@ Manu :
La seule différence, c’est que personne (ou presque) ne rêve sérieusement de reprendre le commerce de boucherie-charcuterie de ses parents : je veux dire qu’à choisir, tout le monde préfèrera les paillettes, le champagne, les Rolls et les demi-putes du showbiz...
Paillettes du showbiz inventées, comme l’indique leur nom, pour faire en quelque sorte du business, du travail et de l’exploitation, un aimable show philanthropique... Longtemps l’espoir de vivre en haut de l’affiche, celui que chante Aznavour dans « Je m’voyais déjà », permit (comme aujourd’hui l’euromillion) à quelques uns d’échapper à l’usine, contraignant implicitement la plupart des autres à s’y résigner, avec pour modeste consolation cette société du spectacle politiquement abjecte mais sans doute socialement nécessaire. Il faut bien faire rêver ceux qui n’ont pu réaliser leurs rêves. Il faut le spectacle pour faire admettre la société.
En fait, nous régressons de plus en plus à l’Ancien Régime, ou un fils de tapissier n’avait le choix que de devenir tapissier à son tour... ou bien Molière.
Sauf que, s’agissant de ces métiers incroyablement privilégiés (matériellement et symboliquement) qui permettaient jadis à un Gabin ou une Piaf de s’élever par la grâce à force de travail - d’échapper à l’usine par l’art et d’atteindre à la gloire par la grâce... le processus est inversé.En l’occurrence, ce n’est pas le prosaïque et laborieux milieu de la boulangerie qui coopte un apprenti prometteur tenté par la bohème, la fête et le parasitisme ; non, c’est la bohème incestueuse qui, réduite au parasitisme, coopte un fils à papa sans talent véritable (qui plus est dans des arts mineurs, c’est-à-dire éphémères) pour lui épargner d’aller bosser, lui de toutes façons n’aurait jamais su faire du bon pain !
Autrement dit : alors que, chez les artisans/prolos, il s’agissait de maintenir un
individu au même niveau social, en le cooptant au sein d’une corporation
de métier (apprentissage, épreuve du feu...), dans le showbiz on voit se
perpétuer une caste sans savoir-faire objectif (un « jeune talent », c’est
d’abord de la distribution, du réseau, des médias... seule l’épreuve du temps avère le talent). Avant il s’agissait d’éviter à un fils de mourir de faim ; aujourd’hui il s’agit de permettre à un « fils de » de faire fortune, vous saisissez la nuance ?
Les porcs incestueux du showbiz sont les nouveaux seigneurs de la Cour - les mêmes altesses imbues de pages people... La société à ordres a mal fini : dans le juste lit de Procuste de l’abolition des Privilèges et de la guillotine.
Perso, j’espère que ça s’en vient, car je trouve le temps long et tous ces bouffons sans talent, faute de me faire rêver, ne me le font perdre...