Une maîtresse est-elle aussi une femme fidèle ?
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Je vous ai vu un beau
matin, à l’autre bout
du quai, de cette
gare, de cette ville, à l’orée
de ma vie. A l’autre
bout, loin de moi, vous
parliez à votre amie,
de je ne sais quelle autre
grande reine de
beauté, et moi, pauvre sujet
de la scène, que vous
majestiez à chaque pas,
je restais là,
pantois, perdu, suspendu à vos
lèvres, à votre
bouche, où les mots semblent des
charmes. Je vous ai
vu, là ce matin, belle comme
mille femmes ne
pourraient l’être. Je vous ai vu
au-delà des brumes,
des bruits, des images, de la vie
de cette gare, cette
ville, mon berceau, mon âme
éternelle. Je vous ai
embrassé, du fond de mon
cœur, tout près sur
ce quai. Je vous ai vu, et pas en
rêve. Je vous ai
pris, mais pas la main, mais en
photo, dans mon
esprit. Et moi, mon esprit est prit, en
flagrant délit, de
sentiments. Je vous ai vu aussi, me
plaire à chaque
mouvement de vos contours. Puis-je vous
regarder ainsi, vêtue
si peu, si légèrement, de votre
robe évasive ?
Mon évasion à vos pieds, reste en toute
pudeur. Je vous ai
perdu, un instant des yeux, mais
l’instant passa,
comme un train s’en va. Je m’en remis à
l’instinct des cieux,
l’instant présent, pour ne pas
vous perdre à Dieu.
Et je vois ce quai, triste et terne
nous séparer, nous,
nous qui sommes tout et plus
dans cette gare, tout
au plus qu’une autre gare. Nous,
dans ce monde, nous
qui sommes deux quand je ne suis
qu’un, dans cette
ville hagard, où je ne ressens plus
rien, l’instant nous
a unis, pour cet instant unique, qu’est
le départ d’un train
sur un quai de gare, un départ, toute
une vie sur terre. Je
vous ai vu, vous retourner, je vous ai
cru, me regarder, je
vous ai vu, dans le train monter. J’ai
lu et récité, ma
prière, ma préférée. Je vous ai su, l’avoir
entendu, secrètement
à vos oreilles. Alors une caresse je
reçu, subtilement
adressée, intimement voilée, une caresse
et un baiser, de
vous, mais vous, ne le savez. Voilà révélée
de papier, une prière
enchantée, puis un train s’en est allé.