Cher Philouie,
Je ne vois nullement dans la pensée religieuse un anti-humanisme mais bien un des principaux moyens par lesquels l’humanité a commencé à prendre en main sa propre destinée collective, au lieu de s’en remettre au seul instinct et sans tomber dans la barbarie. Pour pouvoir accepter des règles de vie communes, il a sans doute fallu, peut-être consciemment mais avec plus de chances inconsciemment, que les hommes s’inventent des dieux les leur imposant : on ne convoite pas la femme du voisin, ni son âne, on ne médit pas les uns des autres, on ne se tue pas etc. Mais il est souvent arrivé dans l’histoire des hommes comme à titre individuel, que ce qui a un moment a été un facteur de perfectionnement, devient ensuite un facteur de stagnation, voire de régression. Ce qui ne veut pas dire que je rejette l’idée même de Dieu, mais que je ne reconnais pas, pour ma part, le caractère définitif et intouchable de la révélation d’origine supposément divine.
Quant au désir de vivre, que vous pouvez certes appeler pulsion, j’en fais effectivement le fondement de la morale mais vous omettez de vous souvenir que j’ai précisé que la raison jouait ici un rôle essentiel. Le fondement de la morale, je dis que ce n’est rien d’autre que le désir de vivre (ou expansion indéfinie de la vie) bien compris. Que ce soit l’ivrogne ou le père de famille respectueux de lui-même et des lois, chacun désire vivre aussi intensément que possible ; seulement le premier le fait de façon déraisonnable, l’autre de façon raisonnable. Celui qui tue son voisin parce qu’il l’empêche de dormir avec son vacarme nocturne ou celui va discuter avec lui pour trouver ensemble un moyen de s’entendre avant de recourir à la loi, les deux veulent également vivre de façon expansive mais l’un est déraisonnable, c’est-à-dire qu’il veut et fait ce qui va contre son but final qui est de bien vivre, tandis que l’autre est raisonnable.
Ensuite quelle place pour l’autre dans l’expansion indéfinie de soi ? Avez vous donc essayé de comprendre un peu ce que j’ai essayé de vous expliquer ? Le soi n’est pas le moi. Ce qui s’oppose à l’autre, c’est le moi et ses caractéristiques particulières. Le soi est au contraire ce qui m’identifie à l’autre : comme lui je désire vivre, j’ai une subjectivité, comme moi il peut douter et comprendre des règles pour conduire lui-même son existence, de sorte que nous avons beaucoup à communiquer. L’un et l’autre, nous désirons également vivre et désirer, à la base, c’est plus qu’une simple pulsion, c’est avoir conscience de l’effort de persévérer dans l’être. En raison de cette conscience, obtenue sans doute par le développement du langage lié à la vie collective, les hommes peuvent devenir les plus grands ennemis les uns des autres comme devenir des dieux les uns pour les autres, selon que les notions communes de la raison seront plus ou moins développées.
Les religions, comme indiqué plus haut, ont permis aux hommes d’acquérir leurs premières notions communes. Je dis qu’il y a de la rationalité dans les religions dans la mesure où pour être comprises, on doit être arrivé à la connaissance du principe de causalité ; puis elles permettent, en pensant une cause unique de l’univers, d’envisager l’idée que les hommes sont tous de la même origine, de sorte qu’ils peuvent communiquer, c’est-à-dire mettre en commun leurs biens intérieurs et extérieurs comme on le fait dans toutes les familles. Mais elles deviennent des freins aux progrès de l’humanité quand elles conduisent à s’opposer à ceux qui n’ont pas la même religion, comme cela arrive nécessairement tant qu’elles sont objet de foi, c’est-à-dire d’un jugement tenu pour vrai absolument, puisqu’il est d’origine révélée. Mais aussi à l’intérieur même d’une société, quand contre Jésus, Paul de Tarse dit qu’il y a ceux qui commandent et ceux qui obéissent, qu’il y a les puissants installés par Dieu, qui sont des hommes riches et qu’il y a les plus faibles, les femmes pauvres, qui n’ont rien à dire.
Et si l’on peut envisager l’examen de conscience - réflexion de la raison sur le désir de vivre - dans le cadre de l’école laïque, c’est effectivement parce que cette dernière n’a jamais été niée par celle-là, encore moins que la raison, et qu’on la pratique déjà abondamment effectivement en Lettres mais aussi en philosophie, discipline que nous pratiquons ici même vous et moi (puisque vous raisonnez à partir du bon sens et non en vous appuyant sur l’autorité d’un texte religieux).
06/05 21:51 - philouie
Je voudrais essayer de récapituler au moins en quoi nous sommes d’accord : le fait de (...)
06/05 21:39 - philouie
Alors, vous comment faites vous pour ramener cette jeunesse à la morale ? C’est une (...)
05/05 16:48 - Henrique Diaz
Philouie, (j’espère que vous trouverez ces réponses, pas facile au bout d’un moment (...)
05/05 15:58 - Henrique Diaz
Ce paradoxe peut se résoudre facilement si on prend garde que ce qu’il y a de moral dans (...)
05/05 15:47 - Henrique Diaz
Nous discutions de savoir si tous les hommes veulent la liberté ou non. Manifestement quand on (...)
05/05 15:00 - Henrique Diaz
Eric, Le précédent message répond plus en détail à votre avant-dernier message. Sur le (...)
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