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Commentaire de averoes

sur Les faux doutes des théoriciens du complot


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averoes 15 mars 2013 17:58

Platon disait des Sophistes que l’essentiel de leur fonds de commerce intellectuel consistait à vendre la persuasion d’un auditoire. Il vilipendait, ainsi, leur prétention à détenir la « science, la sagesse » (sophia) et à pouvoir la transmettre. Les raisonnements qu’ils développaient avaient uniquement pour but l’efficacité persuasive et non la vérité, et à ce titre, contenaient souvent des vices logiques, bien qu’ils parussent à première vue cohérents. Mais, à y voir de plus près, les sophistes ne s’embarrassaient pas de considérations relatives à l’éthique, à la justice et encore moins à la vérité.

Ô combien ce schéma s’applique à l’auteur de ce billet !

En effet, faisant appel à des schèmes de la pensée philosophique, il tente –de manière gauche- de disqualifier le doute à l’égard d’un discours officiel (scepticisme amplement suscité par les nombreuses zones d’ombre, inhérentes aux vérités officielles, qu’on peut difficilement attribuer à la contingence), en sapant sa caution intellectuelle, philosophique et morale empruntée à Descartes.

Pourquoi cette entreprise est-elle gauche, voire intellectuellement malhonnête ?

L’analyse de l’auteur n’a, en réalité, de ce mot (analyse) que l’apparence. Car, si le cogito cartésien vise le dessein de fonder la connaissance sur des bases saines, comment peut-on reprocher aux sceptiques leur projet de vouloir fonder leur connaissance et leur quête d’une vérité sur des preuves irréfutables, alors que, jusqu’à présent, la vérité est loin d’avoir été établie ? Doivent-ils accepter les fausses vérités des « théologiens » de la vision monolithique des choses pour ne pas être taxés de vouloir se servir hypocritement du doute cartésien comme caution morale et intellectuelle de leur démarche ?

Par ailleurs, l’auteur, quand il dit que « Le doute cartésien est dit hyperbolique : il va au-delà du raisonnable, car il doute même sans raison apparente de douter, il est sans limite. » semble confondre le doute cartésien, qui est un doute méthodique, constituant simplement une étape dans le parcours intellectuel à la recherche de la certitude, contrairement à ce qu’il (l’auteur) affirme, avec le doute des Sceptiques de la Grèce antique qui, lui, faisait du doute une fin en soi et qui s’avère, partant, infini.

Dans le même ordre d’idée, lorsque l’auteur dit que « Descartes ne doute pas à partir de ce que d’autres ont dit, mais à partir d’une déception éprouvée quant aux théories jusqu’ici reçues, et d’un refus du dogmatisme scolastique. », faut-il lui rappeler que les théories propagées par le dogmatisme scolastique est justement « ce que d’autres ont dit » ; ces « autres » ne sont-ce pas les scolastiques justement ? Faut-il lui signifier que les fausses vérités propagées par les défenseurs de la version officielle sont justement éminemment entachées d’un dogmatisme que les sceptiques rejettent, comme Descartes avait rejeté celui des Scolastiques ?

Il s’en suit que le grief que l’auteur oppose aux sceptiques se retourne, in fine, contre lui. Ils leur reprochent  de « toujours partir de on-dits et de théories exposées par les autres. » Ainsi, il leur demande, ni plus ni moins, que de croire aux « on-dits et aux théories exposées par les autres », autrement dit, celles véhiculées par le dogmatisme ambiant de la version officielle.

En somme, le raisonnement de l’auteur se présente comme ce qui suit :

1-  Même si, dans votre doute à l’égard de la version officielle quant aux évènements du 11/09/01 et de l’affaire Merah, vous n’avez jamais pensé à Descartes, je décrète malgré-vous que votre scepticisme est fondé sur une récupération du philosophe.

2-  Je fais une fausse démonstration pour disqualifier cette récupération.

3-  Puisque de ma fausse démonstration découle que la référence à Descartes est non fondée, vous devez gober le discours de la version officielle, même si aucune preuve irréfutable n’est en mesure d’établir sa véracité.

4-  Pour montrer que votre scepticisme est une construction intellectuelle fallacieuse, je vous brandis la menace de la sempiternelle armada lexicale de la bien pensance matérialisée par les termes de « consiprationniste » ou « théoricien du complot », en guise de garantie de la véracité de mon discours.

Par son évocation du cogito cartésien, on s’attendait à ce que l’auteur place le débat sur un terrain philosophique. Or, à défaut d’utiliser la rigueur intellectuelle inhérente à cette noble discipline, et en nous proposant la crédulité passive de la foi du charbonnier, avec un magistral et sournois « Circulez ! Il n’y a rien à voir », son discours s’apparente plutôt à une démarche religieuse. N’est-ce pas le discours religieux qui nous demande de croire sans se poser de questions ? N’y-t-il pas à cet égard tromperie intellectuelle ?

Par conséquent, en vertu du raisonnement de l’auteur, l’on doit admettre le dogmatisme des versions officielles, même si aucune preuve irréfutable ne vient sous-tendre leurs thèses, sous peine de voir le moindre scepticisme à cet égard nécessairement réduit à une fallacieuse construction intellectuelle.

En matière de casuistique, qui dit mieux ? N’est-ce pas là le propre d’une démarche sophistique ?


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