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Commentaire de louphi

sur Laïcité forte, vers une nouvelle religion ?


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louphi 29 mars 2013 10:39

Njama

« …vous parlez de stalinisme dont on peut dire que l’exemple n’est pas vraiment marxiste »

De toute évidence, njama regrette sans doute que Marx n’ait pas pu vivre assez longtemps pour savourer en chair et en os la première grande victoire du marxisme en URSS sous Lénine et Staline. Mais que voulez-vous, la vie n’a pas donné cette chance à Marx. De toute façon, pour beaucoup de gens, Marx lui-même n’était pas vraiment marxiste ! Donc même s’il avait vécu et conduit la révolution d’Octobre aux côtés de Lénine et Staline, celle-ci n’aurait pas été pour autant vraiment marxiste !

« Le marxisme n’est pas le rejet de la (ou des) religion(s) »

« La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple.

L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence que formule son bonheur réel. » (1).

Décidément, le marxisme n’est pas vraiment marxiste !

« On considère en milieux marxistes, que le chrétien Thomas Münzer fut la première figure communiste (1490-1525). Ernst Bloch voit en lui le premier théologien de la révolution. »

Il est complètement erroné de penser que Thomas Münzer, bien qu’étant revêtu des habits chrétiens, prêchait la bible (christianisme) comme doctrine de la révolte plébéienne dont il était le chef. Münzer n’empruntait à la bible chrétienne que la forme de son expression, la forme du langage. Mais le contenu de son message pulvérisait littéralement la doctrine chrétienne. Münzer, en tant que chef de la révolution plébéienne, était un chrétien en rupture totale avec son sacerdoce. Il s’était petit à petit transformé de théologien religieux à un agitateur politique retourné contre sa religion. Voici un extrait parmi tant d’autre de ce que rapporte Engels sur la doctrine révolutionnaire de Münzer :

« Münzer dont les idées élaborées avec de plus en plus d’acuité devenaient chaque jour plus hardies, se sépara résolument de la Réforme bourgeoise et joua désormais directement le rôle d’un agitateur politique.

Sa doctrine théologique et philosophique attaquait, somme toute, tous les points fondamentaux non seulement du catholicisme, mais aussi du christianisme. Il enseignait, sous des formes chrétiennes, un panthéisme qui présente une ressemblance curieuse avec les conditions spéculatives modernes et frise même par moments l’athéisme. Il rejetait la Bible comme révélation tant unique qu’infaillible. La véritable révélation vivante, c’est, disait Münzer, la raison, révélation qui a existé de tous temps et chez tous les peuples et qui existe encore. Opposer la Bible à la raison, c’est tuer l’esprit par la lettre. Car le Saint-Esprit dont parle la Bible n’existe pas en dehors de nous. Le Saint-Esprit, c’est précisément la raison. La foi n’est pas autre chose que l’incarnation de la raison dans l’homme, et c’est pourquoi les païens peuvent aussi avoir la foi. C’est cette foi, c’est la raison devenue vivante qui divinise l’homme et le rend bienheureux. C’est pourquoi le ciel n’est pas quelque chose de l’au-delà, c’est dans cette vie même qu’il faut le chercher ; et la vocation des croyants est précisément d’établir ce ciel, le royaume de Dieu, sur la terre. De même qu’il n’existe pas de ciel dans l’au-delà, de même il n’y existe pas d’enfer ou de damnation. De même, il n’y a d’autre diable que les désirs et les appétits mauvais des hommes. Le Christ a été un homme comme les autres, un prophète et un maître, et la cène a été un simple repas commémoratif, où le pain et le vin étaient consommés sans rien y ajouter de mystique.

Münzer enseignait cette doctrine en la dissimulant la plupart du temps sous les mêmes tournures chrétiennes, sous lesquelles la philosophie moderne a dû se cacher pendant un certain temps. Mais la pensée profondément hérétique ressort partout de ses écrits, et l’on s’aperçoit qu’il prenait beaucoup moins au sérieux le masque biblique que maints disciples de Hegel aujourd’hui. Et cependant, trois cents ans séparent Münzer de la philosophie moderne. » (2)

La doctrine révolutionnaire de Münzer n’est donc pas apologiste de la doctrine chrétienne. Elle se construisait plutôt en opposition avec le christianisme en particulier et avec la religion en général. Par rapport aux fondamentaux théologiques, la doctrine de Münzer était hérétique, démystifiant et démythifiant la théologie divine. On ne peut donc pas invoquer Münzer pour faire asseoir l’affirmation de njama que « le marxisme n’est pas le rejet de la (ou des) religions(s) » même si Münzer utilisait la rhétorique chrétienne qui était la seule forme de langage excitateur à portée de lui et directement accessible au peuple à son époque. Et si donc « On considère même en milieux marxistes, que le chrétien Thomas Münzer fut la première figure communiste, Ernst Bloch voyant en lui le premier théologien de la révolution » comme  l’affirme si sereinement njama, alors Engels, et donc Marx, ne font pas partie de ces « milieux marxistes »-là. Pour Engels, la théorie et l’action révolutionnaires communistes de Münzer démolissaient précisément la théologie et y substituaient l’athéisme (a-théisme).

______________________________ 

(1)  Marx-Engels : « Sur la religion »

(2)  Engels (livre cité par njama) : « La guerre des paysans en Allemagne)


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