Eric,
En quoi voulez vous qu’amener des enfants de 10 ans à réfléchir au fait que ce n’est pas juste de bousculer un handicapé ou que c’est bien de rendre à un copain le pokémon qui lui appartient même si on aurait envie de le garder, ce soit du totalitarisme ou encore de l’idéologie de fonctionnaire gauchiste ?
Comme vous ne semblez pas l’avoir noté dans mon texte, je distingue le caractère universel et nécessaire de quelques principes moraux de la meilleure façon de les appliquer dans la vie de tous les jours. En outre, la méthode que j’ai indiquée, je pense que c’est celle qui sera préconisée mais je ne suis pas le ministre, se fonde justement sur l’exercice du questionnement socratique et donc du doute. Il ne s’agit pas d’asséner des principes moraux aux enfants mais d’un pari selon lequel en les amenant à se poser des questions, ils peuvent acquérir une conscience plus claire de ce qui est moral et de ce qui ne l’est pas. Etant donnée cette méthode même, le doute méthodique, chercher à savoir si on peut penser autrement, sera par nature constitutif de cette morale qui ne saurait être moralisatrice et autoritaire.
Mais ce n’est pas parce qu’on exerce le doute qu’on est nécessairement sceptique, qu’on doit s’installer partout dans l’incertitude. Le doute méthodique issu de Descartes permet justement de faire le tri entre les fausses certitudes et les certitudes objectives. Ce que je ne peux penser autrement m’apparaît comme évident. Mais étant donnée la démarche initiale, je serai toujours à l’écoute d’objections ou de contre-arguments. C’est d’ailleurs ce que j’attends en vain par rapport au principe de réciprocité que j’ai rappelé : qui donc peut penser raisonnablement le contraire de « il faut vouloir pour les autres ce qu’on veut pour soi et vouloir pour soi ce qu’on veut pour les autres » ? Qui ici m’a expliqué comment il pourrait être bon de vouloir pour les autres ce que je ne veux pas pour moi-même, de ne pas vouloir pour les autres ce que je veux pour moi, de ne pas vouloir pour moi ce que je veux pour les autres ou encore de vouloir pour moi ce que je ne veux pas pour les autres (dans les mêmes circonstances) ?
On m’a dit à la limite que c’était utopique, objection classique consistant à confondre le droit et le fait, mais pas en quoi ça pourrait être bien de ne pas appliquer le principe de réciprocité.