Le problème fondamental de la pensée de gauche est là, et il explique en partie pourquoi la gauche ne gouverne que pour d’assez brefs passages, historiquement, alors que les gouvernements de droite assument le plus gros du pouvoir politique dans la durée : cette conception angéliste de l’homme est constatablement fausse pour tout individu qui veut avoir une démarche pragmatique, c’est à dire fonder son action sur l’observation rigoureuse des faits, non sur des présupposés qui de surcroit sont empiriquement faux.
La gauche est donc inefficace, inopérative car mise en échec constamment par les faits : aussi bonnes que puissent être les conditions économiques dans lesquelles vivent les êtres humains, dans toutes les sociétés, sous tous les types de gouvernement, crime et délinquance font toujours partie du tableau (certes avec des degrés et des variations selon les cultures) ; la constatation de cette réalité universelle du crime et de la délinquance aurait par conséquent du depuis longtemps disqualifier ce postulat fallacieux.
Ca n’est pourtant pas le cas, ce qui met en évidence à quel point le (déprimant) principe de réalité n’est pas déterminant comme fondement des conceptions humaines, et à quel point l’illusion consolante aura toujours plus d’attraits pour de nombreux esprits. Malgré l’échec constant des systèmes politiques basés sur ce postulat angéliste, trois siècles après Rousseau, cette notion reste néanmoins la matrice idéologique de tous les mouvements de gauche, sans exception. Bien entendu, en contrepartie de cela, la pensée de droite comporte aussi plusieurs erreurs philosophiques fondamentales, mais sa force politique vient du fait qu’elle s’identifie (en théorie) et est identifiée surtout avec le principe de réalité.
Certains, à l’instar de notre facteur du NPA, vont jusqu’à pointer le rôle des médias. Même s’ils participent sans doute à un effet de focalisation, il serait tout autant illusoire de ramener l’entièreté de cet état de fait - l’explosion de la délinquance et de la criminalité - à leur seul responsabilité. Ce serait ni plus ni moins que de prendre la proie pour l’ombre. En réalité les politiques, et dans une moindre mesure les médias, malgré les tentatives d’instrumentalisation dont ils peuvent par ailleurs se prêter les uns les autres, sont beaucoup moins à l’initiative qu’on veut bien le (laisser) croire. Ils seraient plutôt dans le registre « puisque ces évènements nous dépassent feignons d’en être les organisateurs ». En fait ces phénomènes correspondent beaucoup plus à une réalité sous-jacente à la société française (pas seulement d’ailleurs, cela se vérifie partout en Europe) et qui vient aujourd’hui nous exploser à la figure.