Cher Philouie,
Non en fait, si vous regardez d’assez près ce que je dis, c’est le désir de vivre qui est le point de départ de mon approche, qui me semble objectivement constatable chez tous les êtres vivants. Ceux-ci restent refermés sur eux-mêmes tant qu’il n’y a pas de capacité à se penser à la place de l’autre, d’empathie. Ainsi la recherche de son propre bien, naturelle et instinctive, devient aussi la recherche du bien de l’autre, non pour en tirer par calcul un avantage personnel, mais parce qu’elle s’étend naturellement à l’autre dès qu’est perçu également chez lui le désir de vivre, conscient et aussi raisonnable que possible. Dans l’empathie, je ne perçois pas l’autre comme un autre exemplaire de moi-même mais comme désir de vivre identique à moi.
Le désir de vivre, c’est ce qu’il y a de commun entre moi et l’autre, il dépasse donc l’opposition de moi qui suis de telle taille, de tel caractère et de toi qui as tel visage, tel autre caractère. Le désir de vivre en ce sens est en moi ce qui est plus grand que moi, non pas certes ce Tout-autre obscur à la Lévinas, mais bien un principe d’identité unissant le moi et le non-moi. Ce désir conscient de vivre, qui conduit à vouloir vivre intelligemment et en harmonie avec moi-même comme avec l’autre, est peut-être la vérité du « eyeh asher eyeh » mosaïque : ce que « Je suis » fondamentalement, ce n’est pas ce petit moi qui change sans cesse, c’est le désir de vivre expansif qui seul peut dire « Je demeure ».
Mais encore une fois, il est question d’enseigner la morale à des enfants, non de réfléchir à ses ultimes fondements et à la distinction qu’on pourrait faire entre le moi et le soi ou comme les hindous entre ahamkara et atman. Qu’on soit lévinassien, kantien ou spinoziste, on peut être d’accord sur le fait que vouloir dépouiller quelqu’un de sa propriété légitime est mauvais et que se porter au secours de l’autre en difficulté est bon. Un cours de morale laïque supposera par définition que les différentes façons de donner sens à l’acte moral soit envisagées, mais l’essentiel restera dans le reconnaissance du fait moral.
« qu’est-ce qui justifie que le riche nourrisse le pauvre si le riche n’a pas faim ? »
Le riche peut s’imaginer qu’il pourrait être pauvre justement. Revoyez ce que je dis avec Rousseau. Le riche peut reconnaître dans le pauvre ce qu’il aurait pu être, parce que malgré leurs différences circonstancielles, il aurait très bien pu évoluer comme lui, ce dont il se rendra mieux compte il est vrai en côtoyant d’assez près le pauvre. Mais je ne dis pas pour autant que dès qu’il voit un pauvre dans la rue, le riche devra lui donner à manger, il y a aussi la question de savoir en quoi consiste réellement rendre service à quelqu’un : lui donner un poisson ou lui apprendre à pêcher... De même, si le pauvre voit tomber un billet de la poche du riche, la moralité consistera pour lui à se mettre à la place du riche et à comprendre que malgré leurs différences, lui-même aimerait qu’on lui rende son billet s’il était riche. Vous voyez, c’est quand même très différent de ce qu’on appelle ordinairement l’égoïsme, ce dont je vous parle.
Vous Philouie, comment justifiez vous qu’on se porte au secours d’un inconnu si ce n’est pas comme semblable ? Allez vous recourir au mystère obscur du Tout Autre qui vous le commande intérieurement sans que vous puissiez en comprendre le sens ?
06/05 21:51 - philouie
Je voudrais essayer de récapituler au moins en quoi nous sommes d’accord : le fait de (...)
06/05 21:39 - philouie
Alors, vous comment faites vous pour ramener cette jeunesse à la morale ? C’est une (...)
05/05 16:48 - Henrique Diaz
Philouie, (j’espère que vous trouverez ces réponses, pas facile au bout d’un moment (...)
05/05 15:58 - Henrique Diaz
Ce paradoxe peut se résoudre facilement si on prend garde que ce qu’il y a de moral dans (...)
05/05 15:47 - Henrique Diaz
Nous discutions de savoir si tous les hommes veulent la liberté ou non. Manifestement quand on (...)
05/05 15:00 - Henrique Diaz
Eric, Le précédent message répond plus en détail à votre avant-dernier message. Sur le (...)
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