Je ne suis pas pour la réforme des rythmes scolaires, qui aboutit effectivement à réduire le temps d’étude proprement dite au profit d’activités qui ne seront le plus souvent que de la garderie légèrement améliorée. Mais qu’y a-t-il donc de si terrible à faire travailler des enfants sur « un projet citoyen sur le vivre ensemble » ? Il vaut mieux leur apprendre à vivre en toute incivilité chacun pour soi ? Et en quoi cela serait saper la famille ? Est-ce priver les parents de leur rôle que d’enseigner aux enfants qu’on ne doit pas se montrer irrespectueux avec ceux qu’on ne connaît pas ? Non, c’est à eux de le dire au départ, et à l’école éventuellement de le théoriser un petit peu.
Vous êtes bien naïf de croire que l’école ne transmet que des connaissances et pas des valeurs. De fait, transmettre des connaissances, c’est valoriser la connaissance par rapport à l’ignorance. Il faut en finir avec ce mythe selon lequel la connaissance serait un truc neutre, placide, sans danger pour personne. La connaissance est un choix contre l’obscurantisme et la superstition, dangereuse pour tous les partisans de la superstition et de l’ignorance. D’autre part, dans l’entre soi familier, il n’y a pas de découverte de l’autre : sans l’école, pas de copains, pas d’autres adultes que les parents. Le monde idéal de Le Pen est en effet sans école éduquant aux valeurs universelles de liberté et d’égalité, puisque pour Jean-Marie, comme pour Marine, « j’aime mieux mon frère que mon cousin et mon cousin que que mon voisin et mon voisin que l’étranger ». Eh bien moi vous voyez, j’ai pu avoir des copains à l’école, qui au départ étaient pour moi de purs étrangers, que j’ai aimé autant que mes frères.
Enfin, les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, mais pas les seuls et c’est un partisan de l’instruction publique plutôt que l’éducation nationale qui vous le dit. Les enfants apprennent et reçoivent beaucoup de valeurs d’ailleurs, en dehors de la famille comme de l’école. A moins de les enfermer dans une cave, certes (quoique si comme vous le dites la famille devait être seule à transmettre les valeurs, on ne devrait rien trouver à redire à ceux qui séquestrent leurs enfants).
D’autre part, il y a l’éducateur et l’enseignant. L’éducateur transmet des valeurs, l’enseignant des connaissances. Comme je vous l’ai dit l’un ne va pas sans l’autre. Vous même en transmettant des valeurs à vos enfants leur transmettez aussi des connaissances pour illustrer ou appliquer ces valeurs. Mais quand il s’agit d’entrer dans l’explication, le parent est en général un médiocre enseignant. L’amour parental est impatient comme le remarquait Alain. Quand il s’agit d’éduquer à des valeurs, l’école est toujours moins efficace que les parents, l’enseignant restera toujours un médiocre éducateur par rapport au parent. Mais les valeurs ont aussi besoin d’être expliquées et mises en pratique par des exercices où la réflexion a un rôle à jouer. Dans une société mieux organisée, comme l’était à cet égard celle de la troisième république, les parents et les enseignants se complètent en se soutenant mutuellement au lieu de s’opposer systématiquement.