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Commentaire de SANDRO FERRETTI

sur Instants d'années


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Sandro Ferretti SANDRO FERRETTI 27 mars 2013 21:36

Jeff n’avait rien à dire. Enfin, plus rien à dire, pour être exact.

Il se demandait du reste depuis quand exactement c’était arrivé, cette aphasie. Parce qu’avant, c’était pas le dernier à y aller de son commentaire. D’un ricanement, de son jeu de mots dans le jeu de quilles.

Ouais, avant, il avait la petite phrase péremptoire, facile, qu’il faisait tinter dans la conversation comme un glaçon dans le Martini.

 

Et puis il avait arrêté le Martini.

A présent, c’était du jus de tomates, mais la tomate, ça fait des renvois aigres mais même pas doux.

A sa bouche, il mâchait une allumette qui devait être la prothèse du cigarillo qui lui manquait tant, comme la jambe de l’amputé qui fait encore mal.

Non, il n’avait rien à dire. Et il allait le dire. Il ne s’exprimait plus que par un haussement d’épaules (pas forcément les deux en même temps).

Ou encore une géographie circonflexe du sourcil.

Et basta.

Le week end dernier, on l’avait juste entendu dire, à la nouvelle d’un qui s’était mis à la baille tout seul comme un grand sur son île, avec les spots et la musique à fond : « ça, c’est pas un départ de pédé ».

Et puis c’est tout, on l’avait plus entendu en reparler, des « chevaux de la mer qui fonçaient la tête la première le long du casino désert. »

 

Ou alors par signes. Des trucs qui parlent de la mémoire et de la mer.

Il avait écrit quelques mots dans une bouteille, le Jeff :

« Sous mon maquillage roux

S’en vient battre comme une porte

Cette rumeur qui va debout ».

 

Il n’a rien à dire, Jeff.

Ou alors qu’il est le « fantôme Jersey, celui qui vient les soirs de frime »

Il dit juste qu’il faut se rappeler de « ce chien de mer qu’on qu’on libérait sur parole,

et qui gueule dans le désert des goémons de nécropole. »

Epicétou.


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