Style Lilian Massoulier
Par Marie-Christine Poncet le lundi 29 janvier 2007, 01:30 - Ce que dit le style - Lien permanent
point de vue
Ceci n’est pas une pomme, Magritte (association très subjective d’un tableau au style de Lilian Massoulier)
C’est l’expression du point de vue sur les événements qui constitue le sujet principal des articles de Lilian Massoulier ; les faits eux-mêmes servent de point d’appui, ils sont presque choisis avec désinvolture, dans des chroniques déjà dévalisées, car ce qui compte n’est pas le fait mais son contexte, et le but n’est pas la réaction immédiate mais la réflexion sur la vie.
Un jeu est constamment entretenu avec le lecteur, par le procédé de l’attente détrompée : tout est fait pour nourrir l’horizon d’attente, pour mieux surprendre ensuite (« Ça restera la grande force, le seul talent de ce leader minimo. ») Souvent s’enchaînent un foisonnement de périphrases en forme de piques (Sa Sainteté de Solutré, Le Jolis de Villiers de Saintignon, l’ancien gégènéral), des mélanges d’effets sonores et de figures dépréciatives (« Dans notre époque si peu épique, proche d’une certaine glaciation et d’un certain réchauffement, qui ne remue la queue que dans des forums, des blogs ou quelques émissions de gaz médiatique, une chose est sûre : Jean-Edern Hallier n’existe plus »), de tournures ironiques (« les donneurs de leçons des importances hebdomadaires »), de clins d’œil au lecteur (L’Idiot, au début des années 1990, alors que Nirvana noyait de cupidité nombre de nouveau-nés... l’image de la pochette de l’album de Nirvana Smells like teen spirit représentant un bébé sous l’eau revient à l’esprit). Parfois l’expression se condense pour frapper comme une pierre (« La Tchétchénie est ailleurs, et nous n’y sommes pas. »)
Ces décalages constants, jeux d’humour auxquels on consent en général joyeusement, même quand le trait est un petit peu forcé (Tout foot le camp ! la Poitevine a labouré ses champs Elysées ?), nous montrent aussi que les choses ne sont peut-être pas telles que nous les voyons ou que nous les croyons, et nous conduisent au seuil de la complexité du monde. Là s’arrête l’écriture, qui reste légère, en forme d’ellipse argumentative ; au lecteur de décider d’entrer ou pas, dans ce monde-là.