Il y a d’abord Stéphane Hessel, l’un de ces « magnifiques vieux » qui avec Edgar Morin ou Alain Badiou, le regard profond et aussi perçant que leur pensée, nous invitent à la réflexion et à l’indignation. Stéphane Hessel qui a fait oeuvre de pédagogie pour rappeler à toute une génération ce qu’étaient les acquis du Conseil National de la Résistance et la dynamique qui a prévalu à l’élaboration de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Un Homme de gauche qui poussait la qualité jusqu’à aimer la poésie.
Il y a Hugo Chavez aussi, l’homme dont l’action politique (car c’est bien de cela dont il est question et pas de son caractère ou de son vocabulaire trop cru aux yeux de certaines « belles personnes ») a battu en brèche l’idée selon laquelle « there is no alternative », ouvrant la voie dans de nombreux pays d’Amérique Latine (et on l’espère ici aussi un jour) à un autre mode de développement, au « Socialisme du XXIème siècle ».
Entre 1999 et 2010, le taux de pauvreté au Venezuela a baissé de 21 %, la mortalité infantile est passée de 25/1000 à 13/1000, le nombre de médecins par habitants est passé de 18/10.000 à 58/10.000, le taux de scolarisation secondaire a plus que doublé (dépassant les 70 %), et près de 2 millions d’adultes ont été alphabétisés, le nombre de bourses universitaires a été multiplié par 8, la « Mission Santé » créée en 2003 a réalisé plus de 265 millions de consultations gratuites entre 2003 et 2011 et a sauvé plus de 1,7 million de vies, le nombre de centres de santé a été triplé, environ 4 millions d’emplois ont été créés, la durée hebdomadaire du travail est passée de 44 à 40 heures, le congé de maternité à 26 semaines et le congé de paternité à 14 jours... !!
Alors qu’ici on sabre sans cesse dans les dépenses sociales, le Venezuela a investi en 12 ans 594 milliards d’euros dans les secteurs sociaux. Pour celles et ceux que la dimension environnementale intéresse aussi, en matière de souveraineté alimentaire, alors que 90 % de la nourriture était importée en 1990, ce chiffre et désormais tombé à moins de 30 %.
Bien évidemment, la gauche radicale (celle qui va à la racine du glissement de société actuel et interroge le capitalisme et les logiques productivistes), notamment parce que son histoire est lourde de sens, a le devoir de regarder avec vigilance ce qui est fait au nom du socialisme. On trouvera que les soutiens politiques de Stéphane Hessel à certains sociaux démocrates étaient incompréhensibles. On se demandera si les alliances politiques qu’a tenté Hugo Chavez face à l’axe impérialiste étaient toujours judicieuses.
Mais, en ces tristes moments de leur disparition, on aimerait pouvoir rendre hommage à ces figures qui ont porté notre combat sans avoir à subir encore l’indécence et la souillure de certains, notamment à travers les médias. On ne veut pas entendre l’insupportable Richard Prasquier, soi-disant ’représentant’ des Juifs de France, mais en fait vice-ambassadeur d’Avigdor Lieberman à Paris, vomir sur Stéphane Hessel en raison de son engagement aux côtés des Palestiniens dans leur lutte contre l’occupation coloniale israélienne.
On ne veut pas lire sur le site de la RTBF que Hugo Chavez a « régné sans partage pendant 14 ans sur le Vénézuela », parce qu’il n’est pas comme Albert II et a, lui, été élu et réélu par un peuple qui très majoritairement soutenait sa politique . On ne veut pas lire dans Le soir qu’il « monopolisait les antennes des médias vénézuéliens », quand les médias privés qui le combattaient de façon acharnée sont dans ce pays largement majoritaires et jouissent d’une grande liberté.
Sans doute la rage de certains à l’encontre de ces Hommes est-elle à la hauteur de la rupture de leur pensée, de la qualité de leur action. Sans doute y a-t-il aussi pour certains beaucoup de sottise, de méconnaissance, de soumission inconsciente à la pensée dominante.
Mais on a quand même envie de leur dire, et même de leur crier : Taisez-vous, quelques jours au moins, et laissez-nous honorer en paix la mémoire de ces Hommes qui demeureront des exemples pour la vraie gauche, cette gauche qui à ceux qui se limitent à dire « sans nous ce serait pire » préfère ceux qui démontrent en terme de justice sociale « qu’avec eux, c’est mieux ».
--------
« Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, pas cette société où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis, toutes choses que nous aurions refusé de cautionner, si nous avions été les véritables héritiers du Conseil National de la Résistance (Stéphane Hessel - extrait de »Indignez-vous« ) »
« A ceux qui me souhaitent la mort, je leur souhaite une très longue vie pour qu’ils continuent à voir la Révolution Bolivarienne avancer de bataille en bataille, de victoire en victoire » (Hugo Chavez - 14 décembre 2012)