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Commentaire de soi même

sur Les voies d'une nouvelle Révolution française


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soi même 18 mars 2013 21:18

 A des époques antérieures, le développement des instincts antisociaux
n’était pas le pain spirituel de l’évolution de l’humanité. C’est pourquoi
on n’avait nul besoin d’un contrepoids. Mais à notre époque, où l’homme
doit développer les instincts antisociaux pour lui-même, pour son soi
individuel, parce qu’il est justement soumis à l’évolution contre laquelle
150 Les exigences sociales fondamentales de notre temps
on ne peut rien faire, quelque chose doit apparaître que l’homme pourra
opposer à ces instincts antisociaux : une structure sociale grâce à laquelle
l’équilibre de cette tendance de l’évolution sera maintenu. Les instincts
antisociaux doivent agir à l’intérieur afin que l’homme atteigne le sommet
de son développement ; la structure sociale doit, elle, opérer à l’extérieur,
dans la vie de la société, afin que l’homme ne perde pas l’homme dans le
contexte de la vie. D’où l’exigence sociale de notre époque. Elle n’est pour
ainsi dire rien d’autre que le contrepoids nécessaire à la tendance intérieure
de l’évolution humaine.
Vous voyez bien qu’une observation partiale des choses ne mène à rien.
Pensez par exemple, étant donné la manière dont vivent les hommes, que
certains mots prennent des valeurs particulières, une « valence » négative
ou positive, je ne parle pas d’idées ou de sentiments, mais de mots, qui
prennent une certaine valeur. Ainsi le mot « antisocial » prend une conno-
tation antipathique, on y voit quelque chose de mauvais. Bien, mais le pro-
blème, c’est qu’on ne peut guère se préoccuper de savoir si on le trouve
négatif ou non, puisqu’il s’agit de quelque chose de nécessaire, puisque
précisément à notre époque, qu’il soit positif ou négatif, ce mot est lié aux
tendances nécessaires de l’évolution de l’être humain. Et lorsque quel-
qu’un se présente en affirmant qu’il faut combattre les instincts antiso-
ciaux, il énonce là un non-sens parfaitement commun, car ils ne peuvent
être combattus. Ils doivent, conformément à la tendance tout à fait nor-
male de l’évolution de l’humanité, se saisir de l’être intérieur de l’homme
de notre époque. Il ne s’agit pas de trouver des recettes pour combattre les
instincts antisociaux, mais ce qui compte, c’est d’élaborer, d’organiser les
institutions sociales, la structure, l’organisation de ce qui se trouve à l’ex-
térieur de l’individu humain, de ce qui n’est pas partie intégrante de
l’homme, de manière à créer un contrepoids à l’instinct antisocial qui agit
au-dedans de l’être humain. C’est pourquoi il est si nécessaire qu’à notre
époque l’être tout entier de l’homme soit exclu de l’ordre social, faute de
quoi ni l’un ni l’autre ne peuvent être purs.
Voyez-vous, nous avions jadis des catégories sociales, des classes.
Notre époque s’efforce de les dépasser, elle ne peut plus diviser les
hommes en classes, mais elle doit laisser l’être humain s’affirmer dans sa
totalité et le placer dans une structure sociale où seul ce qui est séparé de
son être sera organisé socialement. C’est pourquoi j’ai dit hier, au cours de
la conférence publique (3), qu’à l’époque gréco-latine, l’esclavage pouvait
encore régner. L’un était le maître, l’autre l’esclave ; les hommes étaient
classés. Ce qui nous reste de cette époque, c’est ce qui met le prolétaire
Septième conférence 151
dans un tel état d’agitation : le fait que sa force de travail soit une mar-
chandise, que donc quelque chose qui est en lui soit encore organisé de
manière extérieure. Cela doit disparaître. On ne peut organiser sociale-
ment que ce qui n’est pas lié à l’homme : sa position, le lieu où il est placé,
mais pas ce qui est en lui-même.
Tout ce qu’on reconnaît de cette manière concernant l’évolution néces-
saire de la vie sociale doit aujourd’hui être véritablement compris dans le
sens où, de même qu’on ne peut prétendre savoir compter par exemple
sans avoir appris la table de multiplication, on peut tout aussi peu avoir la
prétention de participer au débat sur les réformes sociales ou autres choses
analogues, sans avoir appris ce que nous sommes en train de caractériser
concrètement aujourd’hui, à savoir qu’il existe un socialisme et un antisocialisme.

Steiner Rudolf Les exigences sociales fondamentales de notre temps


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