C’est en grande partie vrai, mais ce n’est pas si simple.
D’abord, celui qui est en mesure comme vous le dites d’envoyer se faire voir l’éducation nationale, les inspecteurs, les proviseurs ou principaux, autant que les parents d’élèves, se retrouve seul face à sa classe, ne pouvant compter sur aucun soutien extérieur face à une classe difficile, comme le montre bien l’article : celui ou celle qui est capable de cela est rarement fraichement sorti de l’IUFM... Il faut une solide expérience pour pouvoir adopter cette attitude, de fait tous les profs ne peuvent l’avoir. Il faut aussi, ce qu’on peut appeler de sacrées épaules, pour supporter chaque année la confrontation des premiers mois de classe, quand des élèves habitués à des profs complaisants se retrouvent face à un prof exigeant.
Ensuite, toute classe est composée d’élèves dont la majorité a naturellement tendance à chercher le moindre effort, ce qui est naturel. Donc le prof timoré qui ne veut déplaire à personne, ni à ses élèves, ni à leurs parents, ni à son administration est nécessairement confronté à une situation invivable car, ne donnant pas trop de travail et restant peu sévère dans ses notations, il encourage ses élèves à en faire toujours moins, au point de rendre sa présence purement décorative.
Mais le prof déterminé que vous décrivez, arrivera à s’en sortir si sa classe reste, malgré sa tendance naturelle, composée d’une majorité d’individus qui ont envie de réussir et de grandir. Dans les classes de S d’aujourd’hui, se concentrent plus particulièrement ces élèves, puisque par le choix d’éloigner les élèves de toute réflexion un peu trop personnelle, on a fait de cette filière la seule filière de réussite possible. Et donc notre prof déterminé finira, au bout tout de même de quelques mois, par passer pour un héros à côté de ses collègues qui ont tendance à privilégier la facilité.
Mais on trouve, au lycée, donc pour les 15-18 ans, y compris en S mais surtout dans les autres sections, de plus en plus classes dominées par des jeunes qui ont déjà tout ce que la société leur a rendu désirable (confort, jeux, portables etc.) et qui voient à 71%, le fait de devenir adulte comme quelque chose d’angoissant, tant avec la menace du chômage qu’avec tous les soucis en général que cela représente : inconsciemment ou pas, ils ferment alors leur esprit à tout ce qui se propose de les conduire vers l’âge adulte, à commencer par l’école. Face donc à de telles classes, notre prof déterminé sera conduit à devoir systématiquement exclure de son cours les deux-tiers de sa classe et à accepter d’avoir une moyenne de classe de 5/20 quand ses autres collègues en resteront à 12/20. Pour lui aussi, la situation deviendra donc très vite invivable, avec la conflictualité qu’il aura généré avec sa classe, certes dans l’intérêt même de cette classe mais contre le sien propre : personne n’aime donner à boire à des ânes qui n’ont pas soif. Psychologiquement, très peu pourront tenir.