé à la régulation globale pour préférer gérer un parc de plantes et de bestioles. Ils ont alors laissé la nature à ses caprices en se concentrant sur ses cultures et bestioles devenues esclaves. Les chefs ne servaient alors plus qu’à coordonner les efforts de guerre. Clovis n’a jamais géré les sangliers
Confucius avait bien traité de la nécessité du principe d’autorité pour gérer les problématiques collectives.
Pendant que par ici, on se branlait les méninges avec un dieu au regard fixé sur l’Homme sans le moindre souci des problématiques collectives et écologique.
Cette curieuse autorité abrahamique n’est gestionnaire de rien de terrestre. Elle dit adorez-moi et je vous offrirai mieux que la vie terrestre.
Dès lors, c’est le chacun pour soi qui démarre « Moi j’irai au paradis mais mon concierge ira en enfer. Bien fait pour sa gueule »
Or ce dieu a donné à chacun l’ordre de tuer les hommes qui ne l’adoraient pas en son nom
Chacun (en tous cas les prêtres et chefs de guerre) s’est vu nanti d’une autorité venue du ciel sans qu’il ait à gérer la Terre. Policier contre les incroyants oui, gestionnaire écologique non.
A partir de ce MOI autoritariste sur l’Homme du dieu d’Abraham, puis les premiers livres conjugués en Je, puis 1789, puis les compétitions scolaires, sportives et culturelles (Il n’y avait pas de Mozart dans les sociétés primitives) puis les manifestations, chacun veut faire le chef, chacun veut la même autorité que le chef sur les Hommes. Chacun veut décider quel homme doit être sauvé, quel homme doit mourir.
Et cela sans avoir à gérer quoi que ce soit sinon son image face à ce dieu-miroir, autrement dit son image d’autorité hommiste « Tiens, Mardi, je vais sniper douze salopards. Tu m’accompagnes avec ton AK47 ? On finira plus vite et on sera rentré à temps pour Koh-Lanta »
Une personne très individualiste non autoritaire, non arrogante, ça peut exister, ça peut bien vivre sans nuire à personne. Ce serait un ermite allant vivre de chasse dans la jungle. Il serait très individualiste mais humble devant la nature car ne pouvant rien gérer de l’Ensembe, il ne pourrait que subir en se faisant le moins pesant et présent possible sur son petit endroit
L’individualisme, pourquoi pas, mais alors sans autorité, tel celui d’une Séraphine de Senlis, d’un moine errant ou d’un facteur Cheval.
Il est absurde que l’individu non gestionnaire de l’Ensemble soit doté d’une autorité, qui plus est hommiste.
Les gamins la réclament cependant.
Un Je individualiste humble a du sens
Un Je collectif tonnitruant qui ne gère rien de l’écosystème et qui ne secoue que les églises en se foutant à poil est absurde
Peut-on retirer l’autorité d’un individu qui refuse de s’en départir alors qu’il ne gère rien de collectif ?
Oui.
Mais il faut être une majorité à le vouloir